Le 22 décembre 2008, l’opinion publique nationale et internationale apprend sur le petit écran la disparition du président Lansana Conté. Selon la version officielle, le chef de l’Etat guinéen est décédé à 18h45 à sa résidence du camp Samory Touré. Avec le magazine Matalana, revivons les dernières heures du général président, qui contre vents et marées s’accrocha au pouvoir jusqu’à la mort.
Lundi 22 décembre 2008, 10 heures, camp Samory Touré, résidence officielle du président Lansana Conté. En cette matinée où d’ordinaire la chaleur est insupportable à Conakry, malgré le début de l’harmattan, la température est cependant relativement acceptable. Le commandant Cheick Tidiane Camara, directeur du bureau des investigations de la présidence, est depuis tôt le matin au camp Samory Touré, appelé également le Bataillon du quartier général de l’Armée (BQG).
Cheick Tidiane Camara a annulé tous ses rendez-vous du jour, chose inhabituelle chez cet officier connu pour sa rigueur et son exactitude. En réalité, une rencontre au sommet regroupe ce jour-là quelques officiers supérieurs de l’armée et membres de la garde présidentielle sous l’égide du chef d’état-major de l’armée, le général Diarra Camara, un des grands instructeurs de l’armée, nommé à ce poste il y a plus d’un an suite à la mutinerie d’avril 2007. Même si l’ordre du jour ne mentionne pas expressément la maladie du général Lansana Conté, les inquiétudes sur les visages sont révélatrices de la situation alarmante que vit le pays.
Depuis deux semaines déjà, vu l’état dégradé de la santé du chef de l’Etat, l’armée est en alerte maximum. Depuis deux semaines également, des rumeurs de plus en plus folles circulent, annonçant le décès du président de la République. Les démentis du ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement et du dernier conseil des ministres du gouvernement Ahmed Tidiane Souaré, n’ont fait que renforcer la rumeur, s’ils ne l’ont pas confirmé de manière maladroite.
Toujours est-il que ce 22 décembre 2008, selon la version officielle, le deuxième président de la Guinée-arrivé au pouvoir le 3 avril 1984 – rend l’âme à 18H45 à sa résidence du camp Samory Touré. Quand il constate que son illustre patient a cessé de respirer, le médecin de Lansana Conté, le professeur Amara Cissé, ancien ministre de la Santé, fait sortir la Première Dame Henriette Conté de la chambre, déshabille le général et lui administre deux électrochocs pour faire redémarrer le cœur. En vain. Le professeur Amara Cissé, réalisant alors que c’est fini, rhabille le président et rassure la Première dame en lui déclarant que son époux est en train de dormir et lui conseille de ne pas le déranger dans son sommeil, alors, qu’en réalité, celui-ci est devenu éternel.
Enseignant et également ancien député, le médecin personnel du chef de l’Etat réserve la primeur de l’annonce du décès de Lansana Conté au président de l’Assemblée nationale, au domicile duquel il se rend immédiatement au quartier Petit Simbaya, dans la banlieue de Conakry, pour annoncer la triste nouvelle en le prévenant qu’il était, en cet instant précis, le seul Guinéen à être au courant du décès ; que ni la Première dame ni aucun membre de la famille Conté ne le savait encore.
C’EST VERS 2 HEURES DU MATIN QUE LA RTG ANNONCE OFFICIELLEMENT LE DECES DU PRESIDENT LANSANA CONTE AUX GUINEENS.
Amara Cissé revient ensuite sur ses pas pour enfin informer Henriette Conté de la mort de son époux. Ensemble, le médecin et la Première dame joignent le président de l’Assemblée nationale et « l’informent officiellement ». Aboubacar Somparé tente alors de réunir au palais du peuple, siège de l’Assemblée, ses collaborateurs directs et les responsables des institutions républicaines, ainsi que des officiers généraux. Le président de la Cour suprême, Maître Lamine Sidimé, est injoignable, et il faut le rechercher aux résidences de ses deux épouses.
Tout ce monde regroupé, il n’est pas facile de s’accorder sur la modalité de la communication. Après moult discussions et tractations, il est décidé que les premiers responsables des trois pouvoirs et la haute hiérarchie militaire s’adresseront aux populations et à la troupe. Ainsi, le président de l’Assemblée annonce le décès et demande à la Cour Suprême de constater la vacance du pouvoir ; le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré, et le chef d’état-major général des armées se prononcent en faveur de la légalité constitutionnelle.
Mais, contre toute attente, le président de la Cour Suprême, Me Lamine Sidimé, s’abstient de constater la vacance du pouvoir. La télévision qui ferme son antenne d’ordinaire à minuit, prolonge son programme. C’est aux environs de 2 heures du matin que les trois personnalités précitées informent les Guinéens de ce qu’ils savent déjà. En compagnie d’Ahmed Tidiane Souaré, de Me Lamine Sidimé et du général Diarra Camara, Aboubacar Somparé annonce le décès du président de la République. Il demande au président de la Cour Suprême de constater la vacance du pouvoir et de prendre ses responsabilités. Ceci, conformément à l’article 34 de la constitution qui stipule que : « En cas de vacance de la fonction de président de la République ou à la démission du président de la République ou à toute autre cause d’empêchement définitif, la suppléance est assurée par le président de l’Assemblée nationale ou, en cas d’empêchement de celui-ci par l’un des vice-présidents de l’Assemblée nationale par ordre de préséance. La vacance est constatée par la Cour suprême, saisie par le président de l’Assemblée nationale ou, en cas d’empêchement de celui-ci par l’un des vice-présidents. La durée de la suppléance est de soixante jours. Le scrutin pour l’élection du président de la République a lieu sauf cas de force majeur constaté par la Cour suprême, trente jours au moins et cinquante jours au plus après l’ouverture de la vacance »
Si la version officielle parle d’un décès constaté le 22 décembre 2008, à 18h45, beaucoup pensent que le décès est intervenu avant cette heure et certains même qu’il date du vendredi 19 décembre 2008. Toujours est-il que l’armée dans son ensemble apprend le décès de Lansana Conté aux environs de 21heures, ce lundi 22 décembre 2008. Dès 22 heures, de jeunes officiers, sous la direction du capitaine Moussa Dadis Camara, inconnu jusque- là du grand public, et du capitaine Kèlètigui Faro Traoré, décident de passer à l’acte.
Extraits de Matalana N°17 de janvier-février 2009