JustinMorel.info : Parlons tout d’abord de la nouvelle loi sur la parité votée le 2 mai dernier à l’Assemblée nationale ?
Dr Zalikatou Diallo : La loi sur la parité a été adoptée le 2 mai dernier à l’Assemblée nationale à l’unanimité. Ceci est très important dans la mesure où cette loi va corriger une certaine disparité entre les hommes et les femmes, au niveau des instances politiques et des prises de décisions. Et, nous avons lutté pendant plus de deux ans et demi au niveau du forum des femmes parlementaires de Guinée. Nous avons réussi à remporter une première bataille, quand la proposition de loi a été jugée recevable par le bureau de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, elle a suivi le circuit normal. Après plusieurs mois de discussions, enfin de compte, elle a été programmée, examinée et votée à l’Assemblée nationale. C’est le lieu de remercier tous les députés hommes qui sont plus nombreux que nous, qui nous ont accompagnées, parce que l’exposé des motifs étaient bien étoffés. Il était aussi clair que tout le monde s’est rendu à l’évidence qu’il y avait vraiment des disparités, de la discrimination au détriment des femmes, malgré tout ce qu’elles apportent au niveau des politiques.
JustinMorel.info : Pouvez-vous nous expliquer de façon explicite le contenu réel de cette loi sur la parité ?
Dr Zalikatou Diallo : Cette loi a neuf articles. Bon, le neuvième article contient des dispositions finales qui doivent être enregistrées après promulgation, publiées au journal officiel comme loi de l’Etat. Mais en fait, les articles 1er et 2 posent la règle de la parité et ceux 3, 4 et 5 montrent les champs d’application de la loi.
Concernant, les articles 6 et 7 donnent non seulement les possibilités de recours en cas d’y recevabilité d’une liste qui ne respecterait pas cette disposition . Ces deux articles également, exhortent les partis politiques, leurs coalitions et les candidatures indépendantes à respecter la parité sur toutes leurs listes de candidature.
Donc, il y a un article qui est aussi important le 4, qui a trait à la fonction élective. A ce niveau comme c’est l’uninominal, nous avons exhorté toutes les institutions publiques totalement ou partiellement électives, à prendre en compte la dimension genre, c’est-à-dire, tout ce qui est vulnérable et victime de discrimination notamment, les femmes, les jeunes et les handicaps, au moment de l’élaboration des listes de candidatures. Ou en tout cas au moment des élections au niveau des fonctions électives. En plus, cette loi va permettre de corriger une disparité qui a été mise en exergue lors du rapport Beijing+ 20, où la Guinée est parmi les quatre pays non CDE, où les disparités sont les plus grandes.
Ces pays sont du sud du Sahara notamment, la Guinée, le Liberia, le Nigeria et la Centrafrique. C’est pourquoi, le forum des femmes parlementaires a bénéficié d’un projet, grâce à l’appui technique et financé du PNUD et ONU-Femme et un projet aussi financé par le gouvernement canadien, qui nous ont permis de faire le plaidoyer à travers tout le pays, concernant les femmes et aussi, à l’évocation de cette loi sur la parité qui heureusement, a été votée et qui attend d’être promulguée par le président de la République.
Ceci étant, cette loi va nous permettre de corriger les disparités et de la mettre en œuvre, c’est-à-dire, traduire dans la réalité les dispositions des articles 1er , 2 et 8 de la constitution, qui consacrent l’égalité en droits et en devoirs de tous les sexes et l’égalité de chances. Mais, cela n’est pas traduit dans la réalité, parce qu’il manquait une disposition d’un critère normatif. Cela veut dire pour qu’une loi soit applicable, qu’elle ait vraiment un effet escompté, il y a au moins cinq critères.
Cependant, le plus important pour nous ici, c’est le critère normatif, c’est-à-dire, on fixe les règles de la loi, après on fixe les règles contre tout contrevenant et pour le non-respect des dispositions de la loi. Ce qui a manqué au niveau de la constitution et qui a manqué au niveau du code électoral, qui a été révisé au moment où le quota de 30% êtait en vigueur. Aucun parti politique ne sentait dans l’obligation de respecter donc, on pouvait dire 30%. Mais, on mettait les hommes en avant, 10 hommes, une femme, 15 hommes, une femme et ce sont ces femmes qui étaient mises en queue de liste. Et avec ça, on dit qu’on respecte le quota de 30% !!
