Quatre années de Trump en plus auraient des conséquences durables, notamment pour l’environnement et les relations internationales. Une présidence qui va laisser des traces. Il reste ce mardi 27 octobre une semaine avant l’élection présidentielle américaine, sept jours avant de savoir si Donald Trump va rempiler pour un second mandat ou non. À ce stade, il est encore impossible de prévoir qui de Biden ou Trump remportera la présidence, le pays étant complètement polarisé entre les pro et anti-Trump.
Malgré une gestion chaotique de la crise sanitaire et une montée du racisme dans le pays et même s’il est distancé dans les sondages, Donald Trump bénéficie toujours d’une base électorale solide, galvanisée par l’élection de la juge conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour suprême à huit jours du vote. Aussi, d’un point de vue historique, il est très rare que les électeurs empêchent un président sortant de faire un deuxième mandat.
Un “four more years” qui ne serait pourtant pas sans conséquence et qui pourrait sous certains aspects être irréversible, expliquaient au HuffPost en 2019 Jean-Eric Braana, spécialiste des États-Unis et Donald Cuccioletta, expert en politique américaine basé à Montréal.
Ce qui ne pourra plus (ou presque) changer
“Il va solidifier ses positions, aller encore plus loin dans ses objectifs tels que la construction du mur, la guerre commerciale avec la Chine qui finira par devenir une guerre militaire à terme, ou encore la solidification des relations avec la Corée du Nord qui donnera à cette dernière une plus grande importance”, assurait Donald Cuccioletta en juin 2019.
Voici trois domaines qui subiraient des conséquences durables en cas de réélection de Trump:
Le climat
Il n’aura eu de cesse de dénigrer le combat climatique et de mépriser les efforts écologiques des autres nations: avec quatre ans de Trump en plus, les conséquences de sa politique climatique vont peser encore davantage sur le climat. Et le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris y jouera un rôle majeur. “C’est désastreux, le temps que les États-Unis ne passent pas à se soucier du climat et à contrôler leur consommation de CO2 n’est pas rattrapable. Le temps est compté, le réchauffement climatique fait déjà des ravages, et s’il est réélu, ce temps perdu le sera définitivement”, déplorait Jean-Eric Braana.
En effet, avec un nouveau mandat de Trump, il faudrait attendre au moins 2025 pour voir la plus grande puissance mondiale agir contre ses émissions de CO2. Selon le Global Carbon Project, groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, si la “décarbonisation” avait commencé à l’échelle mondiale en 2000, une réduction des émissions d’environ 2% par an aurait été suffisante pour rester en dessous de 2 degrés Celsius de réchauffement. Aujourd’hui, il faudrait environ 5% par an et si nous attendons une autre décennie, ce sera environ 9%.
De plus, selon le GCP, pour avoir une chance de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de 1,5 degré Celsius -objectif de l’Accord de Paris sur le climat- il faudrait que d’ici 2030, les émissions de CO2 chutent d’environ 45% par rapport aux niveaux de 2010. Malheureusement, au lieu de diminuer, elles sont en hausse. Ce n’est donc pas gagné.
Détérioration irréversible du territoire américain
“Il ne sera pas facile de rattraper le temps perdu”, note la journaliste Hannah Murphy dans Rolling Stone.  “Trump a réussi à brouiller la trajectoire de la politique climatique américaine, créant un enchevêtrement de combats juridiques qui devront être éclaircis pour que la politique climatique américaine progresse. Et il n’a laissé pratiquement aucune partie de notre structure de réglementation environnementale intacte”, explique-t-elle en évoquant le feu vert donné aux infrastructures de combustibles fossiles telles que les pipelines Dakota Access et Keystone XL.
Selon la journaliste, l’administration Trump a procédé au plus grand recul de terres protégées par le gouvernement fédéral de l’histoire des États-Unis. Elle évoque notamment le monument national Bears Ears dans l’Utah, que Donald Trump a réduit de 85% en 2017 et qui est dans le collimateur des producteurs d’uranium. “La décision de Trump a été embourbée dans des poursuites judiciaires, mais un deuxième mandat pourrait leur donner le temps de les démêler et de remettre le terrain aux lobbyistes de l’uranium”, note-t-elle.
Est pris également pour exemple le forage dans l’Arctic National Wildlife Refuge, approuvé en août 2020. Si les délais de mise en place sont trop courts par rapport à la présidentielle, les baux seront vite débloqués si Trump poursuit avec un second mandat.  Ainsi, les pipelines et les plates-formes pétrolières qui seront installés “causeront des dommages permanents à un écosystème vital et fragile et il est très difficile de défaire cela une fois que c’est installé”.
La course à l’armement
″‘La guerre règle tous les problèmes’. C’était la façon de penser de John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump (qui depuis s’est retourné contre le président, NDLR). Et ce dernier a décidé de prendre cette phrase pour argent comptant en lançant une course à l’armement qu’il sera impossible d’arrêter”, regrettait Donald Cuccioletta.
