Catalyseur de croissance, voie vers une transition énergétique juste : en République du Congo (Par NJ Ayuk)
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La victoire à quatre est la promesse d’un nouveau projet de gaz naturel liquéfié (GNL) développé au Congo grâce à un accord avec la société pétrolière et gazière italienne Eni
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Il ne fait aucun doute que l’industrie énergétique africaine subit l’assaut des activistes climatiques occidentaux. Non seulement ils font pression sur le continent pour qu’il laisse ses vastes ressources en hydrocarbures intactes au lieu de les utiliser pour débloquer une croissance économique indispensable, mais ils ont également convaincu de nombreux sponsors financiers de retirer leur soutien à la production africaine de combustibles fossiles. Comme la République du Congo est sur le point de le prouver, il existe pourtant des moyens de monétiser les vastes découvertes de gaz naturel tout en contribuant à la décarbonisation du bouquet énergétique mondial. Qui plus est, le même effort a un fort potentiel pour accroître la disponibilité de l’électricité pour les Congolais et réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis de l’énergie russe. C’est beaucoup à attendre, mais la victoire à quatre est la promesse d’un nouveau projet de gaz naturel liquéfié (GNL) développé au Congo grâce à un accord avec la société pétrolière et gazière italienne Eni. L’accord d’avril 2022 est le premier à faire suite au lancement du plan directeur pour le gaz (PDG) du ministère congolais des Hydrocarbures. L’objectif du plan est de faciliter et d’optimiser l’utilisation des ressources en gaz naturel du pays, y compris le gaz associé, qui est le gaz produit dans les puits de pétrole. Le gaz associé est souvent brûlé à la torche, ce qui contribue aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Eni a déclaré qu’elle allait accélérer et augmenter la production de gaz au Congo en déployant une paire d’unités flottantes modulaires de liquéfaction de GNL de taille moyenne, d’une capacité combinée d’environ 2 millions de tonnes par an, dans son bloc Marine XII au large du Congo. On espère que l’installation, qui fournira du GNL à la fois pour l’exportation et pour la production d’électricité nationale, revitalisera le secteur des hydrocarbures du Congo et permettra à ce pays de ne plus dépendre des exportations de pétrole brut. La mise en service est prévue en 2023. Eni, qui se présente comme « la seule société engagée dans le développement des immenses ressources gazières de la République du Congo » – qui s’élèvent à quelque 238 milliards de mètres cubes (mmc), soit les septièmes réserves les plus importantes du continent – n’est pas un nouveau venu dans la région. En effet, la présence d’Eni au Congo remonte à plus de 50 ans. Elle livre actuellement le gaz de Marine XII à deux centrales thermiques terrestres qui produisent 70 % de l’électricité du pays. En plus de fournir aux Congolais un accès à l’énergie, Eni forme depuis des décennies le personnel local et crée des chaînes de production intégrées pour le marché national. L’entreprise s’est attachée à améliorer la santé des communautés, à promouvoir la biodiversité et à célébrer la culture et l’art locaux. En collaboration avec l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), Eni travaille sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, l’enseignement technique, l’emploi des jeunes et la chaîne de valeur agricole. De l’énergie là où elle est nécessaire Pourquoi mettre l’accent sur le GNL ? Tout d’abord, il est largement considéré comme le combustible fossile le plus propre, ce qui le rend important dans cette phase de la transition énergétique, alors que des sources d’énergie plus vertes sont commercialisées et que l’utilisation du charbon diminue. Stimulé par la croissance de la production d’électricité et de la demande industrielle, notamment dans les pays en développement qui ont besoin de plus d’énergie plutôt que de moins, le marché du GNL devrait augmenter de 50 % d’ici à 2030. Cela se traduit par des dizaines de milliers d’emplois dans chaque installation de GNL, ainsi que par une augmentation des activités économiques qui suivent la création d’emplois. Le fait d’être considéré comme un « combustible de transition » n’est qu’un des avantages du GNL. Tout aussi important, le GNL est facile à transporter sur de longues distances depuis les bassins de production jusqu’aux marchés du monde entier. Les États-Unis, la Chine, l’Europe et une grande partie de l’Asie comptant sur les volumes de GNL provenant d’Afrique dans le cadre de leurs efforts de réduction des gaz à effet de serre, l’accès à longue distance est un avantage considérable. En outre, dans les régions où il existe une infrastructure de gazoducs, comme entre l’Afrique du Nord et l’Europe, et des relations établies en matière d’exportation, le GNL africain est considéré comme une alternative toute prête, surtout compte tenu de l’interdiction des importations russes. Ces exportations ne manqueront pas d’améliorer la productivité économique nationale, régionale et locale et, en fin de compte, de sortir des familles entières de la pauvreté. Il existe cependant un autre moyen essentiel par lequel le développement du GNL au Congo et ailleurs peut aider les Africains au quotidien : il s’agit de la fourniture d’une source d’électricité domestique. Ces projets sont mis en œuvre alors que l’Afrique se trouve à un moment crucial de son développement démographique