Mines : bras de fer dans le Simandou
Le géant brésilien Vale s’apprête à mettre en production le gisement de Zogota. Ses relations avec l’Etat restent cependant tendues concernant son principal projet en Guinée forestière.
Un potentiel sous-exploité
Poids lourd du secteur minier guinéen, la filière bauxite commence ?à décoller, mais, avec la baisse des cours, reste fragile. Près de 17, 6 millions de tonnes ont été produites en 2011 (+ 9,6 %), dont la plus grande partie par la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), une coentreprise entre l’État guinéen (49 %) et le consortium Halco (Alcoa 23 %, Rio Tinto-Alcan 23 % et Dadco 5 %), et, dans une moindre mesure, par la Compagnie des bauxites de Kindia (CBK, État). La production d’alumine par l’Alumina Company of Guinea (ACG, État) a augmenté de 3 % à 630 000 t, contre 612 000 t un an avant. La production aurifère a en revanche connu une chute brutale (- 36,5 %) à 15 t. Il en est de même pour la filière diamants, représentée notamment par le britannique Stellar Diamonds, dont la production est tombée brusquement à 47,082 kg, soit une chute de 24,3 %. Des baisses que le ministère de l’Économie et des Finances explique par l’augmentation des coûts de production. M.D.
Le 22 février 2011, c’est pourtant en fanfare et en présence de l’ancien président brésilien, Luis Inácio Lula da Silva, que les travaux de reconstruction de la voie ferrée avaient été inaugurés. Mais, deux mois plus tard, Vale, qui prévoyait d’investir 1,1 milliard de dollars (800 millions d’euros) dans le projet, était sommé de tout arrêter pour – c’est la raison avancée par le gouvernement guinéen – reprendre de zéro les études de faisabilité de la réhabilitation et prendre en compte les standards internationaux en matière d’écartement des rails. Un paramètre que Vale-BSGR n’aurait pas intégré dans son projet, dont les travaux, confiés au brésilien Zagope, sont d’un montant jugé par ailleurs trop élevé.
Du coup, c’est à son grand rival australien, Rio Tinto, que l’étude de faisabilité pour la réhabilitation de la voie Conakry-Kankan a été confiée en avril 2011. Réalisé en collaboration avec l’État guinéen, la société chinoise Aluminium Corporation of China Limited (Chalco) et la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale chargée des opérations avec le privé), le projet Simandou de Rio Tinto comprend quant à lui le développement et l’exploitation des blocs 3 et 4 sur la concession sud de Simandou (soit une mine de fer d’une capacité de 95 millions de tonnes par an et des réserves estimées à 5 milliards de tonnes), un nouveau port en eau profonde au sud de Conakry et, donc, le chemin de fer transguinéen. Le premier chargement de minerai est prévu pour la mi-2015.
Négociations. L’affaire ne s’arrête pas là. En janvier dernier, c’est vers BSGR Guinée que les autorités guinéennes se sont tournées afin d’engager des discussions avec l’entreprise israélienne à propos du joint-venture qu’elle a créé en avril 2010 avec Vale. « Nous ne sommes pas entrés directement en négociations avec Vale, a précisé Guillaume Curtis, le secrétaire général du ministère des Mines et de la Géologie, pour la simple raison que tous les documents légaux dont nous disposons sont signés par l’État et BSGR. »
Peu avant le décès du président Lansana Conté, fin 2008, le gouvernement guinéen avait désigné la compagnie BSGR Guinée comme concessionnaire de la moitié du gisement de fer des montagnes du Simandou, situé en Guinée forestière. Aux termes d’un accord ratifié par décret présidentiel et publié le 19 mars 2010, BSGR Guinée s’est donc vu attribuer un permis d’exploitation pour les blocs 1 et 2 de Simandou, ainsi que pour les gisements à Zogota, dans la partie sud de Simandou. BSGR Guinée a aussi reçu l’autorisation exclusive d’exporter le minerai de fer via le Liberia, en contrepartie de la reconstruction du chemin de fer transguinéen destiné au transport de passagers et de fret léger, d’abord de Conakry à Kankan, puis jusqu’à Kérouané. Autant dire que ce deal s’est fait au détriment de Rio Tinto.
Finalement, Rio Tinto reprend l’étude pour la réhabilitation du chemin de fer Conakry-Kankan.
Divergences. À peine l’accord signé, BSGR Guinée négociait la vente de 51 % de son capital avec Vale, pour un montant de 2,5 milliards de dollars, dont 500 millions payables immédiatement. Une aubaine pour le minier brésilien, qui cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement. Le Simandou est l’un des plus importants gisements de minerai de fer de haute qualité non exploité au monde.
Dans la foulée, les deux partenaires ont formalisé leur union en créant Vale-BSGR Guinée. Le deal est clair : Vale prend en charge la gestion du projet et dispose des droits exclusifs d’enlèvement et de commercialisation pour l’ensemble de la production du minerai de fer ; BSGR doit assurer le succès du joint-venture.
Pour le reste, pas de changement. Comme BSGR Guinée, la coentreprise Vale-BSGR s’est engagée à réhabiliter le réseau ferroviaire. Toutefois, la production de Zogota (de 10 millions de tonnes par an en pleine phase d’exploitation, selon les prévisions) sera acheminée par le Liberia.
Une option qui n’est pas du goût du nouveau chef de l’État guinéen, Alpha Condé, pour qui l’évacuation des minerais doit profiter aux ports du pays… Le projet de chemin de fer a donc été retiré à Vale au profit de Rio Tinto, qui fut l’un des initiateurs du Transguinéen.
Malgré ces divergences, le directeur financier de Vale, Tito Martin, confirmait fin janvier que le groupe comptait mettre en production sa mine de Zogota dans le courant du premier semestre, et en extraire 2 millions de tonnes de fer pour 2012.
Le minier brésilien poursuit le développement de ses projets avec, toutefois, des investissements en baisse en 2012. Alors que Rio Tinto prévoit d’investir 1,3 milliard de dollars dans son gisement (il y a déjà injecté 3 milliards), Vale n’affectera que 380 millions de dollars à une partie de sa concession. Les deux raisons invoquées pour expliquer ce recul sont, d’une part, le temps nécessaire afin d’évaluer l’impact du nouveau code minier mis en place par le président Condé et, d’autre part, la perte du volet ferroviaire, qui aurait dû absorber quelque 800 millions de dollars d’investissement. Reste à savoir ce qu’il adviendra du joint-venture Vale-BSGR et de son contrat.
Source: Jeune Afrique