Malgré les craintes de la douane qu’elle «ferait exploser tout Beyrouth» et les demandes pour la réexporter ou la détruire, la cargaison de nitrate d’ammonium, saisie sur un navire battant pavillon moldave et appartenant à un Russe, est à l’origine des explosions meurtrières survenues à Beyrouth.
Revue des faits antérieurs au drame du 4 août.
En 2014, le cargo Rhosus a été qualifié de «bombe flottante», et ce pour une bonne raison. Appartenant à un oligarque russe et arborant le drapeau moldave, c’est de ce navire que proviennent les tonnes de nitrate d’ammonium qui ont explosé et meurtri Beyrouth le 4 août.
Saisie d’un navire appartenant à un Russe
D’après le portail Floatmon, le Rhosus, chargé de nitrate d’ammonium, a été saisi par la douane libanaise en octobre 2013 après une inspection qui a révélé un certain nombre de lacunes.
Oligarque de Khabarovsk, Igor Gretchushkine, citoyen russe maintenant résident à Chypre, était le propriétaire et l’exploitant du Rhosus qu’il a abandonné après ladite inspection. Quatre membres d’équipage, le capitaine, aussi de nationalité russe, en plus du maître d’équipage et de deux ingénieurs, tous Ukrainiens, sont restés bloqués au Liban pendant des mois.
Le navire se trouve à Beyrouth depuis 2014.
Sa cargaison stockée dans le port
La cargaison confisquée a été stockée depuis lors dans un entrepôt du port. Les premières investigations indiquent que des années de négligence concernant le stockage de ces matières hautement explosives ont provoqué les explosions, a déclaré à Reuters une source proche de l’enquête. Elle a ajouté que la question de la sécurité du stockage avait été soumise à plusieurs comités et juges et que «rien n’a été fait» pour un ordre de retrait ou d’élimination.
Mercredi 5 août, le directeur général du port de Beyrouth, Hassan Koraytem, a déclaré que le nitrate d’ammonium y était stocké depuis six ans, suite à une ordonnance du tribunal. D’après lui, le service des douanes et de la sécurité de l’État avaient demandé aux autorités qu’il soit réexporté ou détruit, mais que «rien ne s’est passé».
Plusieurs requêtes faites
Badri Daher, directeur général des douanes libanaises, a déclaré mercredi à la chaîne LBCI que les douanes avaient envoyé six documents à la justice pour avertir du danger.
«Nous avons demandé qu’il soit réexporté, mais cela ne s’est pas produit. Nous laissons aux experts et aux personnes concernées le soin de déterminer pourquoi», a déclaré M.Daher.
Une autre source proche d’un employé du port a déclaré qu’une équipe ayant inspecté le nitrate d’ammonium il y a six mois avait averti que s’il n’était pas déplacé, il «ferait exploser tout Beyrouth».
Selon deux documents consultés par Reuters, les douanes avaient en effet demandé à la justice en 2016 et 2017 de demander à «l’agence maritime concernée» de réexporter ou d’approuver la vente du nitrate d’ammonium, déposé dans l’entrepôt numéro 12, pour assurer la sécurité du port. L’un des documents citait des demandes similaires en 2014 et 2015.
L’ambassadeur de Russie à Beyrouth explique
Les explosions se sont produites en raison de violations flagrantes de la sécurité, a déclaré à Sputnik l’ambassadeur de Russie au Liban, Alexandre Zasypkine.
«Je suis sûr qu’en aucun cas on ne doit s’engager dans des spéculations politiques, et surtout si des milliers de personnes ont souffert», a-t-il déclaré en commentant la propagation de nombreuses versions différentes sur les causes du drame, y compris une attaque aérienne ou terroriste.
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«Selon les données les plus convaincantes, pendant les travaux de réparation il y a eu un incendie, puis une monstrueuse explosion de l’entrepôt dans lequel du nitrate d’ammonium confisqué sur un navire endommagé était stocké depuis 2014. Nous parlons donc de violations flagrantes des mesures de sécurité», a souligné le diplomate.
Selon lui, plusieurs Libanais affirment que cette tragédie reflète les lacunes du pays, les problèmes des structures gouvernementales et l’interaction entre les départements. «Et il y a une grosse part de vérité là-dedans», a-t-il souligné.
La Moldavie réagit
Suite à la tragédie du 4 août, l’Agence des transports maritimes de la République de Moldavie a annoncé que le navire en question avait été déchu de son immatriculation en 2014.
«Le navire Rhosus (IMO 8630344) a été inscrit au registre national des navires le 23 février 2012. Depuis 2014, il a été exclu de ce registre en raison de l’expiration de la période d’enregistrement et ne naviguait plus sous le pavillon de la Moldavie», indique le communiqué.