A woman speaks on a mobile phone as she walks past a graffiti covered wall with a giant hashtag sign near Moscow's Kursky railway station on November 17, 2017. (Photo by Mladen ANTONOV / AFP)

Le mot «dièse» s’est incliné devant l’anglais «hashtag». Mais d’où vient ce terme que nous employons à tort?

Le «hashtag» l’a tué. Depuis son apparition sur Twitter, le symbole anglais a supplanté le terme français pour donner naissance à une profusion de mots sur les réseaux sociaux. #Metoo, #Balancetonporc, #Notinmyname… sont devenus autant de mouvements qui doivent leur nom à ce signe: «dièse».

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Pourtant, il serait plus juste de parler de «croisillon»,«un élément qui en croise un autre dans le sens de la longueur» comme le font les Québécois. Car le «dièse» caractérise une note de musique en solfège. Il joint d’ailleurs le fond et la forme dans son dessin. Sa forme en parallélogramme indique la «hausse d’un demi-ton d’une note ou de l’ensemble des notes d’un morceau de musique», peut-on lire dans Le Trésor de la langue française.

Le «dièse» est emprunté au latin diesis, «quart de ton (en musique ancienne)» et, à basse époque, «demi-ton (dans le système de Pythagore)», note le Dictionnaire historique de la langue française (Le Robert). Et de préciser: «Il est lui-même emprunté au grec diesis ‘‘action de séparer’’ et en musique ‘‘intervalle, demi-ton’’, dérivé de diienai ‘‘laissez-passer’’.»

«Diesis» ou «dièze»?

À l’origine, indique toujours le thésaurus, «dièse» fut d’abord de genre féminin. On note cette occurrence au XVIe siècle: «La voix tremblante par un trou un peu ouvert fait la diese.» Puis, le mot a évolué au masculin, peut-être «sous l’influence de bémol et bécarre». Ce n’est pas la seule variation que connut le terme.

On le note sous sa forme latinisante «diesis» pour parler «du plus petit intervalle utilisé dans le système musical grec» chez les auteurs de l’époque médiévale jusqu’au XVIIIe siècle. De plus, la graphie du mot évolua sous la plume des écrivains des XIXe et XXe siècle. Céline, Flaubert, Gide… employèrent ainsi l’orthographe «dièze».

Outre sa portée musicale, le «dièse» peut s’employer par métaphore et désigner «ce qui augmente la valeur de quelque chose». Stendhal l’utilisa par exemple dans ses Correspondances «Avez-vous lu une note de M. de Chateaubriand dans ses Discours historiques? Mettez quatre dièses à ce qu’il révèle et vous n’y serez pas encore.» Par métonymie, le «dièse» peut enfin qualifier une «note haussée d’un demi-ton». Dumas fils écrivait dans La Dame aux camélias «Comprend-on que je ne puisse pas faire huit dièses de suite?»

«Mot-clic» ou «mot-dièse»?

Aujourd’hui le dièse s’entend surtout au téléphone, puisque son équivalent anglais «hashtag» l’a supplanté sur le clavier et dans la sphère numérique. Entré dans le Petit Larousse en 2014 et le Petit Robert en 2015, le hashtag dérive selon Jean Maillet, auteur de 100 anglicismes à ne plus jamais utiliser, du mot anglais hash«hachis». Lui-même dérivé du verbe to hash, le phonème est «tout droit issu, depuis le XIVe siècle, du français hacher». Le mot hash est donc bien de chez nous!

Néanmoins, note l’auteur, le mot tag est anglais et s’emploie pour désigner une étiquette ou «tout marqueur» identifiant un objet. On le retrouve dans les formules anglaises: luggage tag«étiquette à bagages» ou price tag, «étiquette de prix». Le mot hashtag n’implique pas uniquement le dièse mais englobe son symbole et le mot qui le suit. Exemple: «#love».

À noter que nos voisins québécois proposent «mot-clic» à la place de l’anglicisme. La Commission d’enrichissement de la langue française au Journal officiel, coordonnée par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), indique quant à elle la formule «mot-dièse».

Source : The Conversation