À propos de l’avion offert ou mis à la disposition de la Guinée par une société minière.

CE QUE JE VOUDRAIS DIRE À L’ATTENTION DU PRÉSIDENT DE LA TRANSITION ET DU GOUVERNEMENT.
1. La Guinée a un réel besoin de redonner vie au transport aérien.
2. Il serait déconseillé à l’Etat Guinéen de s’engager dans la création d’une compagnie aérienne sans, au préalable, poser certains actes pour pérenniser le projet.
Ces préalables sont :
A- La construction ou la réhabilitation des aéroports des villes au potentiel certain en terme de trafic aérien
Les aéroports de Labé, Kankan, N’zérékoré et Boké devraient être réhabilités parce que potentiellement rentables.
Un Etat ne crée pas une compagnie aérienne que pour la desserte des pays voisins.
Le trafic national doit être la priorité pour favoriser la mobilité interne et promouvoir le tourisme.
B- La formation du personnel de navigation
Sauf erreur, les meilleurs pilotes Guinéens qui sont formés sous le régime de Sékou Touré, sont à la retraite.
Depuis le début des années 80, je ne pense pas que le Gouvernement guinéen ait formé des pilotes et techniciens de la navigation aérienne.
3. La présente opportunité de l’avion qui est mis à la disposition de la Guinée par une société minière doit nous inspirer une série d’observations et de questions.
A- une société minière n’est ni une société de construction d’aéronefs qui fait des offres de promotion ni une multinationale aérienne qui cède une partie de sa flotte pour le renouvellement de son parc.
B- Sous les régimes de Lansana Conté et d’Alpha Condé, des sociétés minières et des multinationales se sont illustrées dans des gestes de bienfaisance qui frisent la supercherie.
La séduction sur fond de corruption pour l’obtention de facilités en vue de la main-mise sur nos ressources est le but recherché par « les nouveaux Samaritains du capitalisme ».
C- À la vue de l’aéronef mis à notre disposition, des questions se bousculent dans mon cerveau.
Hélas. Personne n’en parle :
C-1. Quelles sont les caractéristiques de cet avion ?
(caractéristiques techniques, année de construction, fiche historique d’entretien, valeur à neuf et valeur vénale, disponibilité des pièces de rechange, le fabricant,…)
C-2. Les utilisateurs précédents.
C-3. Pourquoi cette société minière (une entreprise en perpétuelle quête de profit et intéressée par nos mines) offre un aéronef à la Guinée ?
D- Une enquête n’est-elle pas nécessaire sur cette société minière et ses dirigeants ?
E- À entendre les précisions données par le Ministre du budget, on est tenté de croire que le Gouvernement semble emballé pour saisir l’opportunité.
S’il rejette gentiment le don, il se dit disposé à prendre des actions éventuellement pour une copropriété.
Attention !
Notre gentille société minière n’a aucune expertise en gestion d’une compagnie aérienne. Elle sous-traitera avec une entreprise ou un groupe d’individus de la profession de l’aviation.
In fine, la Guinée sera doublement biaisée.
CONSEIL AU GOUVERNEMENT
A- La création d’une compagnie aérienne par l’acquisition d’aéronefs ne me semble pas une priorité, au regard des débours que cela implique pour l’achat des avions en bon état, la réhabilitation des équipements aéroportuaires en province et la formation du personnel naviguant.
Le coût est très élevé.
B- Si la Guinée veut créer une compagnie aérienne, elle doit faire un appel d’offre international ou alors se trouver un partenaire technique de référence qui a fait ses preuves en Afrique ou ailleurs.
Il serait plus facile pour ce partenaire de trouver des aéronefs neufs ou de première main, avec l’assistance technique et la formation requises.
Ce partenaire de référence pourrait être d’un apport pour la recherche de partenaires financiers.
C- Prudence
L’affaire d’acquisition d’avions a été une épine dans les chausseurs de certains dirigeants africains : IBK au Mali, Ben Ali de Tunisie, Paul Biya du Cameroun,…
Aussi, beaucoup de compagnies nationales ont été créées dans la ferveur du nationalisme. Pour la plupart, elles sont tombées pour mauvaise gestion des cadres locaux. D’autres ont subi le poids impitoyable de la concurrence internationale : Ghana Airways, Air Gabon, Nigeria Airways, Air Sénégal (original), Camair, Air Burkina, Air Ivoire, … C’est pourquoi d’ailleurs, lorsque les conditions seront réunies, deux pistes seraient conseillées à nos dirigeants :
1. Une compagnie aérienne AIR GUINÉE aux capitaux ouverts aux privés guinéens et étrangers, avec pour priorité la desserte locale (N’zérékoré, Macenta, Kankan, Siguiri, Kissidougou, Labé, Faranah, Sambaïlo, Boké) et éventuellement les capitales limitrophes.
2. Une compagnie aérienne sous-regionale AIR MANU, en association avec nos voisins du sud (Liberia et Sierra Leone), devant desservir les capitales et les principales villes des trois pays, éventuellement les capitales voisines.
Pour terminer, je salue la bonne foi de la société minière. Mais je conseille vivement aux autorités Guinéennes de s’éloigner de cette offre quelque soit la forme : Don ou Prise de participation dans le capital.
Sauf erreur de ma part, ÇA RESSEMBLE À UN PIÈGE (intentionnel ou pas).
RAPPEL.
1. Un Ministre guinéen des mines purge encore une lourde peine dans une prison américaine. C’est une honte pour lui et pour nous.
2. Avec Alpha Condé, l’affaire d’avion ne nous donne pas de bons souvenirs.
Sur les médias, des créanciers traînent encore l’honneur de notre pays dans la boue.
Par ces motifs, je recommande PRUDENCE au Président de la Transition , au Premier ministre et aux cadres chargés du dossier.
Gérons bien les dimensions économiques, politiques et sociales de notre Transition pour en sortir dans l’honneur.
N’encourageons pas nos dirigeants à diversifier les chantiers dont certains pourraient présenter des risques immédiats ou futurs.
VIVEMENT LA PRUDENCE.
ÉVITONS NOS ERREURS PASSÉES.
Ibrahima Jair KEITA pour JMI