11Le fils du chantre guinéen, feu Sory Kandia Kouyaté, l’ariste Sékouba Kandia Kouyaté, a accordé cette semaine une interview exclusive à notre rédaction. Au cours de cet entretien, l’artiste trempé dans « la chose musicale » s’est largement exprimé sur son nouveau double album qui devrait sortir en ce mois de février. Il a aussi parlé de sa nomination à la tête de l’Ensemble Instrumental de la Guinée, les émérites musiciens de son feu Sory Kandia Kouyaté.
Justinmorel.info : Quelle est votre vision de la culture guinéenne ?
Sékouba Kandia Kouyaté : Vous savez que la culture guinéenne très « mosaïque ». Notre culture a une place incontestable sur l’arène internationale par le charme de sa grande diversité. Depuis 1958, les débuts de l’indépendance jusqu’en 1984, la musique guinéenne était une référence dans la sous région ouest africaine. Tous les pays limitrophes de l’Afrique s’inspiraient littéralement de notre modèle de promotion culturelle. Et tous ces artistes africains qui ont eu une célébrité aujourd’hui, tels que Youssou N’Dour, Ernesto Djdjé, Salif Kéïta Mory Kanté et autres ont reconnu cette importante influence.
Aujourd’hui, avec la nouvelle génération, la technologie, cette musique guinéenne a avancé mais pas comme au temps de nos aînés. Vraiment, le travail était sincère et pur. Il n’y avait pas de tricherie, on travaillait avec une certaine endurance. Les artistes travaillaient dur dur. Nous-mêmes avons été éduqués dans ce chemin. Si nous prenons les quatre régions de la Guinée, vous trouverez des qualités musicales différentes. Si vous venez vers le Fouta, c’est la mélodie pastorale, vers la forêt, c’est la polyphonie, en haute guinée, vous avez aussi des mélodies différentes avec un rythme-roi le « doundounba » qui est aussi une danse. En Basse côte, vous avez des rythmes très variés, comme notamment,les yolé, macourou, yancady. Voilà autant de rythmes qu’on doit exploiter.
Justinmorel.info : Parlez-nous de votre carrière musicale et dites-nous le nombre d’albums que vous avez déjà sur le marché ?
Sékouba Kandia Kouyaté : Ma carrière, je l’ai commencée à bas âge, il faut reconnaître que l’homme est avec son destin. Nous sommes des griots. Je suis de père griot et de mère griotte. Donc, je suis né griot. J’ai commencé la musique en 1979 après la mort de mon père, avec le mouvement pionnier. J’ai intégré ce mouvement avec mon petit frère Kaabi Kandia et mon oncle N’Faly Kouyaté. Depuis qu’on a rejoint ce mouvement, tous les jours, on venait aux répétitions. On a eu une bonne formation avec feu chef Ousmane O.K. A partir de là, il y a eu le festival international des enfants du monde en Bulgarie où j’ai été sélectionné pour une participation internationale. Là, j’ai vu des enfants de mon âge, et cela m’a inspiré, je me suis dit qu’il n’est pas trop tard pour des hommes de bonne volonté.
A mon retour, j’ai formé un groupe avec mes amis, à savoir Doura Barry, Fodé Baro et d’autres qui sont devenus des artistes célèbres Et, nous étions encadrés par Tabassy Baro et son ami Justin Morel Junior, chez lui à la SIG Madina. Nous avions fait des compositions, nous avons utilisé des calebasses renversées sur l’eau pour les rythmes; une forme musicale aujourd’hui valorisée par le célèbre Salif Keita. Mais, nous n’avons pas eu la chance d’être suivis pour qu’on puisse faire évoluer cette forme de calebasse renversée. Mais en terme de reconnaissance, Justin Morel a beaucoup fait pour notre groupe, il nous a amenés à la radio de la Voix de la Révolution, et lui même s’est mis aux commandes techniques pour nous enregistrer avec le défunt Bamba Emile Mato Zomou. C’est que nous avons pu enregistrer pour un premier début la chanson Miriakoura. On était avec Doura Barry qui étudiait à l’université de Mamou, Fodé Baro, mon petit frère Kabi et mon oncle N’Faly Kouyaté qui jouait la kora! Il est devenu un grand joueur de kora et réside à Bruxelles, d’où il tourne à travers le monde en permanence. Nous devons vraiment à Tabassy Baro et Justin Morel Junior qui nous ont conseillés, nous ont encadrés et ils nous ont poussé vers le succès. C’est à partir de là que tout est parti. Enfin, je suis sur le 11ème comme de ma carrière.
Justinmorel.info : Quel souvenir retenez-vous de votre feu père Sory Kandia Kouyaté qui a émerveillé la monde musical en son temps ?
