A la faveur d’une conversation téléphonique avec M Kayoko Doré au sujet d’un de mes articles à paraître la semaine prochaine dans les colonnes du Lynx, M Doré m’annonce le décès de Laurent KOUROUMA ce matin des suites de maladie. Je n’en reviens pas loin de moi la disparition maintenant de ce camarade d’école de ma grande sœur Mme KEITA Saran DIAKITE.

Mes relations avec le défunt datent de l’époque où il fréquentait le lycée avec ma sœur. A son retour de l’étranger, nous nous sommes retrouvés à la BICIGUI pour quelques mois. Et depuis son retour en Guinée, nous avons entretenus de bons rapports.

Je me réjouis aujourd’hui d’avoir dans ma bibliothèque son ouvrage  »Avant que ne vienne l’oubli » publié le 26 octobre 2018, qu’il avait bien voulu dédicacer pour moi.

Laurent KOUROUMA fut un intellectuel, qui n’hésitait nullement à s’exprimer; je reproduis ci-dessous un texte publié le 14 décembre 2020, qui avait suscité ma réaction.

Par Tino DIAKITE

GUINEE : AIDER LE PAYS A SE CONFRONTER A SON PASSE

Nous sommes encore loin des temps de sérénité que chacun d’entre nous appellent de tous ses vœux. Voici bientôt une année que nous avons choisi de ne parler que d’élections et de sujets de politique politicienne. Des sujets et évènements qui n’ont en rien contribué à la résolution de l’épineux problème de l’exacerbation des tensions identitaires, de l’hostilité ethnique, ces maux de notre répertoire de maladies cataloguées.

Les nations du monde entier se sont inscrites  dans l’agenda 2030 des objectifs du développement, pour répondre aux défis mondiaux auxquels elles sont confrontées, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice. Depuis 2020, elles affrontent une nouvelle situation d’incertitude radicale sur les développements futurs d’une crise pandémique à multiples facettes, aux effets collatéraux non encore tous répertoriés. Elles sont tenues de réinventer beaucoup autour des enjeux majeurs ci-dessus et concevoir des politiques et stratégies de réponses efficaces. Un gigantesque travail qui devrait s’inscrire dans le respect de la diversité, de l’inclusion et des droits humains fondamentaux. Un travail qui exige donc solidarité et cohésion sociale sur un territoire donné.

Solidarité et cohésion sociale ? Voici la Guinée inapte à l’exercice. Son peuple a subi comme une espèce d’anéantissement de son moi, au cours des années de construction de sa mémoire. La farandole de ses tribulations l’a rendu presque insensible et imperméable à tout.   Ses émotions, son éducation, sa morale, son ego, ses désirs, son avenir, semblent  ainsi suspendus.  Le déficit d’éthique politique est tel, que  paix et cohésion sociale resteront incertaines tant qu’on n’aura pas  effectué ce voyage dans son passé, pour ressortir tous ces points de blocage qui lui interdisent d’aspirer aux mieux-être. Nous devrions maintenant, rentrés au cœur des débats mémoriels et des usages politiques dans ce pays. Il s’agit d’élaborer une “délibération” sur l’Histoire. Ce travail contribue à s’accorder sur le passé et permettre une reconstruction de notre société.

L’urgence de la démarche est-elle, que  les fractures sociales s’enveniment chaque jour un peu plus, attisées en cela par la présence d’hommes et de femmes qui sont venus en politique comme on va à la soupe, sans code de conduite, avec des identités doubles et des discours  à la fragrance hautement ethno stratégique.

Je voudrais très respectueusement m’adresser à toutes les femmes et à tous les hommes de bonne volonté, d’aider ce pays à se confronter à son passé, pour une accélération de ses changements tant sur le plan social, culturel que technologique. L’analyse de la situation d’affaiblissement de la cohésion sociale à travers les débats mémoriels, dégagera j’en suis sûr, plusieurs  approches conceptuelles et fonctionnelles permettant de comprendre la façon dont  notre société  relativement pacifique, a sombré  dans la violence identitaire.

Laurent KOUROUMA