Autobiographie/Rose Marie Guiraud: Pans de vie, pas à pas et (sans) trépas…
Intitulée «La survivante», l’œuvre autobiographique de Rose Marie Guiraud, la célèbre danseuse et chorégraphe ivoirienne, fondatrice de l’École de danse et d’échanges culturels (Edec) et de la mythique troupe «Les Guirivoires», figure en bonne place dans la cuvée 2018-2019 de Frat-Mat Editions qui s’ouvre dans quelques semaines, en septembre, à la faveur de la rentrée littéraire.
«La survivante» ? Estampiller son œuvre sur sa vie et son…œuvre, d’une telle épithète, constitue, de prime abord, tout un discours qui en dit plus que long sur son contenu. A quoi a survécu l’artiste de 74 printemps ? Dans un souci hypothético-déductif, il incombe de (re) définir le substantif « survivante » que le Larousse explique ainsi : «Qui survit à quelqu’un : L’héritage va au conjoint survivant. Qui est resté en vie après un événement ayant fait des victimes. Qui survit à une époque révolue en restant attaché à ses conceptions».
En 370 pages, Rose Marie Guiraud revient sur des pans de sa vie qui vont, tout-aussi, de pair avec des images éclatées de l’histoire artistique et culturelle de la Côte d’Ivoire de ses 50 dernières années, entre gloires et déboires, faux bonds et rebonds, le tout rythmé par ses pas de danses qui l’ont portée au firmament de la scène des arts vivants contemporains.
De son Ouyably natal (Kouibly) dans l’ouest de la Côte d’Ivoire à la tentaculaire New-York, Washington DC et Memphis (Usa) en passant par Bouaké, Abidjan, Lille, Perpignan et Paris (France), liège en Belgique ou encore le Mali, Rose Marie qui a fait les beaux jours de la danse africaine et contemporaine de par le monde, retrace son parcours.
Des hauts et des bas qui font débat !
Sans faux-fuyants. Ni tabous. Ces tabous qui entourent la vie et le parcours de bien de célébrités, sous nos tropiques notamment, et auxquels n’échappent point depuis ces débuts sous les feux de la rampe en 1973, Rose Marie Guiraud. Avec tout ce que cela compte de préjugés, lieux communs et rumeurs en termes mystiques, physiques, conjugaux, filiaux, financiers, politiques…
En témoigne, à titre d’illustration et justifiant par la même occasion ce qui l’a poussée à faire acte d’autobiographie, ce qu’écrit l’auteure, dans son avant-propos, au sujet de son aspect physique. Qui, des décennies durant, a fait l’objet de maints commentaires des Ivoiriens.
«Pour ne plus être embarrassée par ma condition physique ou par les commentaires des uns et des autres, j’ai préféré écrire l’histoire de ma vie, pour éclairer ce qui peut sembler étrange à ceux qui s’intéressent à moi. Etant une personne publique, j’ai pu imposer ma personnalité et mon corps, au point que certains le trouvent même beau. Mais cela n’a pas empêché des journalistes ivoiriens de me proclamer la plus laide des femmes de Côte d’Ivoire, à la télévision nationale…».
Devoir de mémoire
Bref, une vie pleine et palpitante, faite de hauts et de bas, tout en faisant toujours débat ! Avec, pour nœud gordien: les nombreux problèmes de santé, telle une valse, qui ont jonché l’existence de la danseuse, mais aussi, de nombreuses affaires financières et foncières qui ont meublé sa carrière. Il n’empêche, l’artiste, formatrice hors-pair, a toujours su rebondir, braver moult obstacles, pour demeurer digne.
Ainsi, le préfacier de « La survivante », le non moins célèbre et iconoclaste enseignant et journaliste-écrivain ivoirien, Tiburce Koffi, souligne-t-il au diapason de la force de caractère que Rose Marie Guiraud s’est forgée à l’aune des affres de la vie et à la force d’un talent que le travail de tous les instants a établi en réputation: «Chercheuse de talents, elle produit des artistes et poursuit son travail comme un phare dans les arts de la scène et de l’éducation parce que, dit-elle: «La danse est Beauté, Amour du donner et du recevoir, Vie et Lumière».
C’est donc à une (re) mise en lumière de cette sorte de ballerine bien locale et qui a fait luire dans les cieux de la planète, l’étoile de la culture ivoirienne qu’est Rose Marie Guiraud, que sacrifie le pôle Editions de Fraternité Matin. Car, faut-il le savoir, ce travail de l’auteure, entamé en 1982 et achevé au niveau de la recherche documentaire en 2012, avait fait l’objet d’une publication à compte d’auteur, sans épouser les exigences techniques requises.
Revue, corrigée sans en altérer le fond, l’autobiographie peut enfin sortir de son cocon pour s’offrir en partage aux lecteurs pour un devoir de mémoire.
REMI COULIBALY
Frat-Mat Editions, Abidjan, 2018, 370P.