L’homme d’affaires Amadou Sadio Diallo plus connu sous le nom de ‘’ Diallo Cravate’’ est malade. Depuis quelques jours, il est alité dans une clinique de Kaloum. Pour qui connaît le parcours de cet homme, il vit des moments pénibles. En dépit du mal, qui le tenaille, il trouve la force d’évoquer la somme astronomique que l’Etat congolais lui doit. Le destin est parfois très cruel. Au temps de sa prospérité, Diallo Cravate n’aurait jamais imaginé le calvaire qu’il vit actuellement.
Au regard de la situation peu enviable dans laquelle se trouve ces temps-ci Diallo Cravate, et surtout par devoir de reconnaissance, je livre ma part de témoignage. En effet, cet homme qui lutte depuis quelques mois maintenant contre la maladie, m’a considéré comme son propre frère en raison de mon handicap. Lors de nos fréquentes rencontres, il ne manquait jamais de me prodiguer des conseils du genre, il faut bénir tes parents, qui t’ont permis d’échapper à l’indigence. Dans la rue, il m’indexait en attirant l’attention des passants avec des commentaires forts élogieux.
A la vue de cet homme terrassé par la maladie, plein d’images défilaient dans ma tête : il y a quelques années, débordant de santé, Diallo Cravate déambulaient fièrement l’avenue de la République tiré à quatre épingles. C’est au hasard d’une de ses promenades, que nous avions fait connaissance. Et depuis, il m’avait adopté comme un exemple à suivre.
Le destin controversé de ce compatriote est un cas d’école, qui est à méditer. Comment se fait-il que quelqu’un qui a fait fortune soit subitement réduit à la limite, à l’état d’indigence. Ce que Diallo Cravate vit aujourd’hui n’est à souhaiter à personne. Pour comprendre ce qui lui est arrivé, remontons les fils de son parcours.
Né le 03 janvier 1946 à Binani dans la préfecture de Gaoual dans une famille de huit frères et sœurs, Amadou « Sadio » Diallo est frère cadet de jumeaux. Il fréquente au village l’école coranique, avant d’arriver en 1955 à Conakry. Déscolarisé, il trouve une occupation dans une forge où on lui découvre de talents de joaillier. Il trouve ensuite du travail chez des cultivateurs blancs, ce qui lui permet d’acheter son premier vélomoteur, qu’il réussira à revendre à 40 000 francs ! Une belle somme à l’époque. Il se découvre ainsi de nouveaux talents de vendeur et se lance dans le commerce.
Quelques années plus tard, Amadou Sadio débarque à Dakar. C’est dans cette ville qu’on lui attribuera le sobriquet de Diallo Cravate, lorsqu’il se permit le luxe d’acheter une cravate à 15.000 CFA.
De retour en Guinée, impliqué dans des opérations commerciales douteuses, Diallo-Cravate a des démêlées avec le pouvoir en place. Ce qui l’oblige à débarquer au Congo de Mobutu, qui vient d’accéder au pouvoir. On connaît la suite de cette pérégrination de Diallo Cravate, qui s’y installe définitivement. A la faveur de la guerre civile en Angola, une opportunité lui est offerte pour convoyer les mines du Congo. Cette activité rapporte gros à Diallo Cravate. En dépit de sa fortune, et de surcroit étranger, il s’attire des ennuis avec le pouvoir, en réclamant des créances à des sociétés de la place. Et ce qui devait arriver, arriva.
Notre compatriote fut expulsé après quelques jours d’arrestation en 1996. Commence alors pour lui la descente aux enfers. Grâce à la sollicitude des uns et des autres, Diallo Cravate tient le coup. A force de ténacité, et de persévérance de la part de Diallo Cravate, le gouvernement guinéen prend en charge son dossier et engage une procédure auprès de la Cour Internationale de Justice. Au terme de cette démarche de plusieurs années, le 19 juin 2012, la Cour internationale de justice a condamné l’Etat congolais à payer 95 000 dollars américains à l’homme d’affaires guinéen Amadou Sadou Diallo à titre des dommages et intérêts. La RDC a été reconnu coupable de tortures, détention et expulsion illégales ainsi que pour créances non payées d’Amadou Sadou Diallo. Et depuis cette décision de justice, le malheureux Diallo Cravate n’a pas encore reçu un dollars.
Maintenant que par la force des choses, Diallo Cravate ne peut pratiquement plus rien pour suivre son remboursement, son cas devrait nous faire réfléchir.
Comment a-t-on pu laisser en marge un homme doté d’une riche expérience en matière de commerce ?
Il aurait pu être coopté conseiller du patronat, de la chambre de commerce ou du ministère en charge du commerce. Son sens pratique des affaires aurait servi le pays. Depuis 1996, année de son expulsion, Diallo Cravate devrait être mis à contribution.
C’est en cela que je suis irrité et indigné par ce qui lui arrive aujourd’hui.
La seule chose que l’on puisse lui souhaiter, c’est un prompt rétablissement.