1. À quoi servent les vaccins ?
Le rôle d’un vaccin est d’activer le système immunitaire pour qu’il produise des anticorps et une mémoire immunitaire qui permettront de lutter contre l’exposition à un virus si l’on devait être infecté ultérieurement. Les trois vaccins dont l’utilisation est actuellement autorisée aux États-Unis – les vaccins Pfizer-BioNTech, Moderna et Johnson & Johnson – ont montré un succès impressionnant lors des essais cliniques. (à la date du 17 décembre 2021, quatre vaccins sont autorisés en France : Pfizer/BioNTech ; Moderna ; AstraZeneca/Vaxzevria/Covishield ; Johnson & Johnson, ndlr)
2. Quelle est la différence entre l’efficacité d’un vaccin et son efficience ?
Tous les nouveaux vaccins doivent faire l’objet d’essais cliniques au cours desquels les scientifiques les testent sur des milliers de personnes, afin de déterminer leur innocuité et leur immunogénicité, autrement dit leur capacité à induire une réponse immunitaire.
L’efficacité est la mesure la capacité d’un vaccin à atteindre l’effet recherché, lorsque les circonstances sont idéales, comme au cours d’un essai clinique randomisé, dont les conditions sont rigoureusement contrôlées. Schématiquement parlant, les chercheurs conçoivent les essais de manière à inclure deux groupes de personnes : celles qui reçoivent le vaccin et celles qui reçoivent un placebo (préparation dépourvue de principe actif, généralement une solution saline, ndlr). L’efficacité du vaccin est déterminée en comparant le nombre de cas de la maladie dans chaque groupe, vacciné ou placebo.
L’efficience vaccinale rend elle aussi compte de la capacité du vaccin à atteindre l’effet recherché, mais en conditions réelles, sur le terrain, dans le cadre d’une campagne de vaccination. Elle est calculée de la même manière, en comparant les cas de maladie chez les personnes vaccinées et non vaccinées. L’efficacité et l’efficience sont généralement proches l’une de l’autre, mais ne sont pas nécessairement identiques : dans les faits, l’efficacité vaccinale est souvent supérieure à l’efficience.
Une fois que des millions de personnes ont été vaccinées, il arrive en effet que l’on constate que la capacité des vaccins à atteindre l’objectif varie un peu par rapport aux résultats obtenus lors des essais. Ce n’est pas étonnant, car de nombreux facteurs influencent l’efficacité d’un vaccin : nombre et âge des personnes participant aux essais, état de santé de ceux qui reçoivent le vaccin, émergence de variants tels que le variant Omicron…
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La proportion de la population qui accepte de se faire vacciner peut également influencer l’efficacité du vaccin. Des vaccins dont l’efficacité est modérée ou même faible durant les essais cliniques peuvent s’avérer très efficients en conditions réelles, si la grande majorité de la population les adopte. En effet, lorsqu’une proportion suffisamment importante de personnes est vaccinée, l’immunité collective entre en jeu. À l’inverse, des vaccins très efficaces lors des essais cliniques, comme les vaccins contre les coronavirus, peuvent avoir une efficience moindre et un faible impact s’il ne sont adoptés que par une fraction modeste de la population.
On le voit, la distinction entre l’efficacité et l’efficience est importante. Les chercheurs peuvent calculer les deux, mais ils ne peuvent pas concevoir une étude qui les mesurera simultanément.
3. Comment sont calculées l’efficacité et l’efficience ?
Tant Pfizer que Moderna ont déclaré que les efficacités de leurs vaccins à ARN étaient supérieures à 90 % lorsqu’il s’agissait de prévenir les infections par le coronavirus SARS-CoV-2. Concrètement, cela signifie que le risque de contracter le Covid-19 a été réduit de 90 % chez les personnes qui ont reçu le vaccin au cours des essais cliniques, par rapport à celles qui n’ont pas reçu le vaccin.
Imaginez que vous conduisiez un essai clinique visant à évaluer l’efficacité d’un vaccin. Vous répartissez aléatoirement 1000 personnes dans un groupe dont les membres seront vaccinés, et 1000 personnes dans un second groupe dont les membres recevront le placebo. Quelque temps plus tard, vous constatez que 2,5 % des membres du groupe « vacciné » ont contracté le Covid-19, contre 50 % des membres du groupe non-vacciné. Cela signifie que le vaccin a une efficacité de 95 %. Ce chiffre représente la réduction de la proportion de la maladie au sein du groupe vacciné (en effet, (50 % – 2,5 %)/50 % = 0,95). Un vaccin dont l’efficacité est de 95 % ne signifie donc pas que parmi les personnes vaccinées, 5 % contracteront le Covid-19, mais que le risque d’attraper la maladie est réduit de 95 %.
