Tout d’abord, nous avons découvert que publier des vidéos sur de multiples plates-formes en ligne les rendait plus virales. Par exemple, si une vidéo publiée sur YouTube devient virale, la poster un peu plus tard (comme 10 jours après) sur une autre plate-forme telle que Vimeo contribue à diffuser encore davantage la vidéo sur la plate-forme centrale qu’est YouTube.

Ainsi, au lieu de cannibaliser l’attention à travers ces diverses plates-formes, proposer le média au public sur une nouvelle plate-forme encourage le bouche-à-oreille, qui finit par revenir vers la plate-forme centrale. Par exemple, le public de Vimeo peut communiquer avec les utilisateurs de YouTube et les pousser à voir ou à partager l’article.

Les professionnels du marketing et les créateurs de contenu peuvent donc stimuler cette viralité en établissant une stratégie omnicanal. En effet, le constat s’applique aux canaux comme Facebook, Instagram ou Snapchat : publier le a de grandes chances de stimuler l’intérêt pour ce contenu sur chaque canal individuel, au lieu d’atteindre un point de saturation qui doit être réparti à travers les plates-formes.

Question de personnalité

Mais la stratégie de diffusion n’est pas le seul déterminant de la viralité d’une vidéo : le type de contenu joue évidemment lui aussi un rôle décisif, tout comme la personnalité qui l’incarne.

Dans nos recherches, nous nous sommes concentrés sur des personnalités dans les vidéos orientées « discours », comme les chaînes TED Talks, Big Think et Fortune 500, mais aussi IBM, Wells Fargo et Apple. Nous avons utilisons le traitement automatique du langage naturel pour identifier 5 traits de caractère : l’ouverture à l’expérience, la conscienciosité, l’extraversion, l’agréabilité et le névrosisme, des éléments largement étudiés dans la littérature psychologique.

Il ressort que la meilleure combinaison semble être un mélange d’agréabilité faible et de névrosisme élevé. Cela peut paraître surprenant, car le cocktail de traits individuels inverse, agréabilité élevée et névrosisme faible, paraît plus positif.

Toutefois, il s’avère que la nature agressive des vidéos désagréables, qui remettent en question l’opinion des spectateurs, et le névrosisme, souvent associé au fait d’être passionné par un sujet, sont plus efficaces. Par opposition, les contenus désagréables sans passion ou les médias passionnés et agréables, mais sans véritable défi, sont bien moins efficaces que la combinaison mentionnée plus haut.

Pour illustrer ce phénomène, prenons deux TED Talks. Le premier s’intitule « Trois mythes sur l’avenir du travail (et pourquoi ils ne sont pas vrais) » et le deuxième « Comment inspirer les enfants à lire toute leur vie ». S’il existe des similitudes entre ces vidéos, comme le bénéfice du même public TED et un compte de vues presque identique pendant les premiers jours, sur le long terme, la première vidéo s’avère bien plus performante.

3 myths about the future of work (and why they’re not true) | Daniel Susskind (TED, 2018).
How to inspire every child to be a lifelong reader | Alvin Irby (TED, 2018).

Bien que les deux conférenciers soient remarquablement passionnés, la première vidéo est plus désagréable, comme peut le suggérer son titre provocateur. Ainsi, davantage de confrontation peut s’avérer plus efficace si elle est associée aux émotions du névrosisme.

Une arme contre les « fake news »

Ces découvertes montrent qu’il existe des outils et des stratégies efficaces à destination des marketeurs pour promouvoir plus efficacement le contenu numérique. Par exemple, il suffit de connaître le degré d’exposition des cinq traits de personnalité mentionnés plus haut dans une vidéo pour prédire, avec une précision de 72 %, si des vidéos auront des performances supérieures à la moyenne comparable. De plus, les vidéos associées aux personnalités hautement performantes peuvent s’attendre à une hausse de 15 % de consommation cumulative par rapport aux vidéos avec des personnalités faiblement performantes.

Dans l’ensemble, nos travaux suggèrent en outre que l’analyse empirique peut effectivement contribuer à générer du contenu plus populaire, mais aussi à l’anticiper et à le développer. Ainsi, le processus créatif, souvent considéré comme purement intuitif et artistique, peut bénéficier d’un coup de pouce de « l’ingénierie de contenu », qui incorpore une approche empirique au développement du contenu, ou de l’analyse empirique soutenue par des méthodes d’apprentissage automatique.

Il est vrai que cette viralité peut ne pas toujours être utilisée pour transmettre du contenu authentique ou socialement juste. Des plates-formes telles que YouTube ou Facebook pourraient donc elles-mêmes également examiner particulièrement les contenus impliquant des éléments hautement performants (des associations d’agréabilité faible et de névrosisme élevé, ou une présence sur diverses plates-formes différentes) afin de s’assurer de la véracité de ce genre de contenu en particulier. Cela pourrait notamment constituer une nouvelle arme contre les « fake news ».


_Cette contribution, adaptée de sa version publiée en anglais sur le site Knowledge@HEC, s’appuie sur les articles de recherche « Cross-Platform Spillover Effects in Consumption of Viral Content » et « Personality-Based Content Engineering » de Haris Krijestorac, Rajiv Garg

(Goizueta Business School, Emory University) et Maytal Saar-Tsechansky

(University of Texas)_.

Auteur

  1. Assistant Professor, Information Systems, HEC Paris Business School