La fille de l’ex-président de la Guinée, feu Ahmed Sékou Touré, Aminata, candidate indépendante aux élections locales dans la commune de Kaloum, a accordé cette semaine une interview exclusive à notre rédaction. Un entretien au cours duquel, elle s’est largement penchée sur son programme de société, sa candidature dans la commune de Kaloum et tant d’autres sujets brûlants de la société.
Justinmorel.info : Nous sommes dans la fièvre des élections locales. Quels sentiments personnels ?
Aminata Touré : Depuis plus d’une décennie, il n’y a pas eu d’élections communales en Guinée. Je pense que c’est vraiment salutaire, parce que cette élection est la première expression réelle des populations à la base.
Justinmorel.info : Quel est votre programme de société, en candidate indépendante pour la commune de Kaloum ?
Aminata Touré : En tant que candidate, j’ai des ambitions. Et, elles sont légitimes et je suis une femme de Kaloum. J’ai passé mon enfance à Kaloum entre Boulbinet où était le siège de la présidence de la République et Manquépas. C’est là où se trouvait la concession de mon grand-père, où j’avais ma grand-mère. Je passais les week-ends là-bas. Donc, je pense que Kaloum de cette époque, et Kaloum de maintenant c’est très très différent. Ma première ambition, c’est de lutter contre l’insalubrité parce que je me rappelle à l’époque les contrôleurs passaient dans les concessions pour voir, s’il y a des eaux usées. Aujourd’hui, les gens ont du mal à traverser Kaloum à cause de la dégradation poussée dans la commune, et les eaux usées sont un peu partout. La santé des populations de Kaloum n’est pas protégée.
Justinmorel.info : Quelle est votre stratégie politique pour pouvoir remporter ces élections… ?
Aminata Touré : Ma stratégie politique, c’est d’aller vers les populations à la base pour les écouter, parce que la priorité de cela, c’est un vote citoyen. Il faut se rapprocher des communautés à la base les écouter et essayer de résoudre leurs problèmes. En ce sens que, tant le panier de la ménagère ne ressent pas un changement, on ne peut pas parler de développement. Donc, c’est la chose la plus importante et pour cela, il faut aller à la rencontre de ces populations.
Un jour, je me souviens avoir vu mon père envoyer son chauffeur, un matin au marché, en lui remettant de l’argent. Il lui a dit de lui acheter 10 Sylis de piments, 15 Sylis de gombos et d’autres choses. Il a juste fait cela pour savoir à combien les populations pouvaient avoir accès aux denrées de première nécessité. En effet, c’est très important de connaitre les difficultés auxquelles sont confrontées les populations. Et je pense que, c’est ça la solution.
Justinmorel.info : Si vous êtes élue maire de Kaloum, quelles seront vos priorités ?
Aminata Touré : La première chose qu’on va faire, c’est de créer un centre d’écoute oInterview ù des gens seront là pour écouter les populations en détresse, parce que les populations de Kaloum sont vraiment en détresse. Nous avons des mères de famille et des jeunes qui ne travaillent pas. C’est très regrettable de voir des citoyens à 10 heures du matin dans les cafés, ou qui sont en train de jouer au PMU! Je pense que la priorité d’abord, c’est de se rapprocher de ces jeunes et de savoir comment les aider, comment trouver de l’emploi pour eux. Parmi ces jeunes, il y a beaucoup qui sont diplômés mais qui sont au chômage. Ensuite, il y a des jeunes qui ne sont réellement pas du tout formés et qui n’ont aucune base.
Il faudra créer de grands centres d’ateliers bien équipés, où nous formerons des maçons qualifiés, des électriciens, des plombiers pour les mettre sur le marchés de l’emploi, parce que vous n’êtes pas sans savoir que toutes ces grandes sociétés ont leurs bases à Kaloum y compris ma société. Ces sociétés ont des projets, nous pouvons en formant ces jeunes leur dire que nous les mettons à leur disposition qu’on les a formés dans différents métiers. Et là, si on le fait avec 10, 15 jusqu’à 20 sociétés, je pense que nous trouver ons assez d’emplois pour les jeunes de Kaloum.
En ce qui concerne les femmes, vous savez qu’elles sont braves et courageuses. Ce sont elles que vous voyez se lever à 4 heures du matin, pour les marchés, pour chercher de quoi nourrir la famille. Ce qu’il faut pour ces femmes, c’est les organiser et essayer de les aider à évoluer. Conséquemment, il faut être à leur écoute. Quand vous n’êtes pas à l’écoute, vous ne saurez pas les problèmes réels de ces populations.
Et tous ces véhicules garés n’importe comment dans la ville? Il faut penser a construire des garages, des parkings géants où on pourrait parquer au moins 500 à 1000 véhicules. A partir de là, il faudrait également avoir un petit réseau de transports légers pour ces jeunes de Kaloum dans le but de transporter les gens vers leurs boulots.
Ensuite, nous avons besoins des marchés, vous avez vu l’état du marché de Yenguema, ce n’est pas un marché, il est insalubre. Il faut remédier à cela. Il faut changer les conditions de vie des populations de Kaloum.
Justinmorel.info : Certains observateurs politiques disent que vous êtes la candidate favorite du RPG au niveau de cette commune, qu’en dite-vous ?
