Aujourd’hui, un nouveau variant a été identifié : B.1.1.529. L’Organisation mondiale de la santé l’a déclaré « variant préoccupant », et lui a attribué le nom d’Omicron.
Pour nous aider à mieux comprendre la situation, Ozayr Patel, de The Conversation Africa, a demandé à des scientifiques de partager ce qu’ils savent de ce variant.
Où en sont les recherches scientifiques
« Traquer les nouveaux variants » : si excitante que puisse paraître cette activité, elle repose principalement sur le séquençage du génome entier du coronavirus, à partir d’échantillons qui ont été testés positifs. Chasser les nouveaux variants nécessite un effort concerté. L’Afrique du Sud et le Royaume-Uni ont été les premiers pays à mettre en place une surveillance génomique du SARS-CoV-2 via des efforts à l’échelle nationale, dès avril 2020.
Le processus consiste à comparer chaque séquence obtenue avec celles des souches que nous savons être en circulation en Afrique du Sud et dans le monde. Lorsque de multiples différences sont constatées, la sonnette d’alarme est tirée, et les recherches sont approfondies afin de confirmer ce qui a été initialement détecté.
Heureusement, l’Afrique du Sud est bien équipée pour cette activité. Son National Health Laboratory Service (NGS-SA) centralise les résultats des laboratoires du secteur public, les liens avec les laboratoires privés sont bons, et elle dispose d’une expertise de pointe en matière de modélisation, ainsi que du Provincial Health Data Centre of the Western Cape Province, dont la mission principale est de mettre à disposition des cliniciens et des personnes chargées du suivi des patients les données les plus pertinentes.
En outre, l’Afrique du Sud dispose de plusieurs laboratoires capables de cultiver et d’étudier les virus, ce qui permet de déterminer dans quelle mesure les anticorps produits en réponse à la vaccination ou à une infection antérieure sont capables de neutraliser le nouveau coronavirus. L’ensemble de ces données nous permettront de mieux caractériser Omicron.
À l’époque, le variant Bêta s’était propagé beaucoup plus efficacement que le SARS-CoV-2 de type « sauvage » ou « ancestral ». Il avait été à l’origine de la deuxième vague pandémique en Afrique du Sud et avait de ce fait été catégorisé en variant préoccupant, lui aussi. En 2021, un autre variant préoccupant s’est également répandu dans une grande partie du monde, y compris en Afrique du Sud, où il a provoqué une troisième vague pandémique : le variant Delta.
Très récemment, le séquençage de routine effectué par les laboratoires membres du Réseau de surveillance génomique a permis de détecter en Afrique du Sud une nouvelle lignée de coronavirus, baptisée B.1.1.529. Soixante-dix-sept échantillons collectés à la mi-novembre 2021 dans la province du Gauteng, la plus urbanisée d’Afrique du Sud, contenaient ce virus. Ce dernier avait également été signalé au Botswana voisin et à Hong Kong, dans un petit nombre d’échantillons. À Hong Kong, ce variant aurait été importé par un voyageur en provenance d’Afrique du Sud.
L’Organisation mondiale de la santé a donné au variant B.1.1.529 le nom d’Omicron, et l’a classé en variant préoccupant, comme Bêta et Delta avant lui.
Pourquoi des variants préoccupants émergent-ils en Afrique du Sud ?
Nous ne le savons pas avec une absolue certitude, mais cela n’est à coup sûr pas uniquement lié à l’important effort de surveillance du coronavirus mené dans le pays.
Une théorie postule que les personnes dont le système immunitaire est très affaibli et qui, parce qu’elles ne peuvent l’éliminer, subissent une infection prolongée par le coronavirus SARS-CoV-2, pourraient être à l’origine de l’émergence de nouveaux variants.
Selon cette hypothèse, le système immunitaire de ces personnes exercerait un certain degré de « pression immunitaire » qui créerait des conditions propices à l’émergence de variants. Autrement dit, leur réponse immunitaire ne serait pas assez forte pour éliminer le coronavirus, mais exercerait cependant sur lui un certain niveau de pression sélective qui le « forcerait » à évoluer.
Or justement, en Afrique du Sud, de nombreuses personnes sont infectées par le VIH et sont à un stade avancé de la maladie. En effet, malgré l’existence d’un programme visant à distribuer des traitements antirétroviraux, nombre de personnes séropositives ne disposent pas d’une prise en charge effective. Plusieurs cas cliniques ont été étudiés qui confirment cette hypothèse, mais il reste encore beaucoup à apprendre.
Pourquoi l’émergence de ce variant est-elle inquiétante ?
La réponse courte est que nous ne savons pas encore réellement s’il faut s’inquiéter de cette émergence. La réponse longue est que B.1.1.529 est effectivement porteur de certaines mutations qui sont inquiétantes. Sa seule protéine Spike en comporte plus de 30, et le fait est que les mutations concernées n’ont jamais été observées dans une telle combinaison jusqu’à présent. C’est ce qui cristallise les inquiétudes, car la protéine Spike entre dans la composition de la plupart des vaccins (les anticorps dont les vaccins actuels stimulent la production pourraient s’avérer moins efficace contre la protéine Spike de B.1.1.529 – Omicron, si elle est trop différente de celle des précédentes souches utilisées pour mettre au point lesdits vaccins, ndlr).
