1er décembre 2002 – 1er décembre 2022. C’est en 1975, en séjour de vacances à Siguiri, que j’ai fait la connaissance de Babadjan. Lors d’une visite chez mon oncle El Hadj Kéléfa Sangaré époux de ma tante Hadja Soukô Diakité, j’y ai trouvé Babadjan et Moutou Kouyaté dans la famille. Nous avons longuement échangé de musique. Ce sont ces raisons qui m’ont incité en 2020 à organiser à la Paillotte un mémorial.

Né à Abidjan de la famille Sekouna de Mamoudou Kabala, le destin de cet artiste est considéré comme blasphématoire par sa famille conservatrice. Babadjan est assez peu connu malgré un talent rare. A 12 ans, Babadjan est un grand mélomane et fanatique des films indous. En face de la concession familiale à Kankan, il y a le solex Bar où se produit le Horoya Band. Le jeune Babadjan est subjugué par la prestation des musiciens de l’orchestre. Les doigtés de Kabiné Diabaté, alors soliste, la voix sauve de lanciné Kanté retiennent l’attention du jeune garçon.
En 1966, il se cache de son père pour rejoindre Cheick Traoré de l’orchestre de kankan appelé Kenkeya Ké.
De peur que son fils n’embrasse la carriere de chanteur, son père le transfert à Siguiri. Ne voulant pas en rester là, Babadjan refuse l’école et se contente de chanter dans la brousse.
Au hasard d’une rencontre, Django Cissé, alors bassiste du Niani Band entend la voix de Babadjan. Il l’intègre dans l’orchestre de Siguiri où il interprète avec brio le titre Boloba. Deux ans plus tard, Babadjan est incorporé dans l’orchestre fédéral, le Manden KONO.
En 1970, le decés du père de Babadjan le libere enfin de la contrainte familiale. En 1973, en compagnie de l’orchestre federal, le Manden KONO, Babadjan participe pour la premiere fois au festival national à Conakry. Durant son sejour, il tape dans l’œil des musiciens de l’orchestre national Keletigui.
A la suite de négociations ardues avec les autorités de Siguiri, Babadjan debarque enfin à Conakry.
En 1977, il entame des repetitions avec l’orchestre Keletigui, et va a avec cette formation musicale son titre phare Maderi. Son association au vocal avec le congolais Ange Miguel donnera du tonus au repertoire de l’orchestre.
En 1982, avec Ibrahima Soumano, Brema RDA pour les intimes, Wendell Kouyaté, Alphadjo Condé et Ahmed Kaba Babadjan enregistre une serie de titres. Le groupe improvisé aura pour nom les Etoiles de Conakry.
Quelques mois plus tard, il rejoint Abidjan via Bamako pour retrouver Manfila Kanté. En 1985, Manfila part pour Paris, et Babadjan fonde avec quelques musiciens guinéens le groupe les Etoiles du manding, qui vont se produire à Abidjan.
En 1991, Souleymane Koly fait appel à Babadjan pour jouer dans l’opera manding Waramba , qui livrera 19 spectacles en France.
Par le truchement d’Ibrahima Soumano, Babadjan s’installe définitivement à Paris. Là, il va poursuivre sa carrière musicale en produisant en tout et pour tout cinq albums : Sitan, Sabari, Feeling, manding, Kankan et A té Forosela. En qualité de requin de ‘artistes, il participera à l’arrangement de plusieurs albums d’artistes guinéens comme Dianka Diabaté, Djeli Moussa Kouyaté, et bien d’autres. Quelques mois avant sa disparition, lors de son premier séjour à Conakry, Babadjan s’était confié à certains de ses proches. Il avait en projet l’ouverture à Conakry d’un studio pour aider les artistes de la place, qui n’avaient pas les moyens de rallier Abidjan pour des enregistrements. Malheureusement, le destin en a décidé.
Il s’en allé au royaume du silence en nous laissant le souvenir d’un artiste accompli, qui n’avait pas épuisé tout son talent. Son passage dans l’orchestre national Keletigui et ses tambourinis a imprimé une touche toute singulière au répertoire du groupe musical. Le titre Maderi est un best off qu’on ne se lasse jamais de déguster. Babadjan aura été une trouvaille qui confirme la maestria de feu Keletigui Traoré homme-orchestre, pour qui la musique n’a point de secret. Dors en paix l’artiste.

 

Thierno Saidou DIAKITE pour JMI
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