Pour évoquer le souvenir du chanteur, interprète et compositeur Djély Fodé Dioubaté du Horoya Band National et de l’Ensemble instrumental et vocal national, j’ai compulsé la série de portraits d’artistes de l’écrivain, journaliste et homme de culture Justin Morel Junior. On peut y lire entre autres ce qui suit:
La mort est certes une chose fatale, mais quand elle aussi brutale et frise même le banal, le cœur humain ne peut s’empêcher pleurer. Voici les circonstances.
Nous sommes mardi 30 juin, Fodé Dioubaté dit Petit Fodé, aux environs de 19 h, sur sa moto 250 cc entre en collision avec une petite Simson de 50cc.
Le choc est violent pour Fodé. Il est atteint à la tête. Transporté à l’hôpital Donka les premiers soins sont immédiats. Toute la nuit de grands médecins resteront à son chevet.
Le destin est souvent impitoyable. Mais qu’on sache, la mort à toujours à un argument. Petit ou grand. Bête ou intelligent. Aussi n’allons-nous pas épiloguer sur le drame de cette mort terrible qui a frappé le monde des artistes et des mélomanes en la personne de petit Fodé, Directeur Général de l’ensemble Instrumental et choral de la Radio Télévision Guinéenne.
Si la force de l’œuvre est de survivre à son créateur, l’on peut affirmer à raison que Fodé Dioubaté est immortel. Sa riche discographie avec le Horoya Band National et l’énorme bandothèque inédite qu’il nous a laissées attestent à suffisance de la créativité de l’artiste défunt.
UNE ENFANCE STUDIEUSE
Fodé Dioubaté était un artiste profondément militant qui ne s’est séparé jamais de ses racines traditionnelles. Il naît en 1942 à Kankan de Fanta Kouyaté et de Dyéli Sory Dioubaté, deux grands artistes qui très tôt l’initieront à la technique instrumentale puis à l’art de la parole. Mais soucieux également de son ouverture au monde, ses parents l’inscrivent à l’école régionale de Kankan en 1949.
Fodé étudiera tout son cycle primaire. La vocation artistique est forte en lui et le désir d’aider au plus tôt ses parents triomphe.
En 1961, il est agent du Comptoir Guinéen du Commerce Intérieur de Faranah. C’est là que loin du tout  »regard inquisiteur » que tout va se jouer.
PETIT FODE SE DECOUVRE AU PUBLIC
Fodé parallèlement à ses activités professionnelles pratique la batterie au sein de l’orchestre fédéral. Tant bien que mal, il combine ses chansons en s’inspirant des percussions traditionnelles qu’il a maintes fois entendues crépiter au village.
En 1962, il est muté à Dabola. Ce sera pour lui la ville de l’audace. Il passe de la batterie à la trompette. Désormais plus rien n’arrête son enthousiasme.
Un jour que le Kebendo-Jazz était en tournée en Dabola, excité par l’ambiance que créait merveilleusement l’orchestre déchaîné, Fodé décide spontanément de venir au micro. C’est l’étonnement. Des applaudissements saluent ses improvisations. Il est aux nues. L’audace à payé.
FODE DIOUBATE ET LE HOROYA-BAND DE KANKAN
Depuis ce jour, il sera trompettiste-chanteur. Quelques fois même, il s’essaie au saxo alto et ça va.
En 1963 Fodé sur les conseils de son frère Djelimandian Dioubaté, il rejoint l’Ecole nationale des Sports à Conakry pour se perfectionner. Profitant de son séjour à Conakry, a ses heures libres, Fodé offre ses services à l’orchestre Balla et ses Balladins en qualité de guitare médium. Ce sera une expérience extraordinaire pour lui, les doyens de la musique lui enseignent la tempérance et l’amour du travail bien fait.
Après ses trois années d’études secondaires à Conakry, Fodé est maître des Sports. Il est muté à Kankan auprès des siens. Guitariste soliste, un temps, il abandonne cet instrument à Balaka Sandaly pour se consacrer désormais uniquement au chant. Les succès ne tardent pas ! Takoulata, Woussè, Ni Baritila etc…
Le Horoya Band de Kankan brigue trois fois le titre national et le gagne en 1971. C’est la marque d’une consécration que l’orchestre ne démentira jamais. De grands concerts musicaux jalonnent la route du succès : Boloba, Tunya, Agression etc…
PETIT FODE, DIRECTEUR DE L’ENSEMBLE INSTRUMENTAL ET
CHORAL DE LA RTG
Des thèmes populaires traitant de la vie, de l’amour ou de la mort aux thèmes patriotiques exhortant au sacrifice sublime pour la victoire de la liberté, rien n’échappe à l’inspiration de Fodé.
C’est ainsi qu’en 1977 pour célébrer le triplé du Hafia Football Club, il compose et chante avec des choristes de l’Ensemble de la RTG l’épopée sportive du Hafia-club.
La gloire pour lui est totale? Voilà ce qui explique qu’à la mort de la  »Voix de l’Afrique » Sory Kandia Kouyaté, on pense immédiatement à lui car il avait déjà réalisé une œuvre impérissable avec les artistes de l’Ensemble.
Devenu Directeur Général de l’ensemble en février 1978, Fodé ne confisquera jamais à son niveau exclusif les partitions solo. Il donnera à chacun sa place au soleil.
Par les récentes compositions de l’Ensemble Fodé avait convaincu les plus blasés depuis Kandia. Hélas! C’est en plein chantier de rénovation que la mort l’a frappé.
PETIT FODE EST IMMORTEL
Le drame c’est que le mort ne regrette jamais rien, mais nous qui l’avons connu et aimé avons plus de raison de regretter ce départ précipité.
L’homme meurt avec des projets. Petit Fodé, lui, rêvait de de réaliser une grande chronique chantée de l’Almamy Samory Touré dont l’héroïsme le fascinait et l’obsédait. Ce projet, nous en sommes certains sera réalisé un jour par ses pairs.
Si devant l’impuissance de l’homme face à la mort physique seule l’œuvre d’une vie bien accomplie pour lui peut assurer l’éternité, Petit Fodé est donc immortel et son exemple demeure  »un livre ouvert à la postérité ».
Ne l’oublions pas dans nos prières!
Une introduction de Thierno Saidou DIAKITE
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