Le 2 août 1997, Féla Anikulapo Kuti,  chanteur, saxophoniste, chef d’orchestre et homme politique nigérian nous quittait à jamais. Musicien engagé, Féla a consacré toute sa vie à dénoncer les travers de son pays. En effet, dans les années soixante dix, le Nigeria était miné par la corruption entretenue par le pouvoir des militaires.

De son vrai nom Féla Hildegart Ransome, Féla est issu d’une famille bourgeoise Yoruba et grandi dans un univers familial engagé entre son père, le pasteur Ransome-Kuti, qui l’initie très tôt au piano, et sa mère Funmilayo Ransome-Kuti, nationaliste activiste, qui influence son militantisme.

De retour au pays

En 1958,  parti à Londres pour y suivre des études de médecine, Féla choisit la musique au Trinity College of Music. C’est là qu’il subira l’influence du jazz. Rentré au pays en 1963 son diplôme en poche, Féla a du mal à trouver sa voie  entre un boulot de producteur et sa carrière de musicien qui ne décolle pas. C’est finalement en 1969, lors d’une tournée aux Etats-Unis que le déclic se produit : il rencontre Sandra Smith, une militante noire des Black Panthers qui lui expose les idées de Malcolm X. De retour au pays, l’homme n’est plus le même. Un idéal est né. La musique va désormais lui servir d’instrument  pour affirmer ses convictions politiques. A rappeler que lors de son séjour londonien, il va rencontrer une jeune métisse nigeriano-américaine, Remilekun Taylor avec qui il se marie et qui lui donnera un enfant : Femi Kuti.Fela Kuti, Chinua Achebe Saro-Wiwa were right on Nigeria politics ...

Au titre de son identité musicale, Féla allie le jazz et la soul aux rythmes locaux, le ju-ju et le high-life qui donne naissance à l’afrobeat. Sa propriété s’étend bientôt au-delà même des frontières du pays. Mais très vite, il va s’attirer les foudres du pouvoir militaire qui supporte mal ses satires. En effet, la musique de Féla est accompagnée de paroles en pidgin- l’anglais du petit peuple- contre la dictature militaire, la corruption qui gangrène les élites et décrivent aussi la misère de la rue. Au- delà de ces tableaux  sombres, Féla suggère aussi à l’Africain de conquérir sa liberté par un retour aux sources qui lui rendra son identité et sa vérité.

Après la sortie de son album anti militariste Zombie (1976), sa propriété baptisée Kalakuta Republic est entièrement rasée dans un raid militaire au cours de laquelle sa mère âgée de 78 ans est défenestrée. Elle succombera quelques mois plus tard des suites de ses blessures. Féla Kuti est quant à lui plusieurs fois jeté en prison et torturé.

Fela artiste politique

A la faveur du retour des civils au pouvoir, en 1979, Féla fonde un parti politique, le Fela Kuti – 10 of the best | Fela Kuti | The GuardianMovement Of the People (M.O.P) et se déclare candidat aux élections de 1983. Des ambitions compromises à la suite de son arrestation à l’aéroport de Lagos en partance pour New York où il devait enregistrer un album. Les autorités lui reprochaient une exportation illégale de devises. Un délit qui lui vaudra cinq ans de prison. Féla sera libéré en 1986 grâce à la mobilisation des artistes en Europe, et à la pression économique des bailleurs de fonds.

Pour la postérité, on retiendra que Féla est resté un artiste très populaire au Nigeria. Sa carrière musicale est riche de 21 albums studio et de trois albums enregistrés en publics. Son tube Shakara de 1972, titre éponyme de l’album fera le tour de l’Afrique.

En 2014, comme pour réparer les erreurs de l’Histoire, le gouvernement de l’Etat de Lagos a offert 200.000 euros à la famille de Féla pour la création d’un musée en son honneur, qui sera construit près de sa sépulture.

 

Thierno Saïdou DIAKITE pour JMI

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