Les chercheurs ont ainsi remarqué que le lait du matin est un lait « tonique », riche en L-tyrosine, acide aminé qui est le précurseur de la dopamine et de l’adrénaline, les neurotransmetteurs de l’éveil, du dynamisme, de la concentration. Logique : le matin, la mère transmet à l’enfant un lait qui lui donne les moyens d’affronter les nombreux défis de la journée.
Mais à partir de 17 heures…changement de menu !
Le lait qui est transmis est riche cette fois…en tryptophane, acide aminé précurseur de la sérotonine et de la mélatonine.
C’est que le cerveau, pour passer de l’état d’éveil à l’état de sommeil, doit changer sa production de neurotransmetteurs.
Pour cela, la première étape est l’intervention de neurones « pacemakers », qui désactivent progressivement les neurotransmetteurs de l’éveil. Puis d’autres arrivent. Il y a la sérotonine qui diminue l’activité des neurones excitateurs et permet la synthèse de mélatonine, « hormone du sommeil » ; le GABA (acide gamma-aminobutyrique), lui, c’est le gendarme qui fait signe de ralentir : il freine la transmission des signaux nerveux, diminue la tonicité musculaire, le rythme cardiaque, les spasmes musculaires.
Dans notre petite usine intérieure, « l’équipe de jour » et « l’équipe de nuit » ne fournissent pas le même lait, en prenant soin de l’adapter parfaitement au besoin nutritionnel du bébé à l’instant précis où il va l’ingérer.
Fascinant !
Comme disait Montaigne, « Nous ne saurions faillir à suivre la Nature ; le souverain précepte est de se conformer à elle. »
Avis que partagent les chercheurs espagnols de notre étude sur le lait maternel, qui ont pu mesurer les bienfaits de cette « production différenciée ».
En copiant la Nature, les scientifiques ont à leur tour produit un lait maternisé enrichi avec de la tyrosine (pour le matin) et du tryptophane (pour le soir).
Résultat : ils ont pu constater une amélioration de la qualité du sommeil des bébés, un meilleur confort digestif (réduction des colites) et moins de stress…chez les parents.
Maintenant, ce qui est valable pour les bébés l’est aussi pour l’adulte !
Il existe une « chronologie quotidienne de la nutrition » à respecter chez l’être humain2, une stratégie qui consiste à consommer les aliments au moment de la journée où ils seront les plus utiles, en fonction de notre activité, de notre taille et de l’intensité de notre appétit.
Comme pour le petit bébé, la qualité de notre sommeil en dépend.
Le matin (petit-déjeuner et déjeuner), c’est une assiette pro-tyrosine que nous devons préparer.
Pour cela il faut des protéines, et peu de sucres. On parle parfois de « petit-déjeuner nordique »3 pour qualifier ce repas riche en protéines et oméga-3 (harengs marinés, jambon, œufs, formage, légumes marinés, etc.)
« En effet, explique le Dr Olivier Coudron, spécialiste en micronutrition, les aliments protéinés sont très riches en tyrosine, si ils sont consommés au cours d’un repas pauvre en sucreries (à index glycémique faible) celui-ci n’augmentera pas trop notre taux d’insuline. Or, c’est l’augmentation excessive de l’insuline qui empêche l’utilisation de la tyrosine par notre cerveau. »
Pour favoriser un apport de tryptophane vers notre cerveau dans l’après-midi et la soirée, il faut inversement s’orienter vers une alimentation source de glucides lents et complexes (légumes, produits céréaliers à grains entiers, lentilles, pois etc.) plutôt qu’une alimentation trop riche en protéines4.
Un point particulier concernant le tryptophane : il est plus efficace accompagné de polyphénols (présents dans les fruits, légumes – artichauts, persil, chou, céleri, brocoli, etc. thé vert, chocolat, etc. ), qui luttent contre les « inflammations à bas grade » et « neuro-inflammations » susceptibles de limiter sa transformation en neurotransmetteurs.
On prendra un goûter avec des fruits frais et de saison, un carré de chocolat noir et une poignée d’oléagineux (amandes, noix, etc.) riches en acides gras polyinsaturés.
Pour le dîner, priorité aux légumes, et légumineuses, au moins 3 fois par semaine (fèves, pois, haricots, lentilles, etc.) avec une part réduite de produits animaux : privilégier les petits poissons gras, source d’oméga 3 puis les yaourts de brebis et de chèvre ou autres produits laitier fermentés, et enfin éventuellement un peu de volaille.
