À Glasgow, la COP26 a fermé ses portes. La conférence a connu une affluence record. Mais le succès d’une COP ne se mesure ni au nombre de ses participants, ni à celui des déclarations produites. Il se juge à sa capacité d’accélérer l’action climatique sur le terrain.

En la matière, que peut-on retenir de cette 26e édition ?

Un accroissement timoré des objectifs de réduction d’émissions

Le rendez-vous de Glasgow constituait un point d’étape important dans le calendrier de l’accord de Paris signé en 2015 lors de la COP21. Tous les pays participant à l’accord devaient en effet actualiser leurs « contributions nationales », autrement dit leurs objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre à l’horizon 2030.

Le bilan apparaît mitigé. Le verre n’est pas totalement vide : dans leur majorité, les pays ont bien actualisé leurs contributions, certains comme la Chine à quelques jours de la conférence, ou même, à l’instar de l’Inde, pendant la conférence.

Discussions lors d’une session plénière de la COP26, le vendredi 12 novembre 2021. Andy Buchanan/AFP

D’après le décompte des Nations unies, ces contributions marquent un progrès relativement au jeu déposé lors de la signature de l’accord de Paris. Elles permettraient d’économiser en 2030 de l’ordre de 4,8 Gt d’émission (-8 %) par rapport aux contributions de 2015.

Ce gain reste toutefois très insuffisant pour nous mettre sur une trajectoire de réchauffement conforme aux objectifs de l’accord de Paris – moins de 2 °C, et si possible 1,5 °C.

Si toutes les contributions étaient réalisées, les émissions mondiales dépasseraient en 2030 d’un peu plus de 10 % leur niveau de 2010 alors qu’il faudrait les réduire de 45 % pour être sur une trajectoire limitant le réchauffement global à 1,5 °C.

Difficile convergence sur le financement, avancée sur les mécanismes de marché

Réévaluer les objectifs, c’est bien. Mettre en place les outils permettant de les atteindre c’est mieux. La COP26 a dû ainsi se saisir de deux dossiers épineux en la matière : les financements internationaux, auxquels se sont engagés les pays développés à hauteur de 100 milliards de dollars par an ; les mécanismes de marché prévus à l’article 6 de l’accord de Paris (soit un système d’échange de droits d’émissions de gaz à effet de serre entre des pays gros émetteurs et d’autres moins émetteurs).

D’après le dernier bilan réalisé par l’OCDE, il manque vingt milliards de dollars sur les 100 promis par les pays développés au titre de la « justice climatique ». Le déficit est notablement important pour le financement des projets d’adaptation.

Ce point de discorde entre pays développés et pays moins avancés a été la principale cause de la prolongation de plus de 24 heures de la conférence. Le communiqué final indique que les engagements complémentaires pris durant la conférence ne permettent pas de totalement combler ce déficit. Pour Patricia Espinosa, à la tête de l’équipe des Nations unies en charge des négociations, les 100 milliards de dollars pourraient cependant être levés dès 2022 si tout se passe bien.

Lors des précédentes COP, les pays n’avaient pas réussi à s’accorder sur les règles permettant de mettre en place le dispositif d’échange de quotas ou de crédits d’émission facilitant l’atteinte des objectifs de réduction d’émission. Les principaux points de blocage (risques de double comptage, intégrité du mécanisme) ont pu être levés.

L’avancée est importante, car l’émergence d’un prix du carbone permettrait d’accélérer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Reste à la concrétiser sur le terrain, ce qui prendra un certain temps, les règles étant passablement compliquées.

Deux avancées qui comptent : méthane et sortie des énergies fossiles

Réduire les émissions de méthane est l’une des actions ayant un impact le plus rapide sur le réchauffement. Le méthane a une durée de séjour relativement courte dans l’atmosphère (12 ans en moyenne). Chaque tonne rejetée a un pouvoir de réchauffement bien plus élevé que le CO2. L’Agence des Nations unies pour l’Environnement (UNEP) estime qu’une action de réduction précoce permettrait de réduire de 0,3 °C le réchauffement global d’ici 2050.

L’appel a été entendu. L’initiative jointe États-Unis/Union européenne réunit plus de cent pays qui se sont engagés à réduire d’au moins 30 % leurs émissions de méthane d’ici 2030. Certains gros émetteurs manquent à l’appel, comme le montre le graphique ci-dessous. L’initiative portera pleinement ses fruits si ces pays la rejoignent. Ils y sont incités par le communiqué final de la COP qui, pour la première fois, mentionne l’enjeu de la réduction des émissions de méthane.

