Je suis doublement touché dans ma fibre patriotique quand j’entends nos Autorités dire qu’elles sont en discussion avec RUSAL pour la reprise de train Conakry-Express sur la voie ferrée de la société minière russe.
Depuis une dizaine d’années, c’est la même chose ou presque.
Ça me fait mal pour 2 raisons :
1- Le chemin de fer minier Conakry-Débélé est construit pour le transport de la bauxite de Kindia dans les années 70.
Exclusivement pour le transport de la bauxite qui rapporte de l’argent à notre pays.
Vouloir en faire un autre usage parallèle, c’est compromettre l’ensemble des activités de l’entreprise, aussi bien en interne que sur le marché international.
L’impact sera évident sur les prévisions de production, donc sur le chiffre d’affaires, sur le résultat net d’exploitation et par ricochet, sur le niveau général de l’impôt à percevoir par le Trésor public.
En plus des performances de RUSAL, c’est le volume des impôts perçus par la Guinée qui connaîtra une baisse.
2 – L’Etat guinéen a une voie ferrée, héritée de l’ancien Chemin de fer Conakry-Niger.
Si les rails de ce chemin de fer ont été démantelés depuis une trentaine d’années dans l’impunité totale, par le laxisme de l’Etat guinéen, son tracé existe encore, dans l’abandon.
À l’occasion de l’installation de la ligne électrique de KALETA qui lui est parallèle par endroit, les riverains ont été indemnisés et sommés de libérer l’emprise. Par manque de suivi, rien n’y fait. Et lesdits riverains y vivent.
Qu’est-ce qui empêche l’Etat guinéen de réhabiliter cette voie, juste pour relier Conakry à sa haute banlieue qui est la principale zone industrielle de notre pays ?
Il y a lieu de rappeler que dans les années 40, la Société des Bauxites du Midi a construit en un temps record un chemin de fer de 15 km pour le drainage de sa bauxite de Hamdallaye Concasseur au port de Conakry.
À ce temps, la technologie de construction d’un chemin de fer se faisait avec des moyens presque rudimentaires.
Aujourd’hui, une société (russe ou chinoise) est capable de construire un chemin de 40 km en moins de 12 mois ; surtout qu’il n’y a pas assez d’ouvrages de franchissement sur le tronçon.
Une telle construction donnerait à Conakry-Express toute son indépendance en terme de mouvements entre Kaloum et Km36, jusqu’à la zone industrielle de Coyah.
Six avantages en seront tirés de cette initiative :
Premier avantage :
une solution partielle aurait été trouvée aux difficultés de mobilité à Conakry.
Des dizaines de milliers de personnes seraient soulagées.
Deuxième avantage :
un second train de marchandises pourrait être mis en exploitation par la même société, pour le transport des matières premières et des marchandises, du port maritime à la zone industrielle et au port sec de Kagbélén ou de Kouria.
Troisième avantage :
les embouteillages seront réduits et la circulation routière connaîtra une nette fluidité.
Quatrième avantage :
Les porte-conteneurs et autres gros porteurs seront rares dans la circulation et abimeront moins les chaussées de la capitale.
Cinquième avantage :
Sur le plan financier, l’Etat y gagnera mieux, parce qu’il percevra l’impôt sur chaque ticket de voyage.
Aussi, il dépensera moins dans les réparations recurrentes des routes de Conakry, régulièrement dénoncées par les poids lourds.
Sixième avantage :
Sur le plan humain, il y aura moins de stress et moins d’accidents de la circulation.
Aussi, de nouveaux emplois seront créés pour les jeunes formés par l’école des chemins de fer.
In fine, c’est tout le monde qui gagne.
Nous n’avons pas besoin de discuter tout le temps avec RUSAL qui est une entreprise travaillant pour son profit, dans lequel nous avons notre part de profit.
Nous n’avons pas besoin d’attendre que des « Experts » viennent de l’extérieur pour nous faire ce genre de recommandation.
Nous devons réfléchir nous-mêmes et faire ce qui est à notre portée.
Comment voulons-nous qu’une entreprise étrangère respecte notre pays, si nous sommes obligés de toujours solliciter sa bienveillance pour faire usage d’une infrastructure indispensable à son fonctionnement ?
Les cadres Guinéens doivent ouvrir leurs esprits.
Ils ont trop étudié pour éviter de rabaisser notre pays à ce point.
Qu’il me soit permis de suggérer aux Ministères de la Coopération et des transports, d’initier des démarches vers le Gouvernement Chinois et/ou des entreprises chinoises spécialisées dans le chemin de fer, en vue de régler définitivement ce problème.
Le cas échéant, cela pourrait être la première phase d’un vaste programme devant aboutir progressivement à la réhabilitation générale du Chemin de fer Conakry-Bamako.
Nous avons des opportunités qui peuvent rapporter l’argent à l’Etat et aux agents économiques, et améliorer le mode de vie du Guinéen.
Mais, nous semblons souffrir de notre immobilisme intellectuel et de notre penchant pour la chose politique qui nous oppose et nous détruit tous les jours.
Ouf !
A n’töröma !
Ibrahima Jair KEITA