Beaucoup de monde s’inquiète de la disparition des gorilles, des baleines ou des ours blancs : ils sont connus, ils sont les héros de nos dessins animés, on parle d’eux souvent.
Au contraire, les insectes ne nous plaisent pas et on en perçoit surtout leurs aspects négatifs : piqûres de moustiques ou invasion de fourmis dans la maison ou sur la table de pique-nique.
Pourtant, si on a la chance de visiter une région où les insecticides sont peu utilisés, on est frappés par l’abondance des insectes, mais aussi des hirondelles et des lézards par exemple.
Des études alarmantes
Dans des régions où on a pu mesurer, année après année, l’abondance des insectes, la baisse des populations est frappante : par exemple, une étude en Allemagne dans les zones protégées (réserves naturelles, parcs nationaux) montre que la biomasse d’insectes (si l’on pèse tous les insectes du milieu) a diminué de 75 % ces dernières années, et cela malgré les actions de protection, ce qui prouve que leur nombre a aussi beaucoup diminué.
Une autre étude met en évidence que 55 % des pollinisateurs (abeilles (y compris les bourdons), syrphes (pollinisateurs de la famille des mouches), papillons) ont disparu de Grande-Bretagne depuis 1980, et 50 % des insectes volants des lacs américains depuis le début des années 2000.
Il est difficile d’évaluer exactement la diminution des populations, car pour le faire il faudrait que quelqu’un, autrefois, ait évalué les populations de toutes les espèces d’insectes dans une zone pour pouvoir comparer à ce que nous avons aujourd’hui dans la même zone. Cela n’a été fait que dans quelques zones particulières, comme certaines réserves naturelles. Et c’est surtout maintenant, depuis qu’on sait que les insectes disparaissent, qu’on commence à évaluer leurs populations. De plus, comme ils sont souvent très petits, et en grande partie cachés dans leur environnement pour éviter leurs prédateurs, il est difficile de les comptabiliser. C’est pourquoi nous savons que beaucoup d’espèces sont en train de disparaître, mais nous ne savons pas exactement à quelle vitesse.
De plus, même si des milliers d’espèces d’insectes sont en voie de disparition, quelques-uns au contraire prolifèrent et nous causent de nombreux problèmes, comme les chenilles processionnaires responsables de nombreuses allergies ou le moustique tigre qui se répand vers le nord de la France depuis quelques années.
Les pratiques humaines en cause
Par contre, les chercheurs ont pu identifier les causes majeures de la disparition des insectes, avec tout d’abord la disparition de leurs habitats, par exemple en France, les zones humides ou les prairies naturelles qui ont été remplacées par la construction de routes, de villes ou de zones industrielles et commerciales. De la même façon, les milieux naturels ont aussi été remplacés par les zones agricoles intensives, que ce soit de grandes cultures ou de serres. Ces zones agricoles se sont beaucoup transformées depuis les années 1960, passant de petits champs séparés par des haies, avec une alternance de pâtures, de cultures et de vergers, à une spécialisation très forte des régions.
Par exemple la Beauce, au sud et à l’ouest de Paris, est dénommée « le grenier à grains » de la France et comporte des champs de céréales immenses, avec un nombre très réduit de haies. De plus, dans ces cultures intensives, toutes les plantes sauvages sont détruites par de grandes quantités d’herbicides, et les insectes qui se nourrissent de ces cultures sont détruits par des épandages intensifs d’insecticides qui les tuent, mais qui tuent aussi toutes les autres espèces d’insectes de l’environnement.
Pourtant, seulement 1 % des espèces d’insectes s’attaquent aux plantes que nous cultivons. Ce qui laisse 99 % d’espèces d’insectes indispensables à la vie sur terre, grâce aux très nombreux services qu’elles rendent. Les 75 % des plantes que nous mangeons dépendent des insectes pollinisateurs que sont les nombreuses espèces d’abeilles (1 000 espèces en France), les papillons, les syrphes, les mouches…
Sans pollinisateurs, plus de fraises, ni de pommes, ni d’oignons, ni d’amandes, ni de pêches, ni de poires, ni de noix, ni d’oranges, ni de café, ni de piment, ni de chocolat et bien sûr plus de miel, ni de confitures… Beaucoup de légumes disparaitraient aussi, entraînant un changement de régime alimentaire des êtres humains, qui seraient limités aux plantes pollinisées par le vent, comme les céréales. Un régime alimentaire si peu diversifié augmente les cas de cancers, de diabète et de maladies cardio-vasculaires, qui sont déjà en forte augmentation.
Sans insectes, tous les organismes qui meurent (plantes, animaux) ne seraient pas décomposés. Ce qui entrainerait une diminution de la fertilité des sols, et donc l’impossibilité de cultiver nos ressources alimentaires. Sans insectes, il n’y aurait plus d’oiseaux, plus de chauves-souris, qui nous aident à réguler les espèces qui peuvent nous nuire, comme les moustiques. Sans insectes, les déjections des animaux ne seraient pas incorporées au sol, et pollueraient les cours d’eau, disséminant les maladies.
Il est donc urgent de protéger les insectes, qui subissent aussi le changement climatique. Pour les protéger, il faut enrichir l’environnement en biodiversité végétale, et en particulier remplacer les pelouses par des massifs de fleurs comportant de nombreuses espèces, permettant ainsi à beaucoup d’insectes de se nourrir, et ensuite de servir de nourriture à d’autres insectes comme les coccinelles ou les libellules, à des oiseaux ou à des mammifères comme les musaraignes.