Nous pouvons également affirmer que le profil génétique de B.1.1.529 est très différent de ceux des autres variants circulants, qu’ils soient classés « d’intérêt » ou « préoccupants » par l’OMS. Il ne semble pas être « fille de Delta » ou « petit-fils de Bêta », mais plutôt appartenir à une nouvelle lignée de SARS-CoV-2.
Certaines de ses modifications génétiques ont été identifiées chez d’autres variants, et nous savons qu’elles peuvent affecter la transmissibilité ou permettre une évasion immunitaire, mais beaucoup sont nouvelles et n’ont pas encore été étudiées. Bien que nous puissions faire diverses prédictions, nous étudions encore dans quelle mesure ces mutations influenceront son comportement.
Les caractéristiques les plus essentielles à déterminer sont la transmissibilité de ce variant, sa propension à entraîner des formes sévères de la maladie, et sa capacité à « échapper » à la réponse immunitaire des personnes vaccinées ou guéries suite à une infection naturelle par d’autres variants. Nous étudions ces points de deux manières. Tout d’abord, des études épidémiologiques minutieuses sont menées, afin de savoir si la nouvelle lignée présente effectivement des différences par rapport aux précédentes en matière de transmissibilité, de capacité à infecter des personnes vaccinées ou précédemment infectées, etc.
Parallèlement à cette approche épidémiologique, des travaux menés en laboratoire visent à déterminer les propriétés de ce nouveau variant. Ses caractéristiques de croissance sont comparées à celles d’autres variants, et des tests sont effectués pour savoir dans quelle mesure le virus peut être neutralisé par les anticorps présents dans le sang des individus vaccinés ou guéris.
En fin de compte, l’importance réelle des modifications génétiques observées dans B.1.1.529 apparaîtra lorsque les résultats de toutes ces études seront pris en compte. Il s’agit d’une entreprise complexe, exigeante et coûteuse, qui se poursuivra pendant des mois, mais qui est indispensable pour mieux comprendre le variant Omicron et élaborer les stratégies les plus efficaces pour le combattre.
Ce variant entraîne-t-il des symptômes différents ou une maladie plus grave ?
Il n’y a pas encore de preuve d’une quelconque différence clinique dans la maladie provoquée par ce variant. Ce que l’on sait, c’est que les cas d’infection par le virus B.1.1.529 ont augmenté rapidement dans le Gauteng, où la quatrième vague pandémique du pays semble commencer. Cela suggère une transmissibilité facilitée, qui concerne toutefois un faible nombre de cas et survient dans un contexte d’interventions non pharmaceutiques (gestes barrières…) beaucoup plus souples qu’auparavant. Nous ne pouvons donc pas encore vraiment affirmer que le B.1.1.529 se transmet plus efficacement que le variant préoccupant Delta, qui prévalait auparavant.
Le Covid-19 est plus susceptible d’entraîner des formes graves, souvent mortelles, chez les personnes âgées et les malades chroniques. Mais dans une population, les groupes qui sont généralement initialement les plus exposés à un nouveau virus sont les personnes plus jeunes, qui sont plus mobiles et généralement en bonne santé. Si le B.1.1.529 se propage effectivement davantage, il faudra un certain temps avant de pouvoir évaluer ses effets, en matière de gravité de la maladie.
Heureusement, il semble que les tests de diagnostic qui se sont avérés efficaces jusqu’à présent sont aussi capables d’identifier ce nouveau variant viral. Mieux encore, il semble que certains tests commerciaux largement utilisés donnent en présence du B.1.1.529 un schéma spécifique : deux des trois séquences génomiques cibles sont positives, mais la troisième ne l’est pas. C’est comme si ce nouveau variant cochait systématiquement deux cases sur trois. Ce schéma peut servir de marqueur pour le B.1.1.529, ce qui signifie que nous pouvons rapidement estimer la proportion de cas positifs dus à l’infection par Omicron, au quotidien et dans chaque zone géographique. Cela est très utile pour suivre la propagation du virus quasiment en temps réel.
Les vaccins actuels sont-ils susceptibles de protéger contre le nouveau variant ?
Là encore, nous ne le savons pas. Des personnes qui avaient été vaccinées ont également fait partie des cas connus d’infection. Mais nous avons appris, depuis le déploiement de la vaccination, que la protection immunitaire qu’elle procure s’affaiblit avec le temps, et que les vaccins ne protègent pas tant contre l’infection que contre les formes sévères de la maladie et les décès subséquents. L’une des analyses épidémiologiques en cours ambitionne de déterminer combien de personnes vaccinées ont été infectées par le variant B.1.1.529.
La possibilité que le variant Omicron puisse échapper à la réponse immunitaire est inquiétante. Mais plusieurs études ont révélé que les taux de séroprévalence, qui indiquent combien de personnes ont déjà été infectées par le coronavirus SARS-CoV-2, sont élevés. On espère que cela leur procurera un certain degré d’« immunité naturelle » contre ce variant également, pendant un certain temps au moins.
En fin de compte, ce que l’on sait pour l’instant d’Omicron semble indiquer que notre meilleur atout pour lutter contre le Covid-19 et les formes sévères reste de vacciner le plus grand nombre de personnes possibles. En parallèle avec la mise en place d’interventions non pharmaceutiques, cette approche aidera les systèmes de santé à faire face à la vague qui s’annonce.