Décédé le 27 mai dernier, le Professeur Lansinè Kaba avait publié aux Editions Présence Africaine, en mars 1995, l’ouvrage ‘’ Lettre à un ami sur la politique et le bon usage du pouvoir ‘’. Vingt-huit ans après, et au regard de la situation actuelle de notre pays, cette publication est vivement recommandée à nos leaders politiques d’aujourd’hui et de demain….
Pour moi, le pouvoir désigne le fond véritable de la politique. Qui entre en politique ambitionne d’exercer le pouvoir d’une manière ou d’une autre. La bonne politique ne se confond pas avec l’ambition démesurée qui encourage certains politiciens à la violence et à l’emploi des méthodes illégales. En philosophie politique, le pouvoir se distingue de l’usage (même officiel) de la force.
On ne doit en principe parler du pouvoir que quand et là où une volonté commune est régie par un lien institutionnel reconnu. Dans sa relecture des travaux de Hannah Arendt, Paul Ricoeur a raison de dire que « le pouvoir n’existe que quand les hommes agissent ensemble ». Ceci revient à affirmer que la politique touche au fondement même de l’existence humaine. En effet, la vie sociale n’a de sens véritable que dans les relations entre les personnes. Vivre, c’est vivre avec les autres ; et le pouvoir se fonde sur cette unité. L’organisation du pouvoir et de l’autorité se rattache, dans une grande mesure, à la nature même de la domination de l’homme sur l’homme.
Dans le langage commun, comme en politique, pouvoir et domination se confondent bien souvent. La démocratie résout la confusion en substituant la volonté du peuple à la domination du chef sur ses concitoyens, par le truchement du choix électoral libre et transparent. C’est cette volonté populaire qui autorise l’emploi légitime de la force.
Les règles politiques sont acceptées en démocratie, mais elles sont imposées en tyrannie. Mieux, la démocratie fait appel au jugement du peuple, tandis que la tyrannie s’identifie à la volonté d’un seul être. La concertation et le consensus entre les égaux instituent et légitiment le pouvoir démocratique et, par conséquent, l’usage de la force par les autorités. Ainsi, le pouvoir devient synonyme de l’expression de l’action politique collective au lieu d’être celle d’un seul homme.
Le pouvoir procède de la décision et de la capacité d’agir collectivement, et pour l’intérêt collectif. C’est pourquoi les régimes militaires, à la différence des régimes démocratiques, manquent de légitimité. Quelles que soient leurs justifications (et celles-ci ne manquent pas), les régimes militaires naissent toujours de la conspiration d’une minorité de citoyens en uniforme quelques fois aidés par des civils. L’esprit de conjuration est une négation flagrante du principe de l’ouverture démocratique de la politique.
Comme son nom l’indique, le coup d’Etat est un coup fatal assené à l’ordre politique établi. Le pouvoir prétorien est toujours illégal. Ceci dit, il convient de rappeler que l’armée, en tant qu’institution nationale loyale, est appelée à jouer un rôle capital non seulement dans la défense, mais aussi dans la politique générale de développement et de construction de la nation.
C’est pourquoi les soldats doivent avoir un sens absolu de la loyauté au gouvernement des civils et à la constitution. En vertu de leur serment de servir la nation et d’en respecter les lois, ils font partie des premiers défenseurs du principe démocratique. Sans les forces de l’ordre et de sécurité, la démocratie ne saurait pas se développer ni s’épanouir. A proprement parler, l’armée ne peut pas adopter la neutralité face à la politique, puisque sa mission consiste à défendre l’ordre social et l’intégrité territoriale du pays. L’armée ne prend pas position dans les querelles partisanes, mais s’oppose à la violence et à tout ce qui incite à la guerre civile.
Thierno Saïdou DIAKITE pour JMI
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