Célébrée cette année sous le thème “le droit à la santé”, la Journée mondiale contre le Sida est l’occasion pour tous les acteurs impliqués dans la lutte de faire un point sur les avancées et reculs enregistrés en la matière. Ce moment est aussi mis à profit pour mettre en avant ceux qui, chaque jour, se battent pour que les personnes atteintes du VIH vivent en bonne santé et pour que la transmission du virus soit circonscrite dans un avenir proche.
À l’occasion de cette Journée, nous nous sommes rendus au Centre Médical Communal (CMC) de Matam qui abrite l’un des 641 sites de Prévention de la Transmission du VIH de la Mère à l’Enfant (PTME ) que compte le pays. Au CMC de Matam, 8 974 femmes ont été consultées de janvier 2016 à octobre 2017 lors de leur grossesse. 8 471 femmes soit 94% ont été testés, parmi elles, 386 testées positives au VIH. Elles ont été effectivement mises sous médicaments antirétroviraux (ARV) et suivies dans le cadre de la PTME.
Mme Sogbè Sakouvogui est la sage-femme en charge de ce programme. Entourée de ses collègues, elle nous explique son travail quotidien « Chaque jour, nous organisons des séances de causerie éducative pendant lesquelles nous déroulons une boîte à image qui nous sert à expliquer comment le VIH se transmet et comment s’en prémunir. C’est la première activité de la journée à l’attention non seulement des femmes venues pour les consultations, mais aussi des hommes, car tout le monde est concerné ».
Lors des discussions de groupe, l’accent est mis sur la transmission dite verticale du VIH, c’est-à-dire la transmission de la mère à l’enfant : « Nous faisons comprendre aux futures mères que lorsqu’une femme est positive au VIH, si elle n’est pas dépistée et prise en charge par les antirétroviraux (ARV), elle peut facilement transmettre le VIH à son enfant à trois périodes : pendant la grossesse, au cours de l’accouchement et pendant l’allaitement maternel ».
Au CMC de Matam, les femmes acceptent le dépistage initial dans leur grande majorité et ce dès la première consultation. Mme Sakouvogui poursuit : « Si le premier test s’avère être positif, nous procédons à un deuxième test pour confirmer le diagnostic. Cela fait, nous déclenchons immédiatement la prise en charge complète et gratuite à travers le counseling et la mise à disposition des ARV. »
« Je mets l’accent sur l’importance du counseling, car il permet de ne pas avoir des perdus de vue ou des abandons de traitement. À travers cela, la femme comprend que le VIH n’est pas une condamnation à mort, comme on le pensait avant. Avec les traitements, une personne atteinte de VIH peut vivre une vie normale pendant de longues années », dira-t-elle. C’est en effet lors des séances personnelles de counseling que les femmes comprennent qu’en se dépistant et en suivant le traitement très tôt, tout devient plus facile, car leur système immunitaire n’est pas affaibli.
Dans la majorité des cas, elle note qu’il n’est pas difficile de convaincre les femmes confirmées positives d’adhérer au traitement avec les ARV et d’inscrire leur nouveau-né au programme de suivi PTME : « vous savez, aucune mère ne souhaite voir son enfant malade. Même si de son côté elle est déjà infectée, son vœu le plus ardent est que son enfant soit en bonne santé. C’est pourquoi les femmes séropositives ne posent aucun problème pour être suivies, ne serait-ce que pour le bien de l’enfant qu’elles portent ».
Engagée depuis plusieurs années dans la lutte pour que les mères séropositives donnent naissance à des enfants non infectés par le VIH en Guinée, Mme Sakouvogui est confiante : « Ce programme de la PTME est primordial. Il doit être renforcé à travers tout le pays pour sauver des vies. Je peux personnellement témoigner de ses bienfaits pour la population et j’ai pu observer que le nombre d’enfants contaminés ne fait que régresser ces dernières années. De janvier 2016 à octobre 2017, 225 enfants nés de mères séropositives ont été testés négatifs, et ces chiffres s’améliorent considérablement d’une année à l’autre. J’ai vécu des moments poignants avec les mères qui pleurent de joie à l’annonce que leurs enfants sont indemnes. Je tiens particulièrement à rendre hommage à un partenaire clé dans cette lutte, MSF Belgique, car sans eux, nous n’aurions pas atteint ces résultats.
En matière de dépistage volontaire, Mme Sakouvogui a observé une évolution ces dernières années, sans doute la conséquence d’un changement d’approche: « nous avions constaté beaucoup de réticence au dépistage par le passé, car l’accent était souvent mis sur la transmission du VIH par voie sexuelle. Lors des causeries quotidiennes, nous mettons à présent l’accent sur la transmission par objets tranchants par exemple, et nous avons constaté que cela encourage les gens à accepter de se faire dépister, car cela leur enlève une certaine gêne due au poids de nos cultures ».
Malgré ces avancées notables, d’importants défis demeurent. En effet, selon le rapport de la revue du cadre stratégique national de lutte contre le Sida 2013–2017, la couverture préventive chez les enfants nés de mères séropositives reste encore faible à 36%. Pour l’UNICEF, les efforts pour atteindre le niveau de zéro transmission du VIH de la mère à l’enfant doivent être accélérés.
« Il est inacceptable qu’autant d’enfants continuent de mourir du Sida », a déclaré Dr Chewe Luo, Cheffe de la section VIH/Sida au sein de l’UNICEF, dans un communiqué publié à l’occasion de la Journée mondiale contre le Sida. Elle ajoute que « l’épidémie du Sida est loin d’être terminée et menace encore et toujours la vie d’enfants et de jeunes. Des actions supplémentaires doivent absolument être entreprises pour éviter ce fléau. »
En Guinée, l’UNICEF intervient avec l’appui du Fonds Mondial sous le leadership du ministère de la Santé, pour tenir la promesse d’une génération libérée du Sida. La vision de l’UNICEF pour une génération sans Sida est que tous les enfants et leurs familles soient protégés contre l’infection par le VIH et qu’ils jouissent pleinement de leur droit à la santé.
Kadijah Diallo, UNICEF Guinée