Né en 1934, Kèlètigui TRAORÉ me confiera qu’il a commencé à tâtonner la musique en 1948 avant de se retrouver en 1950, dans l’orchestre d’un Ivoirien du nom de Baraud (fonctionnaire au trésor de Conakry).
C’est après qu’il va parfaire son apprentissage et appartenir à l’orchestre de Gadirou CAMARA à Kindia en qualité de guitariste et ce jusqu’en 1953.
C’est la même année qu’il va intégrer le groupe musical dénommé, » La Joviale Symphonie » dirigée à cette époque par M.Ibou DIALLO.
Il va poursuivre son aventure musicale comme premier musicien africain dans l’orchestre de l’Hôtel de France sous la direction de René BERTRAND jusqu’en 1956. C’est à cette occasion que le saxophoniste Français Marcel BIANCI lui donnera les rudiments de l’instrument, tandis que le Chef d’orchestre l’initie à la théorie musicale au point que l’élève Keletigui TRAORÉ est en mesure de remplacer le maître après son départ. Grâce à ses économies, il s’achète son premier saxophone à 15.000 CFA.
Tout en restant dans les rouages de l’hôtel de France, de la Plage Peronne et de la Pigalle où dira-t’il avoir passé des moments de bonheur en compagnie de cet orchestre d’Européens au point de racheter tous les instruments de musique toujours avec ses économies.
Le contrat arrivé à son terme avec l’Hôtel de France en 1956, Keletigui TRAORÉ crée son propre orchestre que KANE Zator(saxo alto) baptisera « Le Harlem Jazz » composé entre autres de musiciens comme Joseph BANGOURA (batterie), Jacques YOUNG (trompette), Sèkhou TOLO dit Hangua, THIAM Amadou (conga), Mamadou DI, son neveu et « Gros Fof » qui lui résidait à Fria.
Le Harlem Jazz sera programmé tous les samedis à la maison des jeunes( près de Syli Cinéma, actuel siège du CCFG) de 1956 à 1959 et animait les vins d’honneur pour les amis sans contre partie.
À la création de la JRDA (Jeunesse du Rassemblement Démocratique Africain) en mars 1959, la Direction Nationale du parti démocratique de Guinée (PDG ) inspirée par son Secrétaire Général le Camarade Ahmed Sekou TOURÉ décide de dissoudre tous les orchestres privés existants et invite au regroupement des meilleurs talents du pays, au sein du premier orchestre national, » Le Syli orchestre »
.Il sera dirigé par Kanfory BANGOURA et Kanfory SANOUSSY .
Kèlètigui TRAORÉ, Raymond MALAUD, Honoré COPPET, Cristophe BOSSART, Léonard CAMARA, Kerfla DIABATÉ « Grand Papa », SOUMAH Momo « Wandel », GUEYE Mamadou « Mon Grand », Balla ONIVOGUI, PIVI Moriba, DIAGNE Ahmed « Doudou », Soriba « Remetter » CAMARA, SYLLA Souleymane « Souley », Alex, Blaise LEBOUE, Angeline DAFFÉ, Makalé, Fatou « Tôkhôdi » sont les premiers appelés dans le Syli Orchestre qui enregistrera un nombre pléthorique de musiciens au fil du temps.
Scindé en deux (2) groupes par après, Kèlètigui TRAORÉ sera de ceux qui seront basés au dancing » Climat de Guinée » actuel Jardin de Guinée où il deviendra 2ème Chef d’orchestre après Mamadi KOUROUMA.
Il participe avec brio aux jeux de l’amitié en 1963 à Dakar et quitte ledit groupe selon ses propos, par incompatibilité d’humeur entre lui et le gérant M.DIALLO Boubacar dit Bankos.
Keletigui TRAORÉ abandonne l’orchestre du » Jardin de Guinée » dont la direction sera confiée à Papa DIABATÉ et par la suite à Balla ONIVOGUI.
Les précieux services de regretté Keletigui TRAORÉ seront à nouveau sollicitées par le Ministère de la Jeunesse et des Arts qui mettra des instruments de musique à sa disposition et l’installera au bar « La bonne Auberge » où il sera rejoint par ses fidèles compagnons Linké CONDÉ (guitare solo), Bignet DOUMBOUYA (saxo alto), Kaba SYLLA « JK »( batterie), Djigui TOURÉ (trompette), M’Bemba DIABATÉ (guitare basse), David CAMARA « Lavillé » et « Durango » ( conga).
L’aventure de « La Bonne Auberge » va s’arrêter après la fin de l’année 1963 et début 1964.
