Pour relever ce défi, une des stratégies a consisté à mettre en place des Associations des Mères d’Elèves Filles (AMEF) dans les écoles primaires publiques. Les AMEF sont des structures autonomes de gestion qui œuvrent en synergie avec les Associations des parents d’élèves pour améliorer l’accès, le maintien et la réussite des enfants, notamment des filles, à l’école.
De manière concrète, les membres des AMEF œuvrent dans la sensibilisation des mères, des familles et des communautés pour un changement de comportement favorable à la scolarisation des filles. Elles organisent à cet effet des campagnes de sensibilisation, des causeries éducatives sur l’hygiène de la fille et mettent à disposition des filles pubères des boîtes contenant les fournitures nécessaires à l’hygiène. Par ailleurs, elles viennent en appui aux filles démunies et à celles ayant des difficultés d’apprentissage.
A Forécariah, l’école primaire ALF de Pamelap fait figure d’exemple en termes de scolarisation et de maintien des filles à l’école. Créée en 2009, l’école a été construite par l’UNICEF dans le cadre du projet “apprendre le long des frontières” et compte à ce jour un effectif total de 430 élèves dont 52% de filles. Ces chiffres ne sont pas fortuits et résultent de la détermination des membres de l’AMEF. A ce jour, 1 691 Associations des Mères d’Elèves Filles ont vu le jour totalisant 18 601 membres à travers 11 préfectures considérées comme zones de concentration des interventions du programme Education de l’UNICEF.
Kadiatou Sylla est membre de l’AMEF de l’école primaire ALF de Pamelap. Son engagement émane d’un sentiment de regret personnel: « Lorsque j’étais petite, je n’ai pas eu la chance d‘aller à l’école; mon père s’y était opposé, estimant que ma place était à la maison. C’est pourquoi j’ai décidé que si Dieu me donnait des filles, elles iraient à l’école et elles auraient la chance que je n’ai pas eue. » Pour renforcer cet engagement, Kadiatou Sylla s’est portée volontaire dès qu’elle a entendu parler de l’AMEF.
Depuis le lancement de leurs activités, elle a noté d’importants progrès : « Au tout début, nous avions enregistré beaucoup de réticences. Des parents exigeaient que leurs filles arrêtent les cours durant les périodes de cultures surtout pour aider les mamans dans les tâches ménagères. Pour certains parents, il n’était pas nécessaire de scolariser les filles car selon eux, ‘investir sur une fille, c’est investir en faveur d’une autre famille’, c’est-à-dire la famille du futur mari de la fille. Malgré tous ces obstacles, nous avons continué la sensibilisation et avec le temps, nous avons constaté moins de réticence, surtout de la part des mères. A présent, il y a plus de filles que de garçons dans notre école ! La majorité des filles continuent aussi leur cycle jusqu’au collège, ce qui n’était pas le cas auparavant. »
Aissatou Diallo est aussi membre de l’AMEF. Mère de trois élèves filles, elle a fait de la lutte contre le décrochage scolaire des filles son cheval de bataille : « Cela fait des années que nous luttons pour que les filles restent à l’école. Nous avions constaté que certaines décidaient de quitter l’école parce qu’elles préféraient s’amuser. J’ai connu un cas où une élève quittait la maison chaque matin en disant à ses parents qu’elle allait à l’école et pourtant ce n‘était pas le cas. Elle passait le temps à se balader dans le quartier avec des camarades qui eux aussi avaient décidé d’abandonner l’école. C’est en allant jusqu’à son domicile que nous nous sommes rendus compte de la situation. Il arrive aussi que les parents décident de mettre un plateau sur la tête de leur fille pour qu’elle aille vendre dans la rue au lieu de venir à l’école. Dans tous ces cas, notre rôle est de retrouver ces filles et de les ramener à l’école. »
En mettant l’accent sur l’éducation des filles, les acteurs sociaux contribuent à la réduction d’inégalités persistantes qui représentent un handicap majeur pour le développement du pays. En effet, l’éducation est une arme pour lutter contre la féminisation de la pauvreté dans le sens où elle rend les femmes autonomes et sert de barrière à la persistance du cycle de pauvreté en offrant une base pour un développement durable. En outre, la scolarisation et le maintien des filles à l’école sont des sources de progrès social ; la femme étant un pilier central du foyer, l’accès à l’éducation lui offre l’opportunité de participer à la prise de décision et lui permet de mieux prendre soin de sa famille.
A l’école primaire de Pamelap, les institutrices sont aussi des figures clés dans la lutte pour le maintien des filles à l’école. Fatoumata Soumah enseigne en 4ème année et est mère d’une fille de 12 ans. Elle se réjouit de la présence accrue des filles en classe et de leurs prouesses : « Chaque fois qu’une fille s’absente, je me rends personnellement dans sa famille après les cours pour me renseigner. Ici à l’ALF de Pamelap, toutes les fois où nous avons participé aux examens nationaux, c’est toujours une fille qui a été la lauréate ! Après 7 années passées dans l’enseignement élémentaire, j’ai constaté que les filles prennent de plus en plus courage et elles nourrissent de plus grandes ambitions pour l’avenir. Cela m’encourage et me donne espoir », dit-elle en souriant. Elle poursuit, « mon rêve est que mes filles et mes nièces poursuivent leurs études jusqu’au bout, qu’elles soient excellentes, et surtout qu’elles fassent de bons choix dans leur vie. »
Sous le leadership du ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation et avec le concours des partenaires au développement, l’UNICEF œuvre pour que tous les enfants d’âge scolaire aient accès à une éducation de base de qualité. Soutenues par l’UNICEF, les membres des AMEF maintiennent que toutes les filles doivent être scolarisées et avoir la chance de compléter leurs cycles d’études. De cette manière, elles pourront aspirer à un avenir meilleur pour elles-mêmes, pour leurs enfants, et pour la nation toute entière.
Kadijah Diallo, UNICEF Guinée