9 novembre 2008- 9 novembre 2023. Le 9 novembre 2008, l’incroyable nouvelle tombait sur les téléscripteurs des rédactions du monde. Miriam Makéba Mama Africa a rendu l’âme sur scène en Italie, victime d’un malaise après avoir chanté son tube Le mondial ‘’ Pata Pata’’.
A plus de 75 ans, militante engagée, elle s’était rendue à Caserte près de Naples pour participer à un concert de soutien à l’écrivain italien Roberto Saviano, menacé par la mafia suite à la publication de son livre, ‘’ Gomorra’.
Née en 1932 dans la capitale sud-africaine, Zenzi de son vrai prénom, diminutif d’Uzenzile qui signifie, » Tu ne dois t’en prendre qu’à toi-même « , commence son destin tristement: son père meurt lorsqu’elle a cinq ans. En 1947, les nationalistes afrikaners gagnent les élections et plongent le peuple noir dans l’arbitraire et la violence que peut receler un régime dictatorial et raciste tel que l’apartheid. À 20 ans, Zenzi Makeba, bonne d’enfants puis laveuse de taxis, vit seule avec sa petite fille Bongi et sa mère. C’est là qu’elle commence à chanter, presque par hasard, avec les Cuban Brothers, puis les Manhattan Brothers, en 1952, qui lui donnent son nom de scène, Miriam. Si elle est déjà une vedette, elle se sert de son nouveau gagne-pain pour dénoncer le régime.
Lorsqu’à 27 ans, elle quitte en toute légalité l’Afrique pour les besoins de sa carrière, elle ne sait pas qu’elle sera de fait bannie de son pays. Elle arrive aux Etats-Unis, parrainée par Harry Belafonte qui lui donne sa chance un soir de 1959. En quelques semaines, Miriam Makeba devient une star. Elle côtoie Marlon Brando et Duke Ellington, chante au Madison Square avec Marilyn Monroe pour l’anniversaire du président Kennedy.
» J’étais très honorée, mais le lendemain, j’épluchais mes légumes dans ma cuisine » confie-t-elle au journal français Libération. En 1960, sa mère meurt. Miriam Makeba apprend sans aucune explication qu’elle est interdite de séjour et ne peut donc assister aux obsèques de sa mère. Un exil de plus de trente ans commence. Elle ne cessera de prononcer des discours anti-apartheid et d’appeler au boycott de l’Afrique du Sud devant les Nations Unies. Elle chante en zoulou, en zhoxa, en tswana. Ses mélodies chantent la tolérance, la paix et le devoir de mémoire. Elle vit partout, libre et traquée, aux Etats-Unis, en Guinée, en Europe. Elle est devenue le symbole de la lutte anti-apartheid, avant même Nelson Mandela. Dans ses chansons, pas l’ombre d’une amertume, aucune pointe de cynisme, mais une dignité à toute épreuve.
Il faut le souligner, c’est en 1969, que le président guinéen Ahmed Sékou Touré et le président Fidel Castro offrirent à Miriam Makéba un passeport diplomatique. Elle choisit donc de s’installer en Guinée. Dans les années 70, qui sont les années de lutte contre la gauche et les mouvements révolutionnaires sur le continent africain, l’artiste est marginalisée, et elle se produit dans des petites scènes, des festivals, ou des cercles syndicaux.
L’explosion de la ‘’ world music’’ va faire renaître la star oubliée dans les années 80 : elle revient sur la scène avec l’album ‘’ Graceland’’, où elle chante en duo avec Paul Simon. Mais l’artiste continue à lutter, en paroles, et en participant à des films, à la lutte anti-apartheid dans son pays, comme sa participation à un film, sorti en 1992, relatant les émeutes de Soweto de 1976. ‘’ Je ne chante pas de chansons politiques, je chante la vérité. Je suis née sous l’apartheid. Je dis que je souffre et que mon peuple souffre, ‘’ confiait-elle lors d’une interview recueillie pendant le FESPAM – le Festival Panafricain de Musique- à Brazzaville en 1997.
Première femme africaine à connaître une renommée mondiale, Miriam Makéba reste et demeurera pour toujours, l’inspiratrice de toutes les artistes nées sur le continent, et sans doute de toutes les artistes engagées du monde. Elle mérite donc un sacré devoir de mémoire.
Paix à son âme!
Thierno Saidou DIAKITE pour JMI
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