L’efficacité des vaccins en conditions réelle (leur efficience) est calculée exactement de la même manière, mais elle est déterminée par des études observationnelles, autrement dit non expérimentales : les chercheurs observent ce qui se passe sans intervenir. Au début de la campagne de vaccination, les vaccins avaient une efficience largement supérieure à 90 % dans la prévention des maladies graves, en conditions réelles donc. Mais, de par leur nature même, les virus changent, ce qui peut modifier l’action des vaccins.
Ainsi, une étude a montré qu’en août 2021, alors que le variant Delta progressait, l’efficience du vaccin de Pfizer dans la prévention des formes graves chez les résidents des maisons de retraite était de 53 % chez les personnes qui avaient été vaccinées en début d’année 2021. L’âge (le système immunitaire des personnes âgées est moins efficace, et cette immunosénescence altère aussi l’intensité et la qualité des réponses vaccinales, ndlr), les problèmes de santé, la baisse de l’immunité au fil du temps et l’émergence de cette nouvelle souche sont autant de facteurs dont la conjonction a abouti à une diminution de l’efficacité vaccinale dans ce cas précis.
4. Qu’en est-il du variant Omicron ?
Les données préliminaires concernant l’efficience des vaccins face à Omicron s’accumulent rapidement. Pour l’instant, il semblerait qu’elle soit moindre contre ce variant : en fonction des estimations, l’efficience serait comprise entre 30 % et 40 % pour ce qui est de la prévention des infections par Omicron, tandis qu’elle serait de 70 % pour ce qui est de la prévention des formes graves.
Une étude encore en preprint – qui n’a donc pas encore fait l’objet d’un examen formel par d’autres scientifiques, réalisée en Allemagne, a révélé que les anticorps présents dans le sang de personnes entièrement vaccinées avec Moderna et Pfizer n’avaient qu’une efficacité limitée s’agissant de la neutralisation du variant Omicron. D’autres études menées en Afrique du Sud et en Angleterre (en preprint elles aussi et portant sur des échantillons de taille modeste) ont également révélé une diminution significative de l’efficacité des anticorps à cibler Omicron. La diminution de la capacité du système immunitaire à reconnaître ce variant laisse donc craindre qu’il ne soit à l’origine de nouvelles infections.
5. Les rappels renforcent-ils l’immunité contre Omicron ?
Les premières données obtenues confirment qu’une troisième dose contribuerait à renforcer la réponse immunitaire et la protection contre le variant Omicron, avec une efficience estimée à 70 %-75 %.
Pfizer a indiqué dans un communiqué de presse que si les personnes qui ont reçu deux doses de son vaccin sont susceptibles d’être infectées par Omicron, l’injection d’une troisième dose améliore l’activité des anticorps contre ce variant. Ces résultats sont basés sur des expériences menées en laboratoire à partir d’échantillon de sang de personnes vaccinées.
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Il faut rappeler que quand bien même l’administration d’une dose de rappel semble augmenter la quantité d’anticorps (et donc la capacité du système immunitaire d’une personne à se protéger contre Omicron), une grande partie de la population mondiale n’y pas accès.
6. Quelles sont les implications de ces données préliminaires ?
Malgré la diminution de leurs performances contre le variant Omicron, il est clair que les vaccins restent efficaces. Ils demeurent à ce jour l’une des plus importantes réalisations en matière de santé publique.
L’efficience du vaccin contre la grippe, par exemple, est généralement comprise entre 40 et 60 %, ce qui permet chaque année à des millions de personnes d’être protégées de la maladie, et à 100 000 personnes d’éviter une hospitalisation rien qu’aux États-Unis.
Enfin, rappelons que les vaccins protègent non seulement ceux qui sont vaccinés, mais aussi ceux qui ne peuvent pas l’être. Les personnes vaccinées sont en effet moins susceptibles de propager le Covid-19, ce qui réduit le nombre de nouvelles infections et offre une protection à la société dans son ensemble.