L’adoption de ce modèle de chronobiologie nutritionnelle a montré une amélioration de la qualité et de l’approfondissement du sommeil, ainsi qu’une réduction du temps d’endormissement et une normalisation du poids.
Pour être SÛRS de mal dormir
Une étude récente du Centre médical de l’université de Columbia, à New York5, a d’ailleurs confirmé l’influence de l’alimentation sur la qualité du sommeil, en identifiant avec précision les aliments qui nous empêchent de bien dormir.
Les participants à l’étude ont reçu un régime alimentaire contrôlé durant les 4 premiers jours, puis, durant le dernier jour, pouvaient s’alimenter comme ils le souhaitaient. Ils devaient se mettre au lit à 22 h.
Conclusion :
Plus l’apport en fibres est élevé, plus la durée de sommeil (lent et profond) est élevée.
Plus l’apport en graisses saturées (viandes, charcuteries, produits laitiers gras) est élevé, moins la durée de sommeil à ondes lentes (80 % du temps de sommeil), est importante.
Plus l’apport en sucres est élevé, plus il y a de « micro-éveils » au cours de la nuit.
Certains compléments peuvent avoir aussi un rôle intéressant dans l’endormissement ou la qualité du sommeil :
La mélatonine : sa sécrétion a tendance à diminuer avec l’âge. 0,3 mg à 2 mg de mélatonine sont suffisants pour obtenir un niveau comparable à celui d’une adulte jeune : temps d’endormissement diminué6, amélioration de la qualité du sommeil et réduction des réveils nocturnes.7
Le 5-HTP est un dérivé du tryptophane. Un complément alimentaire de 5-HTP permet de faciliter la détente et d’améliorer le sommeil8. Une dose de 50 à 100 mg au coucher est suffisante. Le 5-HTP ne doit pas être combiné à des médicaments psychotropes comme les antidépresseurs ou les anxiolytiques.
Le magnésium intervient dans la communication cellulaire et la régulation des rythmes veille/sommeil. Or, en France, la carence en magnésium concerne près de 90 % de la population. Il a été montré qu’une supplémentation en magnésium associée à du zinc et de la mélatonine améliorait le sommeil9. Le magnésium thréonate serait particulièrement bénéfique car il accroît la concentration en magnésium du cerveau10.
Le zinc semble aussi jouer un rôle important pour faciliter le sommeil. Il est impliqué dans la production de sérotonine et de mélatonine et augmente la durée du sommeil11. En cas de déficit en zinc, la capacité à rêver et à se remémorer nos rêves est altérée.
Tout juste réveilleé… déjà épuisé !
Le sommeil qui ne repose pas…Il s’agit d’un problème fréquent avec l’âge, dû à une diminution du temps passé en sommeil paradoxal (la partie du sommeil où l’on rêve et où l’on se repose psychiquement).
Un déficit en vitamine B12, même léger (une situation fréquente chez les végétariens et végétaliens), diminue la durée du sommeil paradoxal. Une prise de vitamine B12 en complément (méthylcobalamine) peut aider à corriger le problème12.
Autre piste, le temps passé en sommeil paradoxal est largement contrôlé par l’hormone de croissance. Il s’agit d’une petite protéine (petptide) fabriquée par le cerveau, notamment la nuit. Pour favoriser sa production, l’organisme a besoin de différents nutriments, dont l’un, la glycine, fait souvent défaut.
On en trouve dans les tissus animaux à base de collagène (peau, articulation, os de poulet par exemple). Le merveilleux bouillon d’os (voir ma lettre sur le sujet ici) est le plat classique qui contient le plus de glycine.
La prise de 6 à 7 g de glycine avant le coucher a montré dans une étude une augmentation de 3 à 4 des niveaux d’hormone de croissance, avec un sommeil qui était alors plus réparateur, quel que soit l’âge13.
Dans une autre étude, la prise de 3 gr de glycine en complément avant le coucher a permis d’améliorer la qualité du sommeil14 et de diminuer, chez des individus en déficit de sommeil la fatigue significative pendant la journée suivante comparativement au placebo.
Et on boit quoi ? Pour remplacer l’alcool, qui entraîne une baisse des niveaux d’hormone de croissance, une étude anglaise15 suggère qu’une cure de jus de griottes, qui contient de la mélatonine, peut agir positivement sur la qualité du sommeil.
Bon. On peut aussi se faire plaisir et boire un (petit) verre de vin pendant le dîner et prendre la mélatonine en complément.
Quand on vous dit que la nature est bien faite…
Santé !
Gabriel Combris