Mais puisqu’un scrutin en général proportionnel, ce scrutin de liste à la représentativité proportionnelle, donc ce mauvais alignement ne donnait aucune chance à la femme d’être élue. C’est pourquoi, la représentativité des femmes au niveau de l’Assemblée nationale, des conseils communaux est toujours faible. Cette loi, va corriger cela parce que désormais, il faut respecter la parité et il faut respecter le positionnement d’égalité des chances, c’est-à-dire, les listes zébrées notamment, un homme, une femme ou une femme, un homme.
Au nouveau de l’uninominal, là, il faut reconnaitre, que nous n’avons pas voulu trop pénaliser les partis politiques parce qu’avec l’uninominal c’est une seule personne qui doit être élue. On n’exige pas que les partis présentent 50% de femmes candidates et 50% hommes candidats. Nous disons non ! Il faut donner la chance aux partis politiques de présenter les candidats qu’ils estiment vraiment qu’ils peuvent concourir et les faire gagner les circonscriptions électorales.
Si c’est une dame qui répond aux critères, ils sont libres de la choisir. Si c’est un homme également, mais qu’est-ce qu’on a pu obtenir de ce côté ?
Quand il y a deux 2 qui sont élus, un titulaire et son suppléant, maintenant, désormais, si le titulaire est un homme, la suppléante doit être une femme! Parce que, dès qu’il y a deux, il faut que la parité homme et femme soit respectée. Si c’est une femme qui est candidate titulaire, le suppléant doit être un homme, ainsi de suite. Maintenant au niveau des fonctions électives aussi, dans les institutions publiques, partiellement ou totalement électives, il faut aussi prendre en compte la dimension genre, autant que possible (hommes, femmes, jeunes et handicapés).
JustinMorel.info : certains chefs religieux s’opposent à cette loi contre la polygamie. Qu’en dites-vous ?
Dr Zalikatou Diallo : On est en démocratie, chacun est libre de s’opposer ou d’accepter, mais là n’est pas la question, en tant que députés, nous sommes la représentation nationale, et le gouvernement a déposé le code civil, un code de 1635 articles, si j’ai bonne mémoire. L’article 281 avait été effectivement voté par les députés hommes à l’Assemblée Nationale, le 29 décembre 2018, où ils avaient légalisé la polygamie. Il s’agit d’un amendement, parce que, le code qui nous a été envoyé le 12 avril 2016 à l’Assemblée nationale comportait justement des dispositions qui interdisaient la polygamie.
Ceci étant, au cours de l’examen en commission des lois, des dispositions ont été changées. Parce que, il y a eu beaucoup d’articles qui ont été réécrits, il faut le reconnaître, mais l’article 281 a fait l’objet de changement. Donc, ce que le gouvernement a déposé a été changé, ils ont introduit les options, en légalisant la polygamie. Nous, les femmes parlementaires, nous nous sommes battues pour que cela ne soit pas retenu en vain, au niveau de l’inter-commission et de l’explication de vote.
Heureusement, au niveau de l’explication de vote, notre président du groupe parlementaire nous a libérées ce jour, en disant que, puisque les avis sont partagés, que chacun vote selon sa conscience. Arrivées en plénière, nous n’avons pas voté le code, on s’est abstenu, les députés des libéraux démocrates se sont abstenus, et nous les femmes parlementaires toutes obédiences politiques confondues.
Alors, étant en infériorité numérique quand même, le code a été voté par les députés hommes. Et le chef de l’Etat, fort heureusement, a refusé de le promulguer parce qu’il considérait, comme nous autres d’ailleurs les femmes parlementaires, que c’était un recul.
On a apprécié cela. A l’Assemblée nationale, cette fois-ci pour que le code soit adopté, il fallait les 2/3 des députés. Le problème devenait beaucoup plus compliqué mais grâce à la sensibilisation et au dialogue, on est tombé d’accord sur le fait de maintenir l’amendement qu’a apporté le gouvernement.
L’amendement était sur cet article 281, qui a remis comme principe la monogamie et la polygamie tombait dans les exceptions, tout comme au niveau de l’article 282, où l’état de santé de la première épouse peut amener le mari à être autorisé à se remarier. Des cas de force majeure comme des pathologies irréversibles ainsi de suite…
Maintenant, c’est que, tous les citoyens guinéens sont soumis au principe de la monogamie, et lorsqu’il n’y a pas de déclarations après le mariage, automatiquement, c’est la monogamie et de façon irrévocable. On a donné une possibilité aussi, car il faut tenir compte de nos mœurs et coutumes des les réalités sociétales.
C’est pourquoi, ils ont donné une possibilité de choisir la monogamie ou d’opter pour la polygamie à une, deux, trois ou quatre femmes. Mais avec l’accord de la future épouse qui est là, non seulement par la présence physique, mais elle ne peut pas être prise au dépourvu. Elle doit donner son accord. Et s