Ce que les Africains attendent avant tout de ce sommet, c’est un engagement ferme en faveur de l’élimination progressive des combustibles fossiles sur le continent
Considéré comme le premier sommet consacré au climat en Afrique, le Sommet africain sur le climat, prévu du 4 au 8 septembre, a déjà fait l’objet d’intenses débats et d’une grande effervescence parmi les écologistes de l’ensemble du continent. Une question cruciale occupe une place prépondérante à ce sujet : Les besoins et les aspirations de l’Afrique seront-ils vraiment traités en priorité lors de ce sommet ou seront-ils sacrifiés face à la pression des groupes étrangers ?

Les activistes pour la protection du climat en Afrique n’ont pas mâché leurs mots. Ils ont dénoncé l’hôte de l’événement, S.E. William Ruto, le président du Kenya, et le Comité des chefs d’État et de gouvernement africains sur le changement climatique (CAHOSCC), car ils auraient privilégié les intérêts occidentaux au détriment de ceux de l’Afrique. Ce que les Africains attendent avant tout de ce sommet, c’est un engagement ferme en faveur de l’élimination progressive des combustibles fossiles sur le continent, pour exploiter massivement le potentiel de l’Afrique en matière d’énergies renouvelables.

L’appel à l’abandon progressif des combustibles fossiles n’est pas seulement une question environnementale, mais aussi une question de justice. Les pays riches sont historiquement responsables de la crise climatique, car ils y ont contribué de manière disproportionnée. Ces pays doivent respecter leurs obligations non seulement en réduisant à zéro leurs émissions de gaz à effet de serre, mais aussi en apportant un soutien financier substantiel aux pays plus pauvres et vulnérables au changement climatique afin qu’ils puissent faire face aux effets dévastateurs de la crise climatique.

Dans leur quête de solutions aux crises énergétique et climatique, l’Afrique et d’autres régions émergentes sont de plus en plus submergées par ce que l’on peut appeler de « vraies fausses-solutions ». En effet, elles consistent souvent en des projets à but lucratif mis en œuvre par des entreprises qui profitent de la crise climatique et y contribuent en perpétuant l’utilisation de combustibles fossiles. Malheureusement, ces programmes ont tendance à avoir des conséquences dévastatrices pour les populations les plus vulnérables qui subissent de plein fouet les effets du changement climatique. Le Kenya, par exemple, est en train de modifier la loi sur le changement climatique de 2016 pour y inclure des dispositions relatives aux marchés du carbone. Ce genre de prétendue solution doit être évité, car elle encourage les pollueurs à continuer de polluer tant qu’ils peuvent « payer en guise de compensation » pour leurs émissions, généralement dans un pays en développement vulnérable au changement climatique, et ce aux dépens des populations locales.

Les espoirs des Africains reposent impérativement sur une transition rapide et équitable des combustibles fossiles vers les sources d’énergie renouvelables. L’appel à l’abandon progressif des combustibles fossiles et à la valorisation de l’abondant potentiel de l’Afrique en matière d’énergies renouvelables découle d’une profonde compréhension des besoins spécifiques de la région. Plutôt que de reproduire les modèles de développement du passé reposant sur les combustibles fossiles, l’Afrique peut faire un bond en avant en adoptant des solutions plus écologiques et plus durables. L’énergie solaire et l’énergie éolienne, par exemple, peuvent contribuer au progrès de l’Afrique tout en comblant son déficit énergétique et en stimulant la croissance économique.

Le fait de remettre cette transition à plus tard au profit d’une pollution accrue est un choix périlleux. En effet, le changement climatique n’attend pas que nous décidions du moment opportun pour effectuer une transition énergétique équitable, et toute hésitation fera de nous des spectateurs alors que des catastrophes feront des victimes et détruiront des moyens de subsistance. La ruée vers le gaz en Afrique, marquée par la volonté des pays européens de se procurer du gaz africain pour répondre à leurs besoins énergétiques en raison de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, compromet les besoins énergétiques et les objectifs de développement du continent. Les investissements réalisés précédemment dans les combustibles fossiles dans tout le continent ont provoqué la destruction de l’environnement, des troubles sociaux et des conflits ; pour des pays comme le Kenya, qui ont subi de plein fouet ces conséquences, doubler la mise sur les combustibles fossiles serait une grave erreur. Les pays les plus touchés et le continent dans son ensemble n’ont pas intérêt à suivre cette démarche. La poursuite des investissements dans les combustibles fossiles entrave le potentiel des énergies renouvelables écologiques, abordables et décentralisées, au lieu de le promouvoir. Par conséquent, les projets de gaz fossile ou d’autres combustibles fossiles n’ont pas leur place dans l’avenir énergétique de l’Afrique. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un financement substantiel de la lutte contre le changement climatique qui ne vienne pas alourdir la dette et qui nous permette de faire face à la crise climatique et de protéger nos populations.

Au moment où le sommet se tient, son importance réside dans les solutions qui peuvent être proposées. Cette rencontre constitue une occasion de promouvoir un véritable changement au profit des populations qui souffrent le plus des effets du changement climatique. Principale plateforme climatique du continent, les participants au sommet ne doivent pas se contenter de débattre des problèmes, mais aussi proposer activement des solutions adaptées aux défis spécifiques de l’Afrique. Pour être véritablement leader en matière de climat, il faudrait concevoir des solutions adaptées aux besoins des populations les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Ce sommet africain devrait proposer des solutions aux problèmes africains, en veillant à ce que ses résultats contribuent réellement à un avenir durable.

On ne saurait trop insister sur le caractère indissociable des mesures de protection du climat et de l’accès aux énergies renouvelables. Le développement durable en Afrique passe par l’adoption de stratégies écologiques et par la nécessité d’accorder la priorité à la mise en valeur des sources d’énergie renouvelables. Ces facteurs ne peuvent être considérés séparément ; au contraire, ils jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre d’un plan de croissance résiliente, inclusive et équitable pour le continent. En harmonisant les activités de développement avec le financement de la lutte contre le changement climatique et les énergies renouvelables, l’Afrique peut à la fois relever les défis environnementaux et jeter les bases d’un développement durable.

Par conséquent, le sommet peut constituer un tournant pour l’Afrique, afin qu’elle regagne sa place dans la lutte contre le changement climatique.
Les dirigeants africains doivent saisir cette occasion pour accorder la priorité à la justice et défendre les aspirations des populations. En éliminant progressivement les combustibles fossiles, en valorisant les énergies renouvelables et en se mobilisant pour un financement de la lutte contre le changement climatique, l’Afrique peut réorienter son développement et définir une voie qui non seulement préserve l’environnement, mais donne également aux populations les moyens de se prendre en charge pour les futures générations.
Il est temps de privilégier les intérêts de l’Afrique et de faire de ce sommet une lueur d’espoir pour la justice climatique sur le continent.

Par Charity Migwi
 APO Group pour JMI

Au sujet de l’auteure :
Charity Migwi est la responsable régionale des campagnes de 350.org en Afrique.