Sékouba Kandia Kouyaté : J’ai plein de souvenirs de mon feu père qui m’a marqué dans ma vie. Vous savez dans la vie l’homme naît avec deux choses qu’il ne choisit pas. On ne choisi t ni son père ni sa mère. Dieu merci, je suis né avec un père immortel, parce que l’homme meurt, mais les œuvres ne meurent jamais. Il a fait des œuvres immortelles qui vibrent encore dans le monde de la musicale. Il a eu une vie très courte. Il est parti à l’âge de 44 ans, en laissant des œuvres éternelles et immortelles. Tout ce qu’il faisait, j’adorais. Même de son vivant quand j’écoutais ses chansons. Je pleurais parce que ça touchait mon âme, cela m’a fabriqué. Ses chansons m’ont fabriqué avec la ligne qu’il a laissée dans la famille à ses enfants. Je suis fier de l’avoir eu comme père parce que c’était quelqu’un de bien.
Justinmorel.info : Récemment vous-avez été nommé par le ministère de la culture, des sports et du patrimoine historique comme directeur général de l’Ensemble Instrumental National de Guinée, que votre feu père a géré à un moment donné. Quelles sont vos impressions et qu’est-ce que la Guinée pourrait attendre de vous ?
Sékouba Kandia Kouyaté : Je remercie tout d’abord le ministre de la culture, M. Bantama Sanoussy Sow qui a eu l’initiative de me nommer comme directeur par rapport à l’histoire. L’Ensemble Instrumental a pour objectif de valoriser les instruments traditionnels du terroir. Les chansons traditionnelles du terroir doivent être valorisées. Il faut signaler qu’à travers ces instruments traditionnels, la Guinée s’est taillée la part du lion dans le monde entier, dans le domaine musical et elle en était devenue une référence.
Au temps de Sékou Touré, ex-président de la Guinée, un jour, l’Ensemble instrumental s’est déplacé pour aller jouer à Dakar. Le président Léopold Sédar Senghor était en vacances à Paris, quand il a appris que l’Ensemble Instrumental était venu jouer chez lui, il a pris son vol pour venir assister spécialement le concert de l’Ensemble Instrumental. Incroyable mais vrai !
Quand l’ensemble a fini de jouer, Senghor a dit à Sékou : « Tu nous as dépassés en politique, voici une autre chose encore que où tu nous as dépassés, qui n’est rien d’autre la musique. J’ai connu la kora individuellement, j’ai connu le tam-tam individuellement et tant d’autres. Mais rassembler tous ces instruments-là, les jumeler et en faire des mélodies est une chose dans notre monde musical.». Donc, à travers cette combinaison des instruments traditionnels, la Guinée a été une référence exceptionnelle en Afrique. C’est après la Guinée que les ensembles instrumentaux le Sénégal et le Mali ont suivi.
Cet ensemble instrument traditionnel qui a été créé en 1961, était une arme culturelle forte pour la Guinée. Il avait un rôle très important dans la société. il l’a toujours. Mais, tout récemment, il avait un problème de leadership. Moi, j’évolue en solo quelque part et le ministre a eu l’initiative, pour relancer l’Ensemble instrumental de me nommer à ce poste dont je suis très fier, et je pense être en capacité de le gérer comme cela se doit. En tant que nouveau directeur, c’est une lourde responsabilité mais ce poste, nous pouvons l’exploiter avec le concours de l’ensemble des artistes de la Guinée, parce qu’un homme seul ne peut pas tout faire. Je vous promets de revaloriser l’Ensemble Instrumental, accompagné de ma épouse Sona Tata, partout dans le monde entier.
Justinmorel.info : Parlez-nous de vos deux nouvels albums dont l’un est traditionnel et l’autre moderne, qui sortiront ce mois de février ?
Sékouba Kandia Kouyaté : La musique moderne, c’est un marché de concurrence. Aujourd’hui, il y a de nouvelles sonorités qui sortent tout le monde danse. Demain encore une autre sort, on n’oublie celle qui était dansée. C’est comme les sonorités de 58 et celles de 2018, elles sont nettement différentes. Mais, la musique traditionnelle, elle est immortelle et éternelle. C’est la raison pour laquelle que j’ai fait ce deuxième album, rien que traditionnel pour revenir à la source. Et, c’est pourquoi le nom de l’album traditionnel est ‘’la mémoire du futur’. L’avenir sort du passé.
Tandis que celui de la musique moderne s’intitule ‘’Kouma’’ qui veut dire la parole. La parole qui arrange et la parole qui détruit. C’est pour dire qu’avant de parler, il faut réfléchir quelle que soit ta colère, ou ta nervosité. J’ai fait 4 ans sur l’album là. J’en ai profité pour faire chanter mon fils en français. Il n’a que 12 ans.
Vous savez la vie, c’est un conflit de génération. Ma génération est avec des instruments modernes avec lesquels nous avons toujours amusé notre public. Mais, à un certain moment, je me suis dit qu’il y a les valeurs de la musique traditionnelle. J’ai donc pensé à revenir au bercail.
Interview réalisée par Léon KOLIE pour JMI
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