L’oiseau s’envole dans un radieux froufroutement. Dans le ciel étoilé, des ondes sonores en nappes régulières rythment le pacours de l’être solitaire. Sur terre, les hommes jubilent, entonnent des chœurs. C’est la fête. L’oiseau c’est Kerfallah Kanté, ce jeune chanteur découvert par Alpha Traoré James, un mécène de la place.
Son premier succès c’est la reprise d’une chanson célèbre de Miriam Makéba «Molouyame». Il en change le titre et le texte; il chante, lui,«Diawara» mais, la mélodie est là, la même. La voix de Kanté, étonne par son timbre mandingue savoureux. Les mélomanes ne s’y trompent guère. Il s’y accrochent en l’encourageant à décoller … à voler. Et voilà notre oiseau qui plane majestueusement. Il vogue depuis de succès en succès. De quoi donner le tourniquet !
Ramata, Nakisi, Nnah Djansa Na, sont des tubes qui plaisent et que l’on fredonne partout.
Kerfallah Kanté naît en 1959 à Faranah de Kémo Kanté et Djansa Na Kourouma. Dans ce petit village situé à 70 km du centre-ville, la famille Kanté est réputée. Traditioniste rompu, le père Kémo est un parfait balafoniste, qui initie très tôt son rejeton aux sonorités magiques de cet instrument, et à sa pratique.
A dix ans, Kerfallah Kanté est déjà un petit maître-balafon apprécié de tout Koumandikoura, son village natal. Cinq ans plus tard Kerfallah reçoit une guitare sèche qu’il travaille très rapidement pour se forger un style différent. L’adolescent devient un «ambianceur » des baptèmes, mariages et autres retrouvailles traditionnelles.
Des va-et-vient constants vers la ville de Faranah, le font découvrir aux musiciens du Tropical Djoli-Band, qui n’hésitent pas à le recruter, après un bref passage dans l’ensemble instrumental de la préfecture. Il obtient aussitôt la consécration avec le titre «Déni Kéléni». Ses paroles sont sensées, ses textes élagués de banalités topiques.
De 1980 à 1983, Kerfallah sera une véritable cheville ouvrière du Tropical, qui en fait sa force de frappe dans les grandes joutes culturelles nationales. C’est Ibrahima Kouyaté, le guitariste solo de Bala et ses Baladins qui l’invitera en fin 1984, à rejoindre les rangs de cette formation légendaire. Mais son arrivée correspond à une période de jachère que traversent les Baladins. Faute d’instruments, l’orchestre se tourne pratiquement les pouces. Kerfallah s’amuse.
Pour sa récréation, il participe aux groupes «Ninja». Voilà que le destin place sur sa route, un passionné de musique, découvreur de vedettes, Alpha Traoré James. Il l’introduit à la Direction Nationale de la RTG, où j’assumais les fonctions de directeur général, pour un premier enregistrement studio avant de le présenter au producteur Ahmadou Diouldé Sall qui aussitôt, signe un contrat exclusif avec lui.
La première cassette en 1991 et c’est le plébiscite. L’oiseau du Sankaran a pris son envol victorieux. Depuis, il vole de succès en succès, survole les hits et autres palmarès internationaux. Il offre gracieusement sa musique à la troupe Sodia et fait même quelques apparitions dans le vidéofilm ‘’Kouti’’.
L’oiseau du Sankaran adore Sory Kandia Kouyaté et vénère Mama Diabaté, deux stars qui sont pour lui de véritables modèles. Sékouba Bambino est un exemple d’organisation à suivre pour tenir bien longtemps. Ses trois premiers albums font de lui une des valeurs sures de la musique guinéenne, même si son dernier cru enregistré pourtant à Paris n’a point convaincu les mélomanes du pays. Il est passé aussi à l’écurie de Syllart Prod et prépare un quatrième opus.
De quoi, demain sera-t-il fait pour Kerfallah ?
Il répond avec conviction :«Demain, mais je le vis déjà, je dois continuer, créer, chanter, toujours chanter».
Pour un oiseau quoi de plus naturel !
Justin MOREL Junior
Années 1990
Justin MOREL Junior, Années 90