En effet, selon lui, la remise en cause par le président des alliances des États-Unis et le retrait unilatéral des traités de contrôle des armements ont rendu le monde beaucoup plus dangereux. “Nous sommes dans une période très peu sécurisante et sous tension”, selon le spécialiste. Car, après avoir sorti les États-Unis de l’accord nucléaire iranien -portant ainsi gravement atteinte à la réputation de Washington en tant qu’allié et partenaire de négociation-, Trump n’a pas réussi à prendre le dessus dans sa relation avec la Corée du Nord (qui est aujourd’hui plus ou moins au point mort). Il laisse ainsi Kim Jong-Un sans contrôle et avec une position internationale plus forte car il n’a pas plié face à la grande puissance.
“S’il est réélu, plusieurs pays pourront choisir de se doter d’armes nucléaires, en particulier ceux situés dans des régions qui ont eu recours aux garanties de sécurité américaines, telles que le Moyen-Orient et l’Asie du Nord-Est”, note The Atlantic. Un scénario qui signerait l’arrêt de mort du régime de non-prolifération que les États-Unis et l’UE avaient réussi à mettre en place.
“Le Brésil est en train de se doter de l’arme nucléaire avec l’aide de Trump également”, confiait Donald Cuccioletta en 2019. Et une fois qu’un pays est doté de l’arme atomique, il est trop tard pour revenir en arrière.
 L’équilibre de la Cour suprême
C’était ce que les démocrates craignaient, et c’est arrivé. Donald Trump avait déjà placé deux juges conservateurs (nommés à vie) à la Cour suprême: Neil Gorsuch, anti-IVG, pro-armes et pro-peine de mort, et le controversé Brett Kavanaugh et il a réussi à en nommer une troisième pour remplacer la défunte juge progressiste Ruth Bader Ginsburg. Avec l’arrivée d’Amy Coney Barrett, confirmée par le Sénat à huit jours de l’élection, les juges progressistes passent à trois sur neuf et se retrouvent en position de faiblesse pour de nombreuses années.
Lors de son deuxième potentiel mandat, ce déséquilibre pourrait encore s’aggraver: le juge démocrate Stephen Breyer a eu 82 ans cette année, même s’“il est encore en bonne forme, donc je pense qu’il sera là pour un éventuel second mandat”, estimait Donald Cuccioletta.
Toutefois, ce déséquilibre à la Cour Suprême ne sera pas sans conséquence, notamment pour la politique migratoire et les droits des femmes. En 2019, plusieurs États américains ont adopté des mesures ultra-restrictives sur l’IVG. Leur objectif: obliger la Cour suprême à revoir sa jurisprudence de 1973, contenue dans l’arrêt “Roe v. Wade”, fixant la constitutionnalité du droit à l’avortement. Un cas de figure qui semble de plus en plus probable avec une Cour suprême très majoritairement conservatrice.
La “toute puissance” de Trump
Grâce aux trois juges qu’il a placés à la Cour suprême, Donald Trump a davantage le champ libre pour agir. Toutefois, depuis 2018, il n’a pu réellement faire passer de nouvelles lois car il a perdu la chambre des Représentants lors des élections de la mi-mandat. Il utilise donc les décrets pour pouvoir agir. Il n’est toutefois pas impossible qu’il récupère cette chambre lors des élections qui suivront la présidentielle.
“MAIS IL NE FAUT PAS SE VOILER LA FACE, SELON DONALD CUCCIOLETTA, MÊME S’IL NE LA RÉCUPÈRE PAS, IL NE FAUT PAS OUBLIER QUE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS, À MAJORITÉ DÉMOCRATE, COMPORTE AUSSI EN SON SEIN DES CONSERVATEURS QUI PEUVENT ÊTRE ENCLINS À ACCEPTER CERTAINES LOIS QUE PROPOSERA TRUMP. IL N’A PEUT-ÊTRE PLUS AUTANT LE CHAMP LIBRE QU’AVANT, MAIS CELA NE L’EMPÊCHERA PAS DE FAIRE PASSER DES LOIS CONSERVATRICES”.
L’expert pensait notamment à la lutte acharnée contre l’avortement, ou encore les restrictions visant la communauté LGBTQ, en particulier les personnes trans.
“Il faut se dire aussi que s’il est réélu, Donald Trump sera tout-puissant. Il aura prouvé d’une part que son élection en 2016 n’était pas une erreur et d’autre part, que les Américains veulent la politique qu’il propose. Ensuite, sa victoire remettra en cause le parti démocrate de l’intérieur. Le parti va imploser face aux dissensions internes, chacun se rejetant la faute. Ce sera une période très difficile pour la politique américaine”, concluait pour sa part Jean-Eric Braana.
Source : Actualité Ivoire