La nouvelle est tombée dans l’après-midi du mardi 16 juillet : Johnny Clegg le ‘’ Zoulou Blanc’’ est décédé des suites d’un cancer chez lui à Johannesburg, à l’âge de 66 ans. Il n’a donc pas survécu à un cancer du pancréas décelé en 2015. Musicien engagé, Johnny Clegg incarnait avec ses chansons, mélange inédit de rythmes zoulou et de pop occidentale, la résistance à l’apartheid puis la réconciliation.
Longtemps victime de la censure en Afrique du Sud, il a connu le succès à l’étranger avant d’accéder au statut de star dans son pays.
Pendant les pires heures du régime raciste, ses chansons ont été interdites. Pour contourner la censure, il a été contraint de se produire – avec son groupe Juluka, formé avec le musicien zoulou Sipho Mchunu – dans les universités, les églises, les foyers de migrants et chez des particuliers.
Adolescent dans la banlieue nord de Johannesburg, il a rencontré le demi-monde de la musique et de la danse des travailleurs migrants zoulous de la ville. Sous la tutelle de Charlie Mzila, un nettoyeur à plat par jour et musicien la nuit, Clegg maîtrise aussi bien la langue zoulou et la maskandi guitare et styles de danse isishameni des migrant.
Jeune homme, Clegg a poursuivi une carrière universitaire pendant quatre ans, en donnant des conférences à l’Université du Witwatersrand (Wits) et à l’Université du Natal, et en écrivant plusieurs articles savants sur la musique et la danse zoulou.
Au début de sa carrière musicale, Clegg a combiné sa musique avec l’étude de l’anthropologie à Wits, où il a été influencé, entre autres, par le travail de David Webster, un anthropologue social qui a ensuite été assassiné à 1989.Il a précédé chaque chanson avec des extraits de la culture zouloue, des informations, des commentaires, de l’humour et des anecdotes personnelles pertinentes et uniques pour cette chanson. Anthropologue social engagé, il a non seulement maîtrisé les théories, mais a également exploré et diffusé la culture.
En 1982, la sortie de son album « Scatterlings of Africa » le propulse en tête des hit-parades en Grande-Bretagne et en France.
Cinq ans plus tard, il s’affirme comme un artiste « politique » avec le titre « Asimbonanga » (« Nous ne l’avons pas vu », en langue zoulou), tube planétaire dédié à Nelson Mandela, le héros de la lutte anti-apartheid alors emprisonné à Robben Island (Afrique du Sud). La seule évocation du chef du Congrès national africain (ANC) est alors strictement interdite. Le régime de Pretoria bannit le titre.
Après les disparitions de Mama Africa en novembre 2008, de Hugh Ramapolo Masekela en janvier 2018, et de Johnny Clegg en ce mois juillet, l’Afrique du Sud perd ainsi une génération de musiciens , qui auront contribué à leur façon à la lutte anti apartheid.
Thierno Saïdou DIAKITE
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