et qu’elle a du mal à accéder à l’énergie, en particulier aux formes propres. La population du continent devrait atteindre 1,68 milliard d’habitants en 2030. C’est 42 % de plus que le chiffre de 2015. Pourtant, aujourd’hui, moins d’un quart des Africains subsahariens ont accès à l’électricité. Au Congo, le nombre de ménages disposant de l’électricité n’est que de 1,6 sur 10 environ. Avec la croissance démographique, l’augmentation de la demande d’électricité est inévitable. Le développement économique en dépend. Le GNL peut contribuer à combler cette lacune. On estime actuellement que, en tant que source d’énergie pour la production d’électricité, le GNL pourrait passer de 10 % de la capacité installée en 2015 à 23 % en 2030. Il s’agit d’une augmentation considérable en seulement 15 ans. Une série de réussites Le Congo n’est que la dernière nation africaine à rejoindre la série de pays qui ont bénéficié de l’opportunité du GNL. Bien que l’Algérie soit de facto le pionnier du GNL sur le continent, avec une première production en 1964, et que le Nigeria dispose de sept installations de GNL, dont la première date de 1989, les initiatives liées au GNL en Afrique subsaharienne se sont multipliées au cours de ce siècle. Parmi les nations africaines riches en gaz qui participent à l’escalade du marché du GNL figure la Guinée équatoriale, qui a livré sa première cargaison de GNL à partir d’un terminal à Malabo en 2007. Plus récemment, le pays a confirmé son intention de participer à d’autres domaines de la chaîne de valeur du GNL, en annonçant en 2019 qu’il construirait la première usine de stockage et de regazéification du GNL en Afrique de l’Ouest… L’Angola n’est toutefois pas très en retard sur la Guinée équatoriale. La construction de l’usine de GNL angolaise a commencé en 2008, et la première cargaison a été livrée au Brésil en 2013. L’installation est remarquable parce qu’elle est entièrement alimentée par du gaz associé, ce qui signifie qu’elle contribue de manière significative à l’objectif environnemental d’élimination du gaz torché. Le Cameroun est devenu un exportateur en 2018, traitant jusqu’à 1,4 million de tonnes par an (mpta) à partir du navire flottant GNL (FLNG) Hilli Episeyo, un pétrolier converti. Un deuxième FLNG devrait être mis en service au large du Cameroun l’année prochaine. Au total, ces quatre pays subsahariens – le Nigeria, la Guinée équatoriale, l’Angola et le Cameroun – disposent d’une capacité d’exportation de GNL de 33,8 mpta. Si l’on ajoute le potentiel des projets existants et prévus au Mozambique, en Tanzanie, au Ghana et en Mauritanie-Sénégal, la capacité régionale pourrait atteindre 134 mpta d’ici 2030, si les conditions du marché le permettent. Selon les prévisions, la production de gaz du continent devrait passer d’environ 260 milliards de m3 en 2022 à pas moins de 335 milliards de m3 en 2029. Quant au Congo, le rapport de la Chambre africaine de l’énergie sur l’état de l’énergie en Afrique au deuxième trimestre 2022 suggère que les flux de Marine XII et de GNL supplémentaire devraient atteindre près de 4 mpta d’ici 2030. Maintenir le rêve Il a également été encourageant d’observer la fantastique relation de travail entre le président de l’OPEP, Bruno Jean-Richard Itoua, le ministre des Hydrocarbures de la République du Congo et Maixent Raoul Ominga, directeur général de la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC), la société nationale du Congo. La coopération et le respect entre ces dirigeants ne peuvent que jouer en faveur du Congo pour la conclusion d’accords gaziers. Je l’ai constaté de visu lorsqu’ils ont collaboré avec moi pour soutenir la Semaine africaine de l’énergie au Cap et d’autres questions nécessaires à la croissance du secteur pétrolier et gazier. On peut donc affirmer sans risque de se tromper que le Congo se rapproche de son rêve d’exportation de GNL, selon le rapport de la Chambre africaine de l’énergie pour le deuxième trimestre 2022. Et ce, malgré les critiques du National Resources Defense Council et d’autres organisations qui affirment que l’utilisation du GNL à la place d’autres combustibles fossiles n’est pas un moyen efficace de réduire les émissions responsables du réchauffement de la planète, même pendant la transition vers des sources d’énergie renouvelables. En d’autres termes, ces groupes suggèrent que le gaz naturel qui pourrait changer la vie des Africains devrait être laissé dans le sol. Je sais que je ne suis pas le premier à poser la question suivante : est-il juste de refuser aux Africains de tous les jours les opportunités dont jouit le reste du monde, simplement parce que ces opportunités découlent de l’exploitation d’un combustible fossile, même le plus propre ? L’ironie du fait que les combustibles fossiles ont littéralement alimenté le développement industriel et financier des pays qui abritent les critiques les plus sévères des aspirations pétrolières et gazières de l’Afrique n’échappe à personne. Le fait que l’Afrique subsaharienne se débatte toujours avec l’accès à l’énergie, que les familles y dépendent toujours de la biomasse polluante pour cuisiner, que le nombre de personnes privées du « luxe » de l’électricité y est d’environ 600 millions et ne cesse d’augmenter, ne fait que rendre plus difficiles à entendre les appels urgents à la transition énergétique en Afrique. Le Congo se rapproche de son rêve d’exportation de GNL. Je leur adresse mes félicitations. Et plus de pouvoir à eux. APO Group pour JMI
Par NJ Ayuk, Président exécutif, Chambre africaine de l’énergie |