Dragon ! Le mot est sonore, il est chargé de feu. Dragon ! Deux syllabes qui résonnent comme un gong ou un canon. C’est selon.
Pourquoi alors, donner à Aboubacar DEMBA Camara, le sobriquet de ‘’Dragon de la chanson africaine’’?
Tout d’abord qu’en dit le dictionnaire ? Le dragon est un monstre fabuleux représenté avec des ailes et la queue d’un serpent. Dans ce cas, comment faire le pont entre la métaphore Dragon et DEMBA.
DEMBA fut réellement un animal de scène, une bête de spectacle. S’il n’était pas extraordinairement grand de taille, il avait le secret de se déployer sur scène comme un géant. Ses fulgurants pas de danse, ses haussements d’épaules intelligents, ses multiples déplacements en jambes croisées à gauche, puis à droite, ses sauts-éclairs dans le rythme Tentemba, et puis sa voix rageuse et enflammeuses, agressive et persuasive envoûtait.
Quand DEMBA montait sur le podium du Palais du Peuple par exemple, il était tout seul capable de remplir la scène et la salle. Il avait du volume, il avait de la présence! C’est pourquoi à la seule apparition physique de DEMBA, les spectateurs brûlaient déjà d’allégresse, et si alors il chantait et dansait, il incendiait littéralement le public d’extase.
Inutile de vous dire qu’un tel charisme artistique ne s’obtient pas banalement. Il faut avoir travaillé longtemps sa mise scénique, sans jamais pourtant tomber dans la sophistication.
Le mérite de DEMBA est d’avoir justement su créer un spectacle en tout point de vue authentique. Quand le BEMBEYA jouait par exemple ‘’Regard sur le Passé’’, DEMBA se vêtissait tout simplement d’un boubou blanc, la tête enturbannée et la dragonne de son sabre bien fixée à la taille. Jamais dans ce concert musical, DEMBA ne fut vulgaire. Dans cette épopée historique, il savait rester hiératique. Tandis que dans TENTEMBA, sous l’emprise des orgies rythmiques, l’artiste s’emportait allégrement, offrant le spectacle du chanteur-animateur accompli.
Mais, animal fabuleux, ce n’est pas la seule définition que nous donne le dictionnaire à propos de Dragon. Le Dragon c’est aussi un soldat de corps militaire de cavalerie de ligne créé au XVIè siécle, pour combattre à pied et à cheval.
Combattant, DEMBA le fut vraiment, avec sa voix comme bouclier et ses chansons comme épée rédemptrice de la culture Africaine.
La force de DEMBA, c’est d’avoir su transcender les vulgaires cancans, d’avoir su éviter les mélopées fastidieuses et les refrains ennuyeux. Son secret c’est d’être allé direct aux sources populaires, à la maniére des aèdes de l’Afrique traditionnelle, avec l’aisance verbale des bardes de la savane mandingue.
DEMBA a trvaillé intelligemment sa voix pour en faire le puissant véhicule de sa profonde conviction en l’avénement d’un monde de progrès, d’une humanité plus humaine. Tous ses chants sont ainsi l’expression d’un engagement, le don de sa personne à l’art, qui anoblit le peuple.
Voilà donc, comment DEMBA est doublement DRAGON, mais si nous fûmes les premiers à le surnommer, aujourd’hui aucun mélomane ne voudrait être le dernier à reconnaître que DEMBA est véritablement « Le DRAGON de la chanson Africaine ».
Justin MOREL Junior pour JMI
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Bembeya à La Havane, Cuba.