Francis Haba, vice-président du parti l’Union Guinéenne pour la Démocratie et le Développement (l’UGDD), accorde cette semaine une interview exclusive à notre rédaction. Au cours de cette rencontre, le politicien s’est  largement exprimé sur certaines actualités défrayant la chronique dans la cité, notamment, la tentative de destitution du président de la Cour Constitutionnelle Kélèfa Sall par huit de ses commissaires, la mutation politique du député Koni Kourouma chez les libéraux démocrates au parlement, l’éventuel détournement des 21 millions d’Euros à la BCRG et tant d’autres abordés.    

Justinmorel.info : La crise qui sévit actuellement au sein de la Cour constitutionnelle, est-elle, comme certains l’affirment, sous l’influence d’une main fantôme derrière ?

Francis Haba : Tous les Guinéens connaissent M Kèlèfa Sall, ils connaissent son franc parler, ils connaissent sa position par rapport au troisième mandat du président de la République. Alors pour nous les membres de l’opposition républicaine, c’est claire que c’est une manœuvre qui consiste à éliminer un adversaire gênant, un représentant de l’une des plus grandes institutions républicaines de notre pays. Donc, c’est une manœuvre qui consiste à baliser le chemin pour le 3ème mandat. Vous vous souvenez que les forces sociales aussi ont été bâillonnées, elles  ont été pratiquement trainées dans la  boue, lorsqu’elles  ont commencé à demander à juste titre la baisse du prix du carburant à la pompe.

Justinmorel.info : L’ex-membre de votre parti UGDD,  le député Kony Kourouma vient de rejoindre le Groupe parlementaire les Libéraux Démocrates ; c’est-à-dire  le principal parti de l’opposition (UFDG). Qu’en dites-vous ?

Francis Haba : Vous savez au lendemain des élections législatives, le bureau politique national de l’Union Guinéenne pour la Démocratie et le Développement (UGDD) avait catégoriquement refusé de rejoindre les rangs du RPG arc-en-ciel. Notre député est resté non inscrit au parlement. Malheureusement quelque temps après, il a rejoint une autre formation politique, qu’il a dirigée en tant que président mais depuis un certain moment, nous avons effectivement appris qu’il a rejoint les libéraux démocrates et je n’ai pas beaucoup de commentaires. C’est peut être une stratégie de survie de sa part, qui sait ?

Justinmorel.info : Quelle lecture, faites-vous de la dernière sortie médiatique du directeur des opérations de la CENI, Etienne Soropogui  accusant le gouvernement d’intimider les magistrats pendant les élections locales du 4 février dernier, par rapport aux annulations de certains procès-verbaux qui sont  à sa défaveur. ?

Francis Haba : C’est une confirmation de ce que nous avons toujours dit en tant que parti politique d’opposition. Une confirmation qui laisse entendre que c’est le gouvernement qui gère l’actuelle CENI. C’est le gouvernement qui n’a pas permis que ces élections  locales attendue par le peuple de Guinée  soient libres et transparentes. Mais,  c’est quand même dommage qu’un membre influent de la CENI comme Etienne Soropogui ait d’abord participé à ces opérations du début à la fin et après,  il nous sort ses aveux. Ses aveux  naturellement qui concordent avec tout ce que nous avons  toujours dénoncé. On appelle ça le médecin après la mort!!

Justinmorel.info : Que pensez-vous de cette phrase d’Aboubacar Soumah du SLECG, après la sortie médiatique du premier ministre Ibrahima Kassory sur les ondes de la télévision nationale : « si nous n’avons pas  gain de cause des 8 millions concernant  notre salaire de base, pas d’ouverture de classes. »

Francis Haba : Il est vrai, n’est-ce pas que les revendications syndicales sont constitutionnelles et c’est tout à fait normal que ce soit dans les entreprises privées que dans les entreprises publiques. Mais ces revendications doivent être raisonnables et doivent aller dans la mesure du raisonnable. Les fonctionnaires de l’Etat bien entendu, les enseignants ont aujourd’hui un salaire. Et, j’ai appris lors des négociations en plus de ces salaires-là, le SLECG propose 8 millions supplémentaires de salaire de base. C’est-à-dire si aujourd’hui un fonctionnaire a 2 ou 3 millions de salaire, la proposition, c’est qu’il y ait 8 millions supplémentaires. Je pense que nos syndicalistes doivent revoir leur copie. Et, qu’ils sachent  que c’est la production nationale qui paie les salaires. La Guinée n’est pas un pays riche à l’image de certains  pays de la sous-région comme la Côte d’Ivoire, ou le Nigeria qui ont plus du triple de notre Produit Intérieur Brut (PIB). Cela dit, c’est tout à fait normal que nos enseignants soient dans les bonnes conditions  pour pouvoir exercer leur métier. Mais, il serait bien et juste qu’ils revoient leur copie de revendications.

On se souvient  que c’était la couche des fonctionnaires les plus fragiles, étant donné que partout où on entend des détournements de dizaines de millions de dollars par-ci et par-là. Le train de vie de nos douaniers, nos inspecteurs, nos financiers  et de nos agents des impôts, cela créé une certaine frustration  au niveau de certains corps administratifs. C’est pourquoi tant que la loi n’est pas universelle, la loi n’est pas pour tous, tant que la lutte contre l’enrichissement illicite ne devient pas réelle dans notre pays, naturellement, on assistera à ces revendications de la part de certains syndicats.

Le gouvernement doit ouvrir un dialogue, ils doit négocier avec le groupe d’Aboubacar Soumah. Je pense que c’est ce qui doit être fait immédiatement. Mais, je pense que nos écoles ne doivent pas restées fermées le 3 octobre prochain, parce que tout simplement, le problème des salaires de base concernant 8 millions de GNF n’est pas encore réglé. A cet effet, que les uns et les autres comprennent que chaque pays a  ses réalités budgétaires et doit vivre en fonction de ses ressources.

Justinmorel.info : Nos confrères d’une radio de la place ont dénoncé  dans leur émission ‘’ GG’’, qu’il y aurait eu un éventuel détournement de  21 millions d’Euros dans les caisses de devises de  la BCRG. Votre avis ?

Francis Haba : C’est vraiment dommage qu’en Guinée,  la pratique de la corruption soit devenue une règle d’or. On a vu que le président de la République lui-même a nommé des anciens membres du gouvernement Lansana Conté, qui étaient soupçonnés d’avoir détourné plus de 270 milliards de GNF. Cela veut dire que lui–même est en train de blanchir les anciens dignitaires qui ont été soupçonnés de corruption. Alors, il est en train de couvrir pratiquement tout ça. J’ai entendu dire que c’est  Thièbgoro qui a déniché ces soupçons de détournements de fonds. Cela veut dire que le premier ministre n’a pas la volonté de lutter contre la corruption, il est venu au pouvoir pour protéger le clan Condé, de façon à ce que nos ressources continuent à être manipulées.

Je pense que notre pays a besoin d’une génération nouvelle, notre pays a besoin d’un jeune gouvernant, capable de lutter contre l’enrichissement illicite, capable de juguler ces maux de la Guinée, afin que nos populations puissent naturellement bénéficier des ressources de leur pays.

Interview réalisée par Léon KOLIE pour JMI

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