Le 15 juin 2003, Momo Wandel Soumah saxophoniste de renom était arraché à notre affection. Né en 1926, cet opérateur de radio PTT a mené de front sa passion musicale et son travail. Auteur compositeur, arrangeur, saxophoniste et chanteur, Momo Wandel Soumah fut d’abord membre avant l’indépendance de la Guinée en 1958, de la plupart des formations guinéennes comme « Joviales Symphonies », « la Douce Parisette », « Tolnia Jazz » ou « Wandel Sextet » avant d’intégrer « le Syli Orchestre » dirigé par Sanoussi Kanfory, groupe fondateur de la musique moderne guinéenne.
Il faut noter que Momo Wandel, pour les besoins de l’administration a servi dans certaines régions du pays comme Labé et Kankan. En 1947, c’est à Labé qu’il fonda une formation musicale pour égayer le public. A l’époque, Wandel avait constaté que la ville n’était pas animée.
Par la force des choses, dans les années soixante, le Syli Orchestre donna naissance, à plusieurs ensembles musicaux nationaux tels que Balla et ses Balladins, et Kèlètigui et les Tambourinis. C’est dans ce dernier orchestre, que Momo Wandel va évoluer en qualité de saxophoniste et chanteur. Avec Kèlètigui Traoré, ils constitueront un duo qui fera le bonheur des mélomanes.
Véritable roi du swing et de l’improvisation, Momo Wandel était le doyen du Jazz africain. Il créait sa musique sans l’écrire, en s’inspirant des chansons populaires, et en réunissant autour de sa voix « façon Louis Armstrong qui serait sorti de sa savane » et de son vieux saxo desséché, les grands maîtres des instruments traditionnels africains.
Fan de Coltrane, c’est sur le tard que Wandel émerge sur la scène musicale internationale. Après l’enregistrement de bandes originales de deux films de Laurent Chevalier : l’enfant noir en 1994 et Aoutara en 1996, il sort en 1999 l’album Afro Song, rencontre du jazz et de la musique traditionnelle qui signe son grand retour sur la scène internationale. Entre temps, en 1996, Laurent Duret signe un film de 52 minutes « Momo Wandel Soumah, Roots and jazz ». Ce documentaire raconte les cinquante ans de carrière de Momo Wandel, à travers la recherche de ses musiciens. Un portrait grandeur nature du musicien. On y découvre au quotidien son univers fascinant marqué par les musiques traditionnelles de Guinée mais aussi par le jazz, les bals coloniaux, les grands orchestres nationaux afro-cubains et l’ensemble des influences culturelles de ces dernières décennies en Afrique de l’Ouest.
En 2007, quatre ans après sa disparition, Laurent Chevalier, aussi lui consacre un documentaire ‘’Momo le doyen’’ qui comporte des titres majeurs de l’artiste. De sa longue carrière musicale, nous retiendrons que l’artiste a réalisé deux albums CD, Matchowé et Afro swing. En 1996, il obtient le premier prix du MASA en Côte d’Ivoire. A partir de 1998, il devient le chef musicien de la troupe Circus Baobab.
Sept ans après sa mort, Momo Wandel Soumah a été rattrapé par son succès. En effet, le 6 mai 2010 est sorti à Paris l’album’’ Le Ballet National de Guinée Conakry invite Bertrand Renaudin ‘’. Une œuvre musicale réalisée par le batteur et compositeur français Bertrand Renaudin avec la contribution de Momo Wandel, qui a servi d’intermédiaire entre la culture occidentale et celle traditionnelle.
Ce projet, qui a vu le jour grâce au directeur de l’époque du Centre Culturel Français de Conakry Ghislain Mérat. Cette œuvre musicale est curieusement restée dans l’ombre douze longues années avant que la maison de disque Cristal Records n’accepte de la produire.
Cet anniversaire de la disparition de Momo Wandel, nous donne l’opportunité d’évoquer le problème des instrumentistes à vent, qui se font de plus en plus rares en Guinée. Le seul actuellement en activité est Maître Barry. Le jour où il raccrochera, l’on sera face à un vide. La question que l’on est en droit de se poser, est de savoir pourquoi une vocation ne serait pas suscitée à l’institut des beaux-arts de Dubréka. La génération actuelle se détourne de plus en plus des instruments à vent. Ce qui à terme affectera la promotion de notre musique moderne. Le clavier ou la boîte à musique, ou même l’ordinateur ne sont pas à même de restituer toute les sonorités de notre fonds musical. De ce point de vue, tout une politique est à mettre en œuvre pour revaloriser notre riche musique. Un vaste chantier à ouvrir par les départements de l’Education, et de la Culture. L’institut des beaux-arts étant à cheval entre ces deux ministères, une démarche cohérente est à mener pour explorer toutes les pistes susceptibles de qualifier notre musique moderne.
Thierno Saidou DIAKITE pour JMI
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