C. de Perthuis (à partir des données PBL 2020)CC BY-NC-ND

Autre innovation du communiqué : on y évoque – timidement et pour le seul charbon utilisé dans les centrales électriques – la sortie des énergies fossiles. C’est une petite révolution culturelle dans le monde des négociateurs du climat. Il avait été impossible d’introduire une telle référence dans le texte de l’accord de Paris.

Plus important que quelques lignes du communiqué, la sortie des énergies fossiles s’est inscrite au cœur des débats. On en parle enfin sans faux-semblants, ce qui met sur la sellette les grands producteurs et exportateurs de ce type d’énergie.

Cela crédibilise les déclarations en provenance du monde financier, notamment celle commune aux États et aux agences de développement qui proscriront dès 2022 les financements publics de projets de développement des énergies fossiles.

Autre innovation porteuse : le Costa Rica et le Danemark ont lancé une initiative destinée à arrêter la délivrance de nouveaux permis d’exploration de pétrole et de gaz.

La grande oubliée de la conférence : l’agriculture

Si les questions énergétiques sont mieux traitées par la COP, ce n’est pas le cas des enjeux agricoles. L’envolée des prix des matières agricoles de base rappelle pourtant la vulnérabilité de l’agriculture face au réchauffement climatique.

Il y a urgence à accroître la résilience des systèmes agricoles en développant l’agroécologie qui favorise par ailleurs la baisse des émissions de méthane et de protoxyde d’azote. Cette problématique, cruciale pour la sécurité alimentaire, reste aujourd’hui malheureusement périphérique.

Tant que l’enjeu agricole ne sera pas pleinement intégré, les déclarations tonitruantes sur la fin de la déforestation tropicale resteront peu crédibles : on n’arrêtera pas la déforestation par des déclarations d’intention, mais en agissant sur les causes du processus.

L’extension des usages agricoles en constitue le premier facteur. Pour l’interrompre, il faut trouver des alternatives économiquement viables et socialement justes pour les agriculteurs présents sur les fronts de déforestation.

La bonne surprise de la quinzaine : le dialogue Chine/États-Unis

Ce fut une réelle surprise. Tous les signaux étaient au rouge. Les négociateurs évoquaient avec nostalgie l’époque révolue de la conférence de Paris où l’axe sino-américain avait été un puissant facilitateur.

À Glasgow, les négociateurs en chef des deux pays se sont invités à la tribune. Ils s’y sont succédé pour présenter, le 10 novembre 2021, un communiqué commun promettant notamment une accélération de l’action dès 2022 en ce qui concerne les réductions de méthane et le retrait des énergies fossiles.

Si ces réductions se concrétisent, l’impact direct est loin d’être négligeable. Les deux pays comptent encore pour 40 % des émissions mondiales. La reprise du dialogue pourrait aussi avoir un effet d’entraînement sur le reste du monde. C’est important, car le « Reste du monde » a pris, depuis le début de la décennie 2010, le relais de la Chine comme premier contributeur à l’accroissement des émissions globales, ainsi que le montre le graphique ci-dessous.

C. de Perthuis (à partir de Olivier J.G.J. et Peters J.A.H.W. 2020, Trends in global CO₂ and total greenhouse gas emission : 2019 report, Report 4068. PBL Netherlands Environmental Assessment Agency, The Hague)CC BY-NC-ND

Rendez-vous à Charm el-Cheikh

Dans la chorégraphie propre aux sommets climatiques, l’impression est donnée qu’une brochette de chefs d’État, se rencontrant le temps de faire une belle photographie, aurait le pouvoir de décider du scénario climatique dans lequel le monde va s’engager.

La réalité est assez différente : les COP apportent un cadre et donnent des impulsions, mais c’est bien entre les COP que se décide l’action climatique.

Cette action est de plus en plus portée par deux moteurs.

Sous l’angle économique, la triple baisse des coûts des énergies renouvelables, du stockage de l’électricité et de la gestion intelligente des réseaux, élargit la gamme des alternatives aux énergies fossiles.

Au plan sociétal, la mobilisation de la génération montante, présente à Glasgow pour dénoncer le « bla-bla » des vétérans de la COP, continuera à exercer une pression croissante après la clôture de la conférence.

Ce double moteur économique et sociétal va pousser à l’accélération de l’action climatique d’ici la COP27, programmée fin 2022 en Égypte. Pour apprécier si les impulsions données à Glasgow se sont concrétisées, rendez-vous à Charm el-Cheikh…

Auteur

  1. Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSL

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