François, mon fils aîné tambourine avec plaisir sur la porte du salon, puis en une révérence suspecte, il sourit et laisse entrer un homme de blanc vêtu. C’est Mory Kanté, le « griot planétaire » qui vient, en cette nuit, me rendre une visite amicale. Agréable surprise.
Nous nous embrassons, Maguy, mon épouse, le chahute: » Moi, les maris qui abandonnent leurs épouses, je ne les reçois pas ! ». Juste une taquinerie, car Mory et moi étant amis depuis très longtemps, selon les traditions guinéennes, elle est aussi un peu son »épouse » moralement.
Mory se défend: »Tu es toujours ma femme et tu le resteras, nos enfants sont là, tu vois, tu ne peux partir! Et moi, je ne suis jamais parti, même quand je suis loin … ». Retrouvailles chaleureuses, Mory Kanté rentre de Jo’bourg, où il vient d’être sacré par des médias sud africains »Meilleur Artiste Africain en 2001 ».
Nous parlons de son dernier »bébé », l’album »Tamala » qui consacre son extraordinaire come back. »M.Top 50 » demeure une référence de qualité, de continuité, une célébrité confirmée de l’arène musicale universelle.
Mory Kanté a su, par les 21 sensualités de sa kora, émerveiller le monde`au mileu des années 80, et depuis, il a régulièrement grimpé, malgré des déserts passagers, dans les hits de la world music.
Notre rencontre remonte`à la fin des années 70, quand après la victoire du Hafia Football Club, la Guinée s’ouvrait au monde, au lendemain du Sommet de la réconciliation des frères ennemis à Monrovia (Sekou Touré, Leopold S.Senghor -Houphouet Boigny), Mory était revenu au pays pour reprendre attache avec la mère-patrie qu’il avait quittée, mais jamais oubliée, malgré ses succès avec le Rail Band de Bamako sur le titre »Walignoumalombaliya’‘.
De retour, il avait fait plusieurs jams sessions avec le musicien polyvalent Kémo Kouyaté. Ils avaient réalisé ensemble notamment la chanson »Bi Moussolou », plus tard interdite sur les ondes de la »Voix de la Révolution », de même que le clip (l’un des premiers que je fis) à la télé. Une interdiction pour des raisons bizarres que je raconterai bien un jour. L’ayant appris, Mory sera terriblement déçu. Mais, cela renforcera véritablement notre amitié. Chut…. Un jour viendra…
Mory est donc chez moi ce soir pour un brin de causette amicale. Ma mère (85 ans, depuis le 30 mars dernier) qui le connait bien, lui rappelle le séjour de son manager belge Vouters en Guinée, les bons moments passés à Conakry, son succès international avec « Yèkè Yèkè », etc. La mémoire de maman est phénoménale.
Mon fils aîné François, lui, a un problème qu’il murmure à l’oreille de sa mère qui sourit et déclare amusée: » Mais, ce n’est pas moi qui vais parler à ta place, viens parler à ton tonton Mory Kanté. Alors, Fan (son sobriquet), s’approche et dit:’ ‘ Tonton, je suis président du club culturel de mon école St Georges et nous organisons une petite kermesse, si vous pouviez venir ce samedi 27 avril à la clôture, cela ferait vraiment plaisir à tous mes amis… », Mory l’interrompt gentiment, en lui donnant son accord. Heureux comme héron, Francois, (qui n’a pas encore ses 17 ans, 1,83 m), est en Terminale et prépare son deuxième bac. Le 27 avril, comme promis, il se rendit à la kermesse de St. Georges au grand bonheur des élèves de cet établissement et à la grande fierté de mon fils qui avait accompli cet « exploit ». Notre famille n’oubliera jamais cet acte amical.
Il est déjà 21h 50. L’on n’a pas senti le temps passer. Mory est prolixe et amusant à la fois, même quand il prend ses airs de chercheur moderne invétéré.
Bonne soirée Mory et bonne nuit à mon fiston qui, tout comblé d’avoir obtenu la participation du griot électrique à sa kermesse, dormira les poings fermés. Tout victorieux déjà!