C’est l’histoire d’un petit truc en plastique qui fait partie de l’histoire des hommes. C’est l’histoire d’une chaussure détestée qui, chaque été, a fait subir un calvaire à plusieurs générations et à laquelle un homme a consacré plusieurs années de sa vie…
Ce film est né d’un traumatisme d’enfant et… d’un voyage en Ethiopie.
Florian Vallée, réalisateur
Cet homme, c’est Florian Vallée, réalisateur et anthropologue belge, voyageur amoureux de l’Afrique : « Enfant, mes parents m’obligeaient à porter des sandales en plastique ! J’en détestais la matière, le look et la sensation ! Le package seau-pelle-sandale ! » Florian grandit et oublie les sandalettes jusqu’à un voyage en Ethiopie : « J’en ai vu partout, y compris dans les montagnes. Je me suis demandé comment un objet aussi étrange était arrivé là ? » Alors Florian Vallée va enquêter trois ans durant. Personne avant lui ne s’était intéressé à ce modeste objet. Il en a fait un documentaire fort documenté, fort bien écrit et dont le commentaire est non pas porté, mais interprété par Maïk Dara, la voix française de Whoopi Goldberg.
La chaussure en PVC naît, par hasard, après la guerre, chez un coutelier auvergnat où elle est repérée par une commerçante expatriée à Dakar. Cet étrange objet, qui ne connaît pas un franc succès chez les Auvergnats, ni chez les expatriés, va pour les Africains incarner un idéal de société et la promesse d’un monde meilleur.
Celui qui porte ça, c’est pas n’importe qui !
Le plastique, comme on l’appelle au Sénégal, va devenir l’idole des jeunes et des élites d’Afrique de l’Ouest. Les témoignages recueillis au Burkina Faso, au Sénégal, au Togo, en Côte d’Ivoire vont tous dans le même sens : « Celui qui porte ça, c’est pas n’importe qui !« , « Il fallait être aisé pour en avoir…« , « On était très fiers d’en porter…« . Un succès qui n’échappe pas à un certain Thomas Bata junior. Le plus grand distributeur de chaussures au monde, installé dans les colonies depuis les années 30, va détourner le brevet auvergnat, mettre au point « l’unité hypac » capable de produire la sandale en un seul bloc : « Fallait voir hypac cracher les sandalettes ! En 5 secondes, on avait une paire ! Bata, c’était la civilisation faite chaussure !« , explique Oumar Mbengé, ancien commercial de Bata-Sénégal. Depuis les colonies africaines, Bata va inonder le monde. Il en sera ainsi jusqu’aux indépendances et à la crise pétrolière.
Après ? Après, la sandale sera copiée, la chaussure des riches va devenir celle des pauvres, des travailleurs et des rebelles. Bata ne s’en remettra jamais. En Erythrée, où elle est fabriquée clandestinement, elle chausse les combattants de la liberté. Après 30 ans de conflit, dont ils sortiront vainqueurs, ils en feront l’emblème de leur lutte. Un emblème en métal qui, contrairement au plastique, n’a pas résisté au temps…
Le film est une leçon de relativité…
Florian Vallée
« Pour moi qui n’aimait pas cet objet, il a pris de la valeur à travers son histoire, dit le réalisateur Florian Vallée. Et ce qui est intéressant dans la trajectoire d’un objet très banal pour nous, c’est le questionnement sur la valeur qu’on donne aux choses. » Et d’ajouter dans un sourire : « En ce sens-là, le film est une leçon de relativité ! » Le Sénégal et la Côte d’Ivoire produisent encore des sandales en plastique qui une fois usées sont recyclées en… sandales en plastique !