Pourtant Mohamed Béavogui est un exemple palpable de la diversité de la société guinéenne.
Mais les adeptes de l’ethnocentrisme politique en Guinée et d’ailleurs très nombreux au sein des partis politiques ne veulent pas comprendre que l’une des raisons de la déstabilisation de la Guinée et de la chute du président Alpha Condé n’a qu’un seul nom: l’ethnicité.
Genèse
Depuis l’indépendance de la Guinée jusqu’à nos jours, le débat politique reste axé sur l’ethnocentrisme politique.
Et paradoxalement nos ethnies au lieu d’être une grande richesse se retournent contre la Guinée et les guinéens au point de constituer aujourd’hui l’un des obstacles majeurs de son développement et par conséquent empêcher la sauvegarde des acquis démocratiques.
Or, aucune démocratie ne peut fonctionner dans une société ethniciste, aucune vision d’ensemble des choses, aucune politique ne peut être entreprise, avec succès dans un tel contexte.
Les causes
Cela est dû au fait que les acteurs politiques guinéens presque sans exception ont depuis l’indépendance procédé de façon manipulative à la substitution de l’intérêt communautaire, ethniciste à l’intérêt national.
Ils font usage du favoritisme, du népotisme, du clientélisme et de l’accentuation des inégalités sociales etc… et en prétendant faussement défendre l’intérêt d’une communauté, d’une région.
Et le deuxième facteur déterminant, qui favorise l’ethnocentrisme politique, est lié au refus des acteurs politiques d’institutionnaliser le pouvoir politique et d’encourager l’enracinement d’un État néo-patrimonial.
Au fait le mythe du chef a eu en Guinée depuis le régime de Sékou Touré des conséquences très négatives sur la compréhension de la politique des guinéens.
Une situation qui fait que ceux qui gouvernent se comportent comme si le pouvoir était leur propriété personnelle, un élément de leur patrimoine qu’ils pourraient transmettre à leurs héritiers.
Au préalable, ces comportements trouvent leurs origines au sein des partis politiques respectifs et se poursuivent une fois qu’ils accèdent au pouvoir.
Et c’est pour ne pas avoir voulu comprendre les risques que comportent un tel phénomène que le tripatouillage constitutionnel de 2001, de 2020 a été rendu possible pour offrir à la Guinée des constitutions taillées sur mesure tout en défigurant carrément le sens de la constitution.
Car l’objectif était d’assurer la pérennité d’un régime à connotation ethniciste, clanique, clientéliste et rendre l’alternance au pouvoir pratiquement impossible.
À cela s’ajoute le facteur lié à la vaste plaisanterie démocratique orchestrée par la classe politique guinéenne, avec comme tendance majeure la prolifération des partis politiques inutiles à connotation clientéliste.
En Guinée les hommes politiques et les partis politiques poussent comme des champignons, chacun veut faire de la politique, même s’ils n’ont ni la capacité, ni les compétences, ni les valeurs et vertus morales pour occuper les services publics.
Ils s’y engagent quand même, puisque l’accès au service public signifie richesse garantie.
L’exemple des particules de partis politiques ayant participé au faux référendum du 22.03.20 en est un exemple illustratif.
Ce phénomène est souvent couplé avec celui d’un réel vagabondage politique dont les coupables se retrouvent acteurs au sein de plusieurs partis politiques qu’ils créent suite à des désaccords avec leurs anciens collaborateurs.
Une situation qui prouve que le système multipartite facilitant la création de ces partis politiques est mal ficelé en Guinée et favorise immanquablement la discorde sociale dans le pays avec la naissance de nombre élevé de partis politiques et des candidats qui semblent confondre les élections présidentielles aux élections de quartiers de Conakry.
En réalité, ceci exhorte assurément une politique qui ne se fait que dans le contexte régionaliste, ethniciste, clientéliste et encourage la comédie démocratique et la polarisation des divisions ethniques.
Car les partis politiques en lieu et place d’être des organisations véhiculant des idéologies, où on parle de projets de sociétés, de projets de développement de la société guinéenne; un endroit où l’on parle de l’édification d’une société démocratique, caractérisée par une culture politique élevée.
Ils deviennent plutôt des maîtres dans l’organisation de véritables calembours déguisés en alliances politiques. Celles-ci se font et se défont au gré des enjeux électoraux, juste avant leur précipitation mécanique dans une dislocation plus ou moins parfaite.
Quant aux grands partis de l’opposition, ils sont des victimes constantes des manipulations du pouvoir visant la scission au sein de leur formation politique, puisque chacun veut avoir sa part du gâteau et que la politique c’est d’abord une affaire de privilège, d’ethnie, de région, de communauté, de richesse et jamais une affaire de conviction.
Pistes de solutions
Alors, pour lutter contre ces phénomènes de blocage de la consolidation de la démocratie; notamment l’ethnocentrisme politique, la comédie démocratique, il est impératif d’institutionnaliser le pouvoir politique et les partis politiques d’abord, afin d’amener les dirigeants à se conformer aux textes préétablis, et ne pas être tentés de les modifier à leurs ambitions politiques personnelles, pour qu’ils parviennent à reconnaître qu’ils ne sont que des représentants de la nation et non les propriétaires de la souveraineté ou des représentants d’un clan, d’une ethnie.
Et pour empêcher l’instrumentalisation des questions ethniques dans le but d’accéder ou de garder le pouvoir, il faudrait mettre impérativement en place des systèmes qui reconnectent les partis politiques avec leur mission primaire: celle de constituer des vecteurs d’idéologies axées sur la résolution de problèmes de développement dans un monde bloqué par la complexité d’idéaux sociopolitiques et économiques.
Sans cela les démons adeptes de l’ethnocentrisme politique en Guinée dirigeront toujours ce pays suivi d’une instabilité politique aux conséquences graves. Et le changement dans la continuité sera garanti.
#Aissatou Chérif Baldé