Profitant de sa mission en Guinée forestière, notre collaborateur JMJ a rencontré M. Lancéi Condé, le Gouverneur de la région administrative de N’Zérékoré. Ensemble ils ont parlé des questions socio-économiques préoccupant la région et des interventions en cours au niveau des communautés. Moments d’explications essentiels pour mieux comprendre la dynamique engagée.
JustinMorel.Info : Monsieur le Gouverneur, vous avez présidé et participé à plusieurs lancements de projets financés par l’Union Européenne et UNICEF, notamment le projet PASA, ASPE et le Projet d’Appui à la modernisation du système d’état civil. Pouvez-vous nous dire quels sont les progrès qui ont été obtenus dans la mise en œuvre de ces projets et quelles sont les perspectives pour la région ?
Lancéi Condé : Le premier progrès enregistré, c’est l’amélioration de la prise de conscience. Comme je l’ai dit tantôt, l’une des raisons ayant justifié la persistance de l’épidémie de la maladie à virus Ebola dans notre région c’est la faiblesse du système de santé. Or, le projet PASA a apporté des corrections à cette faiblesse.
Le deuxième progrès, l’UNICEF en collaboration avec l’Union Européenne comme bailleurs de fonds viennent accompagner le processus de gestion du post-Ebola. N’oubliez qu’Ebola a eu à causer des dégâts dans tous les domaines de la vie de notre région.
Le troisième niveau, c’est l’accompagnement de l’Etat civil. Vous savez, la base d’un développement repose sur la tenue de bonnes statistiques. Or, l’état civil est un élément important de la tenue de bonnes statistiques. Lorsqu’on connaît réellement le nombre de naissances, le nombre de décès et le nombre de mariages, il est plus facile de construire une bonne pyramide statistique. Alors que si ces éléments manquent et qu’on se fonde sur la logique de l’approximation, on improvise évidemment. Donc les statistiques ont pour bases la bonne tenue des documents relatifs à l’Etat civil. Et l’Union Européenne et l’UNICEF nous accompagnent dans ce processus, en relation avec la région. Le projet qui vient d’être initié est un projet test au bénéfice des populations de la Guinée et de la Guinée Forestière.
Alors, mon souhait le plus ardent est que ce processus prenne en compte toutes les communautés et les collectivités. C’est vrai que c’est un projet pilote, il est également vrai qu’il ne faut pas faire un projet test à deux niveaux. C’est-à-dire prendre une partie des communautés et laisser une autre, sinon ce sera un projet test dans un projet test. Mon souhait est que les 66 communautés rurales de la Guinée Forestière et non la Région Administrative de N’Zérékoré soient prises en compte dans le cadre de cette politique qui pourrait nous amener à une meilleure réflexion par rapport aux différentes problématiques de la tenue de l’état civil.
JustinMorel.Info : Vous avez parlé de statistiques, quelle est la situation dans votre région, en ce qui concerne le taux de prévalence des mutilations génitales féminines et les mariages précoces?
Lancéi Condé : A ce niveau, je ne saurais donner de statistiques exactes. Cependant, nous nous situons dans la moyenne nationale qui est selon les dernières données EDS de 2012 autour de 97% pour les MGF ! En attendant les résultats de l’Enquête Démo-sanitaire de 2015, je voudrais simplement dire que c’est une réalité que nous vivons dans notre région. Nous nous battons par la mobilisation sociale pour inverser la tendance. La première réaction à notre niveau, c’est de mettre des structures pour gérer ces problématiques en relation avec les services de défense et de sécurité, mais en relation avec les communautés parce que les actions se produisent au sein des communautés. Il faudrait que ces communautés y soient associées pour apporter les meilleures solutions. Et il n’y a pas longtemps nous avons tenu une réunion pour inviter les différentes structures sociales à s’impliquer davantage, apporter leurs contributions à la mise en œuvre de cette politique de lutte contre les violences faites aux femmes, contre le trafic des enfants, contre tous les fléaux qui pourraient ternir notre image sur le plan du non-respect des droits de l’homme. Parce qu’aujourd’hui le respect des droits de l’homme constitue un élément d’appréciation du fonctionnement d’une collectivité, qu’elle soit régionale, locale.
JustinMorel.Info : Peut-on au finish dire que les objectifs du forum pour le Développement de Nzérékoré ont – ils été atteints ? Et quel est l’état actuel de la situation ?
Lancéi Condé : Je voudrais exprimer un sentiment de satisfaction par rapport à ce forum, puisse que lorsque nous avons été mutés dans cette région nous avons fait un constat. Ce constat été de comprendre pourquoi malgré l’investissement fait par l’état guinéen, par les partenaires techniques et financiers, la région connaît un taux de pauvreté élevé. C’est à la recherche des réponses à ce questionnement que l’idée de Forum est née. Nous avons organisé ce forum qui a connu la mobilisation de tous les partenaires conviés à ces travaux, ce qui est un premier élément de satisfaction.
