Bonjour mon cher frère et ami et bienvenue sur RGI (Radio Guinée Internationale). Première question, faites-vous découvrir à nos nombreux auditeurs surtout les jeunes qui ne vous connaissent pas ?
Amadou Balakè TRAORE : « Je suis Amadou TRAORE dit ‘’Balakè’’ du Burkina Faso, né le 8 mars 1944 à Ouaouguiyah. J’ai tourné ma bosse un peu partout. Pour parler de mon séjour en Guinée, j’ai répondu, à une invitation d’un ami, le célèbre guitariste Papa Diabaté et je suis arrivé au début des années 60 à Kankan. N’ayant pas trouvé mon hôte, sa sœur Madame KOUROUMA, Djédoua Diabaté m’a conduit à une soirée dansante puisque c’était un samedi. J’ai joué pour la première fois en Guinée, avec l’orchestre de Kankan avec les Alkaly TOURE (trompette), Kabinet DIOUBATE (guitare solo). Les échos de ma brillante prestation sont parvenus à Mamou. Par la suite on n’est venu me chercher pour la ville carrefour. Monsieur Djely Bakar KOUYATE le regretté m’a alors invité à intégrer l’orchestre Bafing Jazz. De Mamou je fais, un tour dans l’orchestre national Balla et ses baladins en 1967 et je suis rentré chez moi en Haute volta en 1968, où j’ai repris la chanson ‘’Ballakè’’ à ma façon. J’ai été donc le premier à interpréter ce titre de Demba CAMARA qui a fait monter ma cote de popularité au sommet, on a même acheté et mis à ma disposition, un orchestre complet rien qu’à cause de son succès en Haute Volta aujourd’hui Burkina Faso ».
J.B. Williams : Connaissiez-vous au paravent l’auteur de la chanson Ballakè en l’occurrence Demba CAMARA du Bembeya Jazz national de Guinée ?
A.B. Traoré : « Non ! Mais je l’ai vu jouer pour la première fois au Sélect bar à Kankan. C’est quand je suis venu à Conakry à l’occasion des quinzaines artistiques nationales de 1965, 1966 que j’ai revu le Bembeya Jazz avec Demba, Sékou ‘’Bembeya’’ et les autres musiciens des orchestres nationaux comme Kèlètigui, Balla etc.
La chanson de Demba CAMARA inspirait la guitare de Sékou ‘’Bembeya’’ les deux se complétaient. La mort de Demba CAMARA a été une grande perte pour la musique de notre continent parce qu’il était le plus grand artiste de toute l’Afrique. Quand il nous quittait, il était au sommet de la gloire. C’est pourquoi j’ai interprété et porté avec fierté, le nom de sa chanson Ballakè sur tous mes dossiers ».
J.B. Williams : Vos débuts à la chanson ?
A.B. Traoré : « Je suis fils d’un Gourmaché, ancien garde Républicain, mon père porte un nom du village qui est FIOUFOU LOMPO. Converti à l’islam, il sera baptisé Samba TRAORE voila comment on est devenu TRAORE. J’ai commencé à jouer de la musique en 1956 alors que j’étais apprenti-chauffeur (Mopti-Ouaga ), métier que j’ai dû tronquer un jour, préférant faire de la percussion. En Haute Volta je me suis fais connaitre dans l’orchestre l’Harmonie Voltaïque, avant de prendre le chemin de l’aventure qui va me conduire au Mali en 1962. Abdoulaye SOW qui deviendra plus tard premier Ministre, était cette époque, le Directeur du Grand Hôtel de Bamako et nous, nous on jouait au Moulin Rouge qui est devenu le Village, avec l’orchestre qu’on appelait les Ambassadeurs. Les Ambassadeurs parce qu’on était cinq des étrangers : Amadou TRAORE, King Moctar, Jacob, Sanday, Koniko et deux Maliens. Après on nous a affecté au Motel, c’est là où le groupe va s’appeler en définitive, Les Ambassadeurs du Motel. C’est d’ailleurs Monsieur Abdoulaye SOW qui m’a encouragé à chanter, parce qu’il me disait que j’avais une belle voix soit dit en passant. Début 1963, je suis parti en Cote d’Ivoire avec Hilarion SANCHEZ notre pianiste pour créer l’orchestre Los Matécocos en ce moment moi j’étais percussionniste. J’ai joué au Tropicana, à l’hôtel Ivoire, il y avait une femme qui s’appelait Mouyido Rivel qui a même fait des films que moi j’accompagnais aux bongos et elle faisait le strip-tease.