Aminata Touré : Si cela était faisable, je serais sur la liste du RPG-Arc-en-ciel. Je veux que vous sachiez une chose: moi je suis née PDG, je mourrai PDG, je ne peux être autre chose que PDG. Cela doit être clair pour tout le monde. Pour les communales, je vais comme candidate indépendante, parce qu’encore une fois, je veux être à l’écoute des populations. Indépendamment de toute autre influence, avec les vrais gens. Pour être à l’écoute des populations, il faut fédérer les gens. Et, j’ai envie de fédérer tout le monde. Sans exception, hommes, femmes, sans distinction de religion, sans question de parti. Je veux fédérer toutes les populations de Kaloum. Que d’abord les populations de Kaloum se regardent, qu’elles s’asseyent et se parlent… C’est comme ça qu’on va résoudre le problème.
Justinmorel.info : Les défis à relever ne manquent pas…
Aminata Touré : C’est un challenge pour être à la mairie de Kaloum, parce que changer Kaloum, c’est vraiment un gros challenge et c’est ce challenge que je me propose de gagner. Je travaille et j’ai des occupations intéressantes, mais je me dis que j’ai un devoir vis-à-vis de Kaloum, et ce devoir, je l’exprime en plusieurs points. Mon père était de Faranah, c’est vrai mais il a été fait par Kaloum. Il a été reçu, façonné et soutenu par Kaloum. C’est une reconnaissance que nous avons vis-à-vis des populations de Kaloum. Le moins qu’on puisse faire, c’est de rembourser un centime de ce que Kaloum nous a donné. Ensuite, j’ai ma mère qui est insulaire et mon grand-père était à Manquépas. Toute ma famille est là. Je dois doublement à Kaloum et de mon père et de ma mère. Tout ce qui a été fait, la base du PDG par exemple, se trouvait à Kaloum. C’est à Kondébounyi que les premières réunions se sont tenues. Moi, je crois que j’ai un devoir sacré vis-à-vis de Kaloum. Et aujourd’hui, c’est avec beaucoup d’engagement que je me lance dans ce combat.
Justinmorel.info : Le 59ème anniversaire de l’indépendance de la Guinée devrait normalement de se fêter les 2 octobres 2017 à Kankan mais, finalement a été célébrée le 13 janvier 2018. Qu’en dites-vous ?
Aminata Touré : C’est tout à fait normal de fêter l’indépendance d’un pays. Mais ça serait encore mieux de fêter les indépendances aux dates symboliques, c’est-à-dire le 28 septembre et le 2 octobre. Ces deux dates sont très symboliques pour notre pays, car nous avons été le premier pays francophone en Afrique de l’ouest, à conquérir notre indépendance. C’est grâce à la Guinée que le joug colonial a été complètement terrassé. Ce sont des dates fortes que nous devrons respecter. Alors, fêter à Kankan, la plaque tournante, c’est une très bonne chose, qui permet d’aller vers les régions et de les développer à tour de rôle. C’est une idée géniale et salutaire.
Justinmorel.info : Dans une interview à journaliste de la place, votre frère Mohamed Touré disait qu’il va saisir les tribunaux compétents pour que les Cases Belle-Vue vous reviennent. Partagez-vous cet avis ?
Aminata Touré : Oui, je pense que confisquer les Cases Belle-vue, ce n’est pas normal. Je ne sais pas comment l’interpréter parce que le président Ahmed Sékou Touré n’a jamais jamais touché aux derniers publics. Nous avons été élevés dans un sens où Il nous disait toujours que le Vermicel n’a pas de poche. Le jour que je mourrai, on me mettrait dans la percale et je ne laisserai rien. Il m’a toujours dit, vous allez avoir mal, vous allez souffrir parce que je ne laisse rien. Vous serez obligés de vous battre pour trouver votre propre vie. Donc, vous souffrirez mais vous ne baisserez jamais la tête, parce qu’on ne vous dira jamais que le président Ahmed Sékou Touré a touché à un franc de l’Etat guinéen.
Une manière de vous dire que les Cases de Belle-vue sont un bien du président Ahmed Sékou Touré qu’il a acquise des années avant l’indépendance. Même la concession de Coleyah, mon père l’a construite avant l’indépendance. Et, il n’a jamais voulu que l’Etat intervienne, il prenait des sociétés privées pour construire et pour investir quand il devait investir dans ces locaux. Il a dit dans son intervention, quand il rentrait avec le journaliste d’Antenne 2 aux Cases de Belle-vue, il lui a dit: » Maintenant nous rentrons dans ma demeure privée ».
Si vous prenez la résidence notre ambassadeur au Maroc, c’est offert par le président Ahmed Sékou Touré. Tout ce qui appartenait à l’Etat, il ne le touchait pas. Même ce qui lui appartenait, il le mettait à la disposition de l’Etat. Mais, il a dit en 1982, « Maintenant nous arrivons dans ma résidence privée ». Ce qui veut dire que la Case de Belle-vue, c’est sa résidence.
A présent, c’est au peuple de Guinée de juger parce qu’on voit des personnes qui ont amassé des milliards en un an, deux ans; et nous voyons un homme qui s’est sacrifié, qui n’a rien laissé à sa famille, qui a eu des biens avant l’indépendance et des biens obtenus avant l’indépendance sont saisis. En réalité, nous laissons le jugement au peuple de Guinée.
Interview réalisée par Léon KOLIE pour JMI
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