Pendant le traditionnel cadre d’échanges entre formations et département de la décentralisation que la coupe budgétaire sera annoncée . Décision que salue la population mais aussi certains leaders politiques qui ne voient guère les retombées des financements quand l’incivisme et l’abstention aux élections ont explosé.
En République du Mali, le financement public des activités des partis politiques trouve son fondement dans la loi N°05-047/du 18 AOUT 2005. Il est annuel et correspond à une aide financière de l’État qui permet aux partis de : respecter et de faire respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité du territoire, de l’unité nationale et la laïcité de l’État.
A travers le financement , les formations politiques doivent remplir une mission d’intérêt général, en concourant par les moyens pacifiques et démocratiques à la formation de la volonté politique, ainsi qu’à l’éducation civique des citoyens et des dirigeants ayant naturellement vocation à assumer des responsabilités publiques.
GESTION MITIGEE
Il est à signaler qu’au Mali, ce financement public des partis politiques pose débat. En effet les populations ne souhaitent pas que les dirigeants des partis utilisent l’argent public à leur enrichissement personnel au détriment de l’éducation civique des citoyens.
D’ailleurs la suppression annoncée rassure ceux qui ont l’information. Ils estiment que les fonds partent dans quelque chose d’abstrait alors que le désaveu est fort avec la classe politique. Certains acteurs des partis l’approuvent mais par discipline, ils le cachent et adhèrent au sevrage.
CRITERES D’ELIGIBILITE
Certains facteurs situent la mise à disposition du financement dont :
– La tenue régulière des instances statutaires du parti ;
– Disposer d’un siège national exclusivement destiné aux activités du parti distinct d’un domicile ou d’un bureau privé ;
– Avoir un compte ouvert auprès d’une institution financière installée au Mali ;
– Tenir un inventaire annuel des biens meubles et immeubles et présenter les comptes annuels à la Section des comptes de la Cour suprême au plus tard le 31 mars de chaque année ;
– Justifier dans les conditions prévues à l’article 27, d’un compte dont la moralité et la sincérité sont établies par le Rapport de vérification de la Section des comptes de la Cour suprême ;
– Justifier de la provenance de ses ressources financières et de leur utilisation ;
– Avoir participé aux dernières élections générales législatives ou communales.
Ensuite ,le montant annuel des crédits affectés au financement des partis politiques est soumis à la clé de répartition suivante :
– Une première fraction égale à 15 % des crédits est destinée à financer les partis ayant participé aux dernières élections générales législatives ou communales ;
– Une deuxième fraction égale à 40 % des crédits est destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre des députés ;
– Une troisième fraction égale à 35 % des crédits est destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre des conseillers communaux.
– Une quatrième fraction égale à 10 % des crédits est destinée à financer les partis politiques proportionnellement au nombre de femmes élues à raison de 5 % pour les députés et 5 % pour les conseillères communales.
DES BENEFICAIRES HISTORIQUES
De l’avènement démocratique à maintenant , le Mali dispose de partis historiques qui ont joué les premiers rôles. Du gouvernement à l’Assemblée, aucun d’eux n’est passé inaperçu et a été témoins de la création de l’aide aux formations politiques.
Ainsi, de 2005 à 2019 :
ADEMA PASJ a reçu 6 213 474 797 CFA
RPM, 6 106 032 423 CFA
URD, 3 956 818 331 CFA
CNID, 1 065 941 350 FCFA
MPR, 970 333 588 CFA
CODEM, 737 864 054 CFA
SADI, 724 118 984 CFA
PARENA, 648 184 473 CFA
Soit un TOTAL de 20 422 768 000 FCFA sur une enveloppe de 26 389 959 985 FCFA
Ces 8 partis sur plus de 200, ont reçu plus de 77% de ce financement en 15 ans.
Or depuis plus d’une décennie, l’on constate la montée en puissance de l’incivisme. Il se manifeste notamment à travers la destruction de biens et d’édifices publics, le non-respect des institutions et symboles de la république, la corruption endémique et la violence sous toutes ses formes.
ECHEC DES PARTIS POLITIQUES
Les politiciens ont donc échoué car au-delà de l’incivisme des militants, les taux de participations aux élections se sont dépréciés. A cela s’ajoute le désaveu flagrant à l’endroit des acteurs politiques qui a ouvert la voie à l’émergence d’autres acteurs, plus populaires et populistes que les réels concernés.
Cette aide de l’État décriée par la population inquiète par rapport à l’utilisation adéquate faite des fonds par les partis politiques, correspond à combien d’écoles, combien de CSCOM avec les commodités et combien kilomètres de routes bitumées ?
La continuité de l’État étant un principe sacro-saint, la rupture est une nécessité pour la survie du Mali. Si le financement exceptionnel peut être maintenu, il serait peut-être temps que le financement normal soit définitivement suspendu.
Décision courageuse qui permettra de revoir les priorités pour le Mali afin qu’elles soient redéfinies et qu’il soit envisagé des audits sur la gestion trouble des espèces sonnantes et trébuchantes qui ont donné cette image aux populations : un parti politique reste (pour la plupart) un patrimoine privé de son premier dirigeant !
Idrissa KEITA pour JMI
Correspondant particulier de JMI au Mali
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