Jean Baptiste Williams, le Directeur national des Arts et de la Culture, qui a personnellement connu l’immortel Manu Dibango, a pris sa plume, pour adresser avec l’encre de ses larmes, une missive faite de respect, d’amitié et d’une éternelle reconnaissance pour l’immensité de son oeuvre. Frémissements fraternels. JMJ
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Merci mon Grand de m’avoir reçu le vendredi 30 avril 1999 à ton domicile, 176 Bd de Charonne  75020.
En ce jour triste qui endeuille le monde de la musique par ton rappel au Très Haut Miséricordieux, j’aimerais m’associer à la douleur et à la peine de ta famille.
Pour le temps de l’interview que tu m’accordas, il y a 21 ans dans la plus grande humilité, je voudrais en abrégé retracer ta vie et ton immense parcours musical, n’ayant ni la qualité et la prétention de le réussir.
De notre entrevue, en présence de mes amis Otis M’Baye et Ibrahim Diarra, j’ai découvert un homme simple et ouvert à tous avec un rire éclatant, aussi sonore que ton saxophone.
Entre autre sujets, tu m’as confié que tu étais un  de l’ethnie « Yabassi » et de mère Douala. Protestant, tu allais au temple où ta mère dirigeait la chorale. Ta scolarité a commencé par l’école du village et à l’école des Blancs. Le certificat en poche, ton père décide de t’envoyer poursuivre tes études en Europe.
Ravi de découvrir le monde, au printemps 1949, tout jeune au terme d’un périple de trois semaines, le bateau te transportant accoste à Marseille. Tu rejoins ta famille d’accueil (Chevalier) à Saint-Calais, dans la Sarthe à l’Ouest de la France. Tu iras plus tard au lycée à Chartres, un peu plus au sud.
Tu fais tes débuts avec la mandoline et apprends le piano. Tu me diras que la rencontre avec ton aîné Francis Bebey, fût décisive, car c’est avec lui, à l’époque fan de jazz que l’aventure va commencer. Vous formez un petit groupe où chacun s’essaie à la pratique de son instrument favori. C’est d’ailleurs à cette époque que tu découvres le saxophone et tu vas dès lors prendre des cours de musique.
Embauché dans une boîte de nuit locale, le Monaco, tu ne réussiras pas à décrocher la 2ème partie du baccalauréat en 1956, et ton père va alors te couper les vivres.
Fin 1956, tu décides de tenter ta chance à Bruxelles et te voilà embauché au « Tabou », cabaret très prisé de la capitale belge. Là, tu rencontres, Coco qui deviendra par la suite ton épouse.  Deux ans après (1958 ), tu as un contrat au « Chat noir » à Charleroi et en 1960 aux « Anges noirs » de Fonseca, assidûment fréquentés par les politiciens congolais de l’époque. L’occasion t’est donc offerte de te frotter à la musique africaine, puisque jusque-là tu ne jouais que de la variété.
Joseph Kabasélé et l’Africain Jazz arrivent à Bruxelles avec Rochereau, Dr Nico, Dechaud, pour enregistrer 40 chansons dont « Table ronde » et  » Indépendance Cha Cha », Manu présent remplace au pied levé le saxophoniste absent
de l’orchestre.
Vient ensuite ton désir  de faire un album solo « African Soul » mélange de jazz, rumba, makossa et rythmes latinos.
Aperçu de l’image
Tu m’as aussi parlé des boîtes et cabarets que tu as gérés comme « L’Afro-Negro « ,  « Le Tam Tam », de ton embauche dans l’orchestre de Dick Rivers, grande vedette des années 1960, puis de celui de Nino Ferrer, où tu as joué de l’orgue Hammond. La Bohème, la Canne à Sucre et bien d’autres espaces t’étaient désormais familiers.
Ton passage en Cote d’ivoire avec l’orchestre de la RTI.
Tes tubes, Soul Makossa 1972, ton triomphe à l’Olympia à Paris 1973, Kingston,  Home Made 1978, Waka Juju 1982, Abélé Jazz 1986, Surtention, Electric Africa, Tam Tam pour l’Éthiopie 1985, Afrijazzy 1986, Polysonic 1990.
Après l’interview réalisée  en 1999, tu continues sans désemparer ton aventure musicale pour offrir au monde:
Negropolotaines, Lives 91 Olympia, Wakafrica 1993, Lamastabastani 1996, African Soul, the very best of 1997, Mboas’su 2000, 30 ans de Soul Makossa, DVD Manu Dibango et le Soul Gang 2006, Manu joue Sydney Bechet 2007.
 
En apothéose comme par prémonition tu as imaginé et réalisé un projet  « Safari symphonique «  qui marquait tes 60 ans de carrière et tes 85 ans de saxophoniste.
Tu t’es alors produit en juillet 2019 au Festival Jazz à Vienne avec l’orchestre national de Lyon.
L’immensité de ton œuvre Grand Manu fait que tu as grandement gagné ton pari.
Grand Manu , hospitalisé le 18 mars 2020, pour cause de pandémie coronavirus, tu es arraché à notre affection le 24 mars 2020, rendant l’Afrique musicale  et la World Music orphelines à jamais….
Dors en Paix, l’Artiste !.
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Jean Baptiste Williams pour JMI
JMI Copyright © JustinMorel.Info

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