Voici l’image d’une brave femme qui pleure. Elle pleure parce que sa plantation d’ananas est ravagée par un incendie d’origine inconnue.
Je ne la connais pas. Ses larmes me font mal. Très mal.
Débutante dans le noble travail de la terre, elle voit ses investissements, ses efforts et son légitime espoir partis en fumée, par la maladresse ou la volonté d’inconnus. J’en souffre.
Avant elle, j’ai subi et je subis encore la même chose. Pour moi, c’est pire.
Depuis 22 ans que j’investis, des imbéciles ont attendu la 7ème année, début des récoltes de ma prometteuse plantation, pour imprimer un cycle biennal d’incendie à mon labeur.
Depuis 2009, le trimestre mars-avril-mai est quasiment devenu un trimestre de sinistre, de désolation. Un an sur deux, les plantes (à peine renaissantes) sont ravagées par des flammes d’une origine toujours inconnue. J’en souffre. Mais, j’y suis habitué. Je souffre davantage pour le cas de cette dynamique dame qui est à ses débuts.
Le monde rural guinéen était autrefois gardien des vertus d’hospitalité, de solidarité et d’assistance; aujourd’hui, des fainéants et des activistes qui peuplent le monde rural sont devenus les fossoyeurs de notre économie agricole. Pourtant, le développement de la Guinée passera absolument par une économie agricole, avec des pionniers comme cette brave dame.
Au moment où les cadres et les citadins commencent à se tourner vers la terre pour apporter leurs pierres à l’édifice, c’est ce moment que choisissent des individus et des lobbies pour ramener au plus bas niveau, les créateurs de richesses et d’emplois, dans un environnement d’absolue précarité.
Celui qui incendie les exploitations agricoles est le premier ennemi de la promotion de l’agriculture et de l’agro-industrie dans un pays qui en a tant besoin.
Où sont l’Etat central, ses structures déconcentrées, les structures décentralisées, les services de sécurité, l’appareil judiciaire et la chambre d’agriculture ?
Doit-on abandonner les exploitants agricoles dans les mains des bandits ?
Le développement de la Guinée ne doit pas être un slogan.
Les initiatives doivent être encouragées et soutenues par la puissance publique.
Les larmes de cette dame appellent mes larmes et interpellent l’Etat à tous les niveaux.
Ibrahima Jair KEITA pour JMI