Un deuxième, c’est l’engagement obtenu à partir de ces partenaires et à partir de l’Etat d’accompagner la recherche de solutions pour l’atteinte des objectifs assignés à ce forum. Au jour d’aujourd’hui, je suis très satisfait que et l’Etat et les partenaires sont dans la logique d’accompagner le processus au bénéfice du développement du durable de notre région.
JustinMorel.Info : Que se passe-t-il actuellement sur le terrain avec l’UNICEF ?
Lancéi Condé : L’UNICEF est un partenaire exemplaire pour notre région. L’UNICEF accompagne le processus d’amélioration des conditions de vie des enfants et des femmes, la réalisation d’infrastructures au plan de la bonne gestion du post-Ebola. Notre région a été la première victime du virus Ebola. Elle a connu des conséquences dramatiques sur la vie des familles et des communautés. Ebola est parti. Le processus qui est en train d’être géré par le gouvernement et les partenaires techniques et financiers, avec la contribution de l’UNICEF, c’est une bonne gestion post-Ebola. C’est vrai que ce n’est pas UNICEF seul qui s’investit dans ce processus, c’est en synergie d’actions avec d’autres partenaires comme l’UE, le PNUD, l’OMS, Alima notamment et l’Etat. Que ceux qui ne sont pas cités ne s’en offusquent point, car leurs aussi sont reconnus. Nous faisons une excellente lecture des efforts de l’UNICEF sur le plan de la recherche des moyens d’amélioration des conditions de vie et de santé des populations de notre région. Et tout cela avec notre participation concrète.
JustinMorel.Info : La question de financement sur ressources propres se pose, vu les espoirs soulevés. Quelles sont les actions que vous avez engagées conséquemment ?
Lancéi Condé : Parler des ressources propres mérite d’être analysé à deux niveaux. Le premier niveau c’est l’implication et la participation des communautés. Parce que les investissements faits par les communautés font partie des ressources propres. Mais également, l’accompagnement que doit faire le gouvernement, parce que ce programme s’aligne sur les objectifs du Plan National de Développement Economique et Social (PNDES). Les ressources qu’on peut qualifier de non propres sont les ressources mobilisées par les partenaires techniques et financiers, et à la suite de l’engagement de ces partenaires, je suis à mesure de dire que ces engagements vont être tenus et les ressources vont être mises en place. C’est pourquoi nous sommes en train de construire une dynamique de coordination des différentes actions pour que les partenaires et nous puissions mettre en place un schéma qu’il faut pour une meilleure gestion des différentes interventions.
JustinMorel.Info : Si on vous demandait de résumer vos priorités en trois mots que diriez-vous ?
Lancéi Condé : La première priorité, c’est l’investissement dans le monde rural. Il faut une promotion du monde rural. Et c’est à ce niveau que je vous voudrais saluer l’initiative présidentielle, qui vient aujourd’hui donner une certaine impulsion à ce processus. Pour qu’un développement soit harmonieux et durable il faudrait que ce développement parte de la base autrement dit, du monde rural.
Deuxième chose, c’est la santé dans sa totalité. Si Ebola a mis du temps dans notre région et dans notre pays même, c’était lié en grande partie par la faiblesse du système de santé. Donc l’investissement dans la santé est d’une extrême importance. Qui parle de santé, parle d’assainissement, parle d’eau potable, construction de latrines… donc tout cela dans le paquet de la santé. Il y a aussi le désenclavement des zones. Comme vous le savez notre région est une grande zone de production, elle a besoin d’avoir les bénéfices liés au désenclavement pour que les produits puissent sortir des aires de production, à l’effet d’apporter le bénéfice à d’autres qui ne sont pas ressortissants, ou qui ne sont pas dans ces zones-là.
Il y a naturellement la promotion du monde rural, il y a la santé, à l’intérieur de monde rural il y a le désenclavement. Et puisse que tout est priorité, alors je ne pourrais pas faire une stratification suffisante par rapport à cette question.
JustinMorel.Info : Et que dire de la participation communautaire ?
Lancéi Condé : La participation communautaire est nécessaire, et c’est aujourd’hui un engouement, un engagement des communautés. Les communautés sont de plus en plus conscientes que le développement ne peut pas se faire en dehors d’elles. C’est pourquoi il y a adage qui dit : « quand on te lave le dos, il faut te laver le ventre ». Malgré cette compréhension nous continuons à nous investir dans une dynamique de sensibilisation rapprochée pour toujours rappeler aux communautés cet adage. Autrement dit, tout le monde doit intervenir dans l’approche participative pour que les objectifs de développement soient atteints diligemment et efficacement.
Et pour terminer, M. Morel, la situation de notre région est globalement positive. Cette positivité s’explique du fait que toutes les composantes sociales sont investies et continuent de s’investir dans une logique de cohabitation pacifique, les événements de Guékédou, viennent cependant nous rappeler que les défis sont grands, cependant, nous restons globalement dans la logique de recherche d’une paix durable, dans une logique de développement.
Propos recueillis par JMJ pour JustinMorel.Info
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