Au commencement était le feu. Il y a environ 1 million d’années, l’homme domestiquait celui qui allait changer définitivement le cours de l’humanité. Et il faut se souvenir que c’est bien pour le progrès de la civilisation que Prométhée a volé le feu aux Dieux. Ce feu qui suscite de nombreux sentiments contradictoires : sécurité, danger, crainte, réconfort, douleur, espoir. Il arrive parfois que cet ami du quotidien échappe à notre contrôle. Des incendies de forêt aux incendies d’habitation, tout le monde redoute ces scénarii catastrophes. Encore davantage quand on prend l’avion ou qu’un incendie se déclare en vol. Qui n’a jamais tremblé devant un film catastrophe dans lequel un avion en feu s’écrase sur fond de musique dramatique ?

Mais pas panique ! Les ingénieurs et les chercheurs travaillent pour choisir des matériaux et concevoir des avions respectant les normes de sécurité parmi les plus exigeantes. Ainsi, les matériaux retenus pour des applications aéronautiques doivent scrupuleusement répondre à de nombreux critères : toxicité, résistance au feu, production de fumée, combustionCet article est publié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (qui aura lieu du du 1er au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 22 novembre 2021 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.

Dans le domaine aéronautique, les matériaux composites sont les plus utilisés (50 % de la masse de l’avion) car ils offrent un très bon compromis entre propriétés mécaniques (rigidité, résistance) et légèreté. Ces matériaux dits « composites » associent généralement des renforts fibreux (essentiellement des fibres de carbone comme dans les raquettes de tennis ou les vélos des coureurs du Tour de France) et une matrice (le liant ou la colle entre les fibres) polymère (aussi connue sous le nom de plastique). Le renfort confère au matériau de bonnes propriétés mécaniques tandis que la matrice permet de coller les fibres entre elles.

Un avion est constitué de différentes pièces assemblées les unes aux autres. Le choix du matériau pour ces différentes pièces dépend principalement de la zone où elles se situent. La zone moteur et les pièces attenantes sont parmi les plus critiques de l’avion. Notamment lorsque le moteur prend feu. Dans ce cas, les avions sont conçus pour que le pilote dispose de 15 petites minutes pour poser son appareil. Pendant ces 15 minutes, la flamme (issue de la combustion du carburant – le kérosène – et du plastique) ne doit pas traverser les pièces composites et la pièce doit conserver une tenue mécanique suffisante.

Illustration du couplage thermo-mécanique. Fourni par l’auteur

Pour prévenir ces conditions critiques et éviter des conséquences dramatiques potentielles, il est nécessaire d’étudier l’influence de la chaleur et d’un chargement mécanique (les forces qui s’exercent sur les différentes pièces de l’avion) pour bien comprendre leurs interactions. Imaginez ce qu’il se passe quand vous mettez un verre sur une plaque de chocolat (figure ci-dessus) et qu’elle se met à fondre… Concrètement, quand on expose une pièce composite à une flamme, la matière plastique va ramollir, fondre (se transformer en liquide) puis se pyrolyser (se transformer en gaz). Ces gaz vont alors alimenter la flamme et faciliter la propagation de l’incendie. Évidemment, la capacité de la pièce à supporter une force (le poids du moteur par exemple) va être fortement réduite. Et ce sont ces interactions qu’il faut comprendre.

Les dimensions caractéristiques des pièces composites aéronautiques varient de quelques dizaines de cm à des structures de l’ordre du mètre. La difficulté consiste alors à reproduire au mieux à l’échelle du laboratoire (à petite échelle donc) les conditions réelles d’une agression thermique combinée à un chargement mécanique. Les règles de certification (autorisation) aéronautiques définissent une température de flamme de 1150 °C et un flux thermique (la chaleur dégagée par unité de surface) d’environ 120kW/m2. Il est donc nécessaire de développer des moyens techniques spécifiques permettant de mesurer toutes les grandeurs physiques (température, force, déformation) impliquées dans les phénomènes physiques mis en jeu lors d’un incendie moteur. Dans ces conditions extrêmes, il y a quand même de bonnes nouvelles. L’humanité a acquis depuis des millénaires des connaissances et outils qui éclairent les ingénieurs et les chercheurs sur la manière de concevoir les pièces composites en aéronautique.

Banc d’essai reproduisant l’effet simultané d’une flamme et d’un chargement mécanique. Fourni par l’auteur

C’est avec cet esprit que nos laboratoires de recherche GPM (Groupe de Physique des Matériaux -) et CORIA (Complexe de Recherche Interprofessionnel en Aero-thermo-chimie –) ont mis en commun leurs compétences et conjugué leurs efforts pour développer un banc d’essais (une machine prototype dédiée à l’étude de certains phénomènes – vois ci-dessus) original dans le cadre d’un projet, baptisé Aeroflamme, financé par la région Normandie et l’Europe.

Ce banc associe un bruleur kérosène (imposant une flamme) et un vérin hydraulique (imposant une force). Il intègre également différents outils de mesure : caméra infra-rouge (mesure de température), capteur de déplacement (mesure de la déformation) et de force. Avec ce banc d’essai, il est alors possible de mieux comprendre le comportement au feu des matériaux composites et plus spécifiquement le couplage (les interactions) entre l’effet de la flamme/chaleur sur l’évolution des propriétés/comportement mécanique.

Dans ces conditions, la pièce composite résiste bien pendant 15 minutes… mais elle pourrait résister davantage. La science est à bord, bon vol !

L’utilisation de matériaux composites innovants dans les applications aéronautiques est confrontée aujourd’hui à des normes de sécurité toujours plus exigeantes auxquelles il est impératif d’apporter des réponses fiables et pertinentes. Aussi, permettre aux industriels de l’aéronautique de comprendre/prédire la tenue au feu de leurs matériaux et, in fine de leurs pièces et assemblages est primordial. Nos travaux de recherche sur les matériaux aéronautiques s’inscrivent donc dans la logique de certifier des nouveaux matériaux pour des applications dans un environnement haute-température voire lors d’un événement critique incendie. Ces matériaux sont fournis par des industriels de l’aéronautique.

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