1964 mon aventure me conduit à Kankan où je viens à l’invitation de ‘’Grand Papa’’ DIABATE le guitariste qui était lui aussi était parti m’a-t-on dit à Bamako où il va créer le ‘’Tiwara Band’’ de Kati, plus tard il jouera à la Boule Noire d’Abidjan avant de créer le groupe ‘’African virtuoses’’. C’est sa sœur Mme KOUROUMA Djédoua Diabaté qui va m’héberger. La nuit je me rends au Select bar où j’offre une prestation, toujours au chant, à la percussion et la flute que je sifflais avec mes deux doigts. Je resterais dans l’orchestre de Kankan durant un certain temps. Un soir après avoir fini d’installer les instruments de musique pour animer une soirée dansante, Kabinet DIOUBATE notre excellent guitariste soliste nous quitte pour prendre sa douche et quelques minutes après, c’est la triste nouvelle de son décès qui nous parvient. On a plus joué. Dommage ! Le choc était grand pour moi, j’étais vraiment bouleversé. C’est après le décès de Kabinet DIOUBATE que je vais me rendre à la gare accompagné d’Alkaly TOURE le trompettiste et j’ai donc quitté Kankan en somme pour répondre à la sollicitation du Secrétaire Général de la Région de Mamou, Monsieur Djely Bakar KOUYATE. Le Bafing Jazz m’accueille et tout Mamou sera plus qu’heureux de me voir rehausser le Bafing Jazz. Voilà comment je suis retrouvé à Mamou on m’a confié à Madame Fatou ARIBOT alors j’ai joué ça plu à tout le monde. Je me souviens avoir fait une tournée avec le chef de l’état, le Président Ahmed Sékou TOURE à Dalaba, Pita, Mali. J’ai joué avec ‘’Window’’ Daouda KOUROUMA au chant, Gérard DIALLO à la trompette. Jeannot, pour un peu d’humour, je vais essayer de parler en langue Soussou le peu qui me reste : N’tan mou sosso khui mèma n’na mèma dondoroti (rires), un peu de pular que j’ai appris à Mamou : Mi naneta pular mi nanata fota (rires). Bon le malinké nous le parlons chez nous au Burkina Faso.
Après Mamou, je débarque à Conakry dans l’orchestre national Balla et ses baladins. Je prends mes résidences bar dancing, Jardin de Guinée et suis logé chez ’Docteur ’’Sékou ‘DIABATE le regretté brillant guitariste soliste. J’ai joué avec les baladins comme tumbiste – chanteur, on se souviendra encore de mon célèbre titre High life « I’m like to go’’; (il chante un bout de la chanson), après Kèlètigui TRAORE m’a ‘’kidnappé’’ pour la Paillote où je fais office de Tumbiste.>>
J.B. Williams : C’est vrai que moi je vous ai découvert en 1967 à la permanence fédérale de Conakry 2 avec l’orchestre de Mamou le Bafing Jazz vous étiez tumbiste, chanteur et flutiste qui sifflait avec vos deux doigts.
A.B. Traoré : « C’est vrai Jeannot. Dans le Bafing Jazz j’ai chanté des titres comme ‘’Andrée’’ un titre composée par Mme Fatou ARIBOT, une dédiée au Président Ahmed Sékou Touré ’’ Abarana Sékou Kamarén Bèrè’’ une autre chanson faisant allusion au kidnapping de la délégation Guinéenne conduite par le Ministre des Affaires Etrangères Dr Lansana BEAVOGUI au Ghana ou en Côte d’Ivoire. Revenu au pays, le Ministre BEAVOGUI m’avait offert un costume ’’ Hérold’’. J’interprétais des chansons Cubaines comme « Bailar Vicenté » qui a connu un énorme succès à Mamou.
En 1968, j’ai décidé de renter chez moi parce que là il y avait une chanson qu’on chantait ‘’Mambi’’ (chœur de la troupe fédérale de Mamou) ça m’a touché parce qu’elle parlait de l’aventure. Je me sentais concerné, moi l’aventurier (rires). J’ai décidé sur le coup de rentrer chez moi. Je suis venu voir le Président Ahmed Sékou TOURE à qui j’ai dis que moi je voudrais rentrer .Il dit bon pourquoi ? Je réponds, étant l’unique garçon de maman je voudrais rester à coté de ma maman, mais mes poches aussi sont vides. Le Président m’a donné des devises ( des traveler’s chèques) et m’a fait raccompagner par son chauffeur qui m’a conduit chez Balla ONOVOGUI dans le quartier Coléah en face de la Cigale. Le lendemain j’ai pris mon vol pour Ouagadougou via Bamako. Quand je suis rentré en 1968, j’ai réintégré mon ancien groupe l’Harmonie Voltaïque. J’avais toujours gardé la Guinée dans mon cœur avec le grand espoir d’y revenir. J’ai beaucoup aimé ce pays. Ma mère était catégorique sur la question. Elle m’a dit niet : tu choisis entre la Guinée et moi. Tu es le seul fils que j’ai, je ne veux plus que tu voyages. J’ai donc respecté le vœu de ma chère mère ».
J.B.Williams : Après votre départ de Conakry ?
A.B. Traoré : « J’ai travaillé avec ‘’Sacodisc’’ Aboudou LASSISSI (1971-1972) on a été travaillé aux Etats Unis d’Amérique où on a travaillé avec ’’ Munguito’’, ’’ Chocolaté’’, ‘’Papaito’’ .J’ai obtenu mon premier disque d’or des mains du Ministre Monsieur Donan FOLOGO à l’hôtel Ivoire. On n’a fait une grande tournée Africaine ‘’La nuit de la salsa’’.Après la tournée le producteur a refusé de me payer mes cachets, j’ai donc quitté l’orchestre en plein New York. Je ne connaissais pas très bien New York c’est grâce à un ami Malien TRAORE Guibassy à partir de l’hôtel Hollywood où il séjournait, a appelé un grand musicien MIKE Amitin pour lui demander mon intégration dans ‘’Broadway orchestra’’. Alors ça commencé a bien marché pour moi jusqu’au moment où je reçois un télégramme m’informant que ma maman que j’avais déjà envoyé à la Mecque est revenu très malade à Ouagadougou. Voila que je vais tout abandonner et rentrer au pays. Quand je suis renté j’ai trouvé ma maman qui pilait le riz, elle n’avait rien. Je me suis fâché et j’ai dis ce n’est pas gentil, chaque fois que je veux avancer, tu me mets en retard ça veut dire quoi ?
Elle dit non je ne t’ai jamais appelé. J’ai dis et le télégramme ? Elle rétorque qu’elle n’en sait rien. Je ne suis plus reparti, ayant rompu le contrat. Bien, comme je l’ai trouvé en bonne santé c’était ça l’essentiel. Moi j’ai alors formé mon orchestre à Ouagadougou qui s’appelait ‘’Les cinq Consuls de Balakè’’.
En 2002, BONCANA qui est MAÏGA comme ma maman, je l’appelle mon oncle depuis que je travaillais avec LASSISSI m’a dit de toutes les façons tu vas travailler un jour avec moi. J’ai dit ça me fera plaisir. BONCANA MAÏGA me contacte pour ma participation dans le groupe ‘’Africando’’ du grand producteur Monsieur Ibrahima SYLLA sans problème, vous connaissez la suite avec à la clé un autre disque d’or ‘’Bétécé’’ (cinq cent milles exemplaires vendus rien qu’en Angleterre). Titre que j’ai chanté en hommage à un ami décédé qui était galant Ben Sidi OUATTARA. Je dis en substance dans la chanson, il n’est pas donné à n’importe quel homme d’être galant. Moi Ballakè TRAORE je n’ai pas eu de la chance, moi je ne suis pas un intellectuel, je n’ai jamais fait un jour de classe à l’école. Issu d’une famille religieuse, J’ai étudié le Coran. Du vivant de mon père je n’allais pas faire de la musique. Je n’envie pas ceux qui savent lire et écrire, je me contente de ce que je suis. J’aime bien la musique je compose quand il y a la musique car je ne peux écrire un mot. Aller à l’école c’est bien quoi, mais pas forcément. Je remercie Dieu, j’ai construit, j’ai envoyé ma mère à la Mecque je supporte une famille nombreuse. J’ai neuf grands enfants, deux épouses, une est décédée ».
J.B. Williams : Que pensez-vous de la musique Guinéenne que vous avez pratiquée ?
A.B. Traoré : « La musique Guinéenne est formidable c’est la meilleure des musiques j’en suis certain. Je ne dis pas ça parce que je suis en Guinée c’est une musique du manding que je ressens mieux que les autres musiques ».
J.B. Williams : Le mot de la fin ?
A.B. Traoré : « Mon dernier mot, c’est d’encourager la jeunesse et la musique Guinéenne de continuer à faire de la musique Africaine de façon générale et la musique manding de la sous-région ouest africaine en particulier, à beaucoup créer surtout.
Alors j’invite tous les Guinéens à la 4ème Edition du Gala de la Culture de l’Excellence le ‘’Djembé d’or’’ pour voir le vieux ‘’Balakè’’. Je te remercie Jeannot et je salue tous les auditeurs de RGI ».

Jean Baptiste Williams

Conakry le 7 avril 2003
Nb/ la suite très prochainement dans mes ouvrages.