C’est à ce moment que se disloque l’orchestre de la « Paillote » sous la direction de Souleymane SYLLA .
Le Directeur des Arts M.Mamadi CONDÉ « Kozikol » demande entre-temps l’intégration de Manfila « Dabadou KANTÉ (chant) et Kerfala CAMARA ( trompette et chant) au sein de l’orchestre de la bonne auberge de Keletigui puis ordonne leur transfert à la « Paillote ».
Les huit musiciens cités plus haut décident alors de confier la direction au Maestro Keletigui TRAORÉ qui va être renforcé par la venue de Momo « Wandel » SOUMAH (saxo alto et soprano) et Sekou CONDÉ(guitare médium).
Au cours de la même année, les deux orchestres nationaux enregistrent leurs premiers disques vinyles, « Orchestre Paillote », « Orchestre Jardin de Guinée » (SLP1,SLP2,SLP3).
C’est après la sortie de ces disques, que le Directeur des Arts de l’époque M.Mamadi CONDÉ « Kozikol » prend l’initiative de rebaptiser les deux formations musicales sous les noms des chefs d’orchestres respectifs Keletigui ( Paillote) et Balla
(Jardin).
Le Maestro Keletigui TRAORÉ et ses Tambourinis sont désormais partis pour la consécration internationale. Le répertoire est des plus élaborés, la musique de variétés n’a aucun secret pour cet orchestre qui va séduire les mélomanes d’Afrique, de l’Europe de l’est et ceux de l’Asie.
La plus part des artistes étrangers en visite en Guinée sont accompagnés avec brio par Keletigui et ses tambourinis (Joséphine BAKER en 1964, Franklin BOUKAKA,Vicky BLIND en 1969, Jimmy HYACINTHE, François LOUGAH,Aicha KONÉ en 1980, Laba SOSSEH en 1984.)
A son riche parcours et palmarès, son apport de taille dans l’album de Kouyaté Sory Kandia, le Mezzo-soprano Africain, Grand Prix du disque1970 de l’académie Charles CROS suivi de tournées africaines .
Keletigui TRAORÉ en plus de ses qualités de guitariste, chanteur, saxophoniste flûtiste, organiste a eu le mérite d’intégrer pour la première fois le balafon dans la musique moderne Guinéenne en 1967.
Aussi il initie en Afrique un genre musical, le « concert » en long-playing « Soundiata » qu’il présente en mars 1968 à Labé aux chefs d’état Léopold Sedar SENGHOR du Sénégal, Modibo KEITA du Mali, Mouctar OULD DADA de Mauritanie et Ahmed Sekou TOURÉ de la Guinée. C’était à l’occasion de la création de l’Organisation des États Riverains du Fleuve Sénégal ( OERS).
Durant 65 minutes, l’histoire narrée par le maître de la parole Manfila Dabadou KANTÉ est soutenue par les arrangements du Maestro. Le Président Modibo KEITA séduit par ce chef-d’œuvre ne s’empêche pas d’offrir sa montre au chanteur Manfila Dabadou KANTÉ, tandis que Keletigui TRAORÉ le Chef d’orchestre sera à son tour honoré de la même offre, cette fois du Président Ahmed Sekou TOURÉ en mains propres.
Il faut rappeler que Keletigui TRAORÉ « Le Maestro » aura aussi été le Chef du Syli Orchestre (version 1er festival panafricain d’Algérie 1969 ) dont la touche et les nouveaux arrangements portés au répertoire et au concert « Regard sur le passé » du Bembeya Jazz renforcé à cette occasion ont permis de hisser la musique Guinéenne sur le toit de l’Afrique. Et il en fut ainsi pour les festivals de Tunis, Berlin, Moscou et Cuba.
Pour avoir été à son école grâce à Papa KOUYATÉ fondateur et Chef d’orchestre du Camayenne Sofa, j’atteste que Keletigui TRAORÉ pourrait être classé dans la loge des barons de la musique Africaine. Serein, méthodique, et surtout rigoureux il aura de son empreinte et de par la sonorité exceptionnelle de son saxophone ténor, imprimé un style d’orchestration qui fait et fera école.
Dors en Paix « MAESTRO » grand musicien de devoir, Artiste du peuple.
Carrière musicale: (1948-2008)
Chanteur-Guitariste-Saxophoniste-Organiste-Chef d’orchestre
Médaille d’honneur du travail
Photos: Justin MOREL Junior
Jean Baptiste WILLIAMS pour JMI
Jeannot Williams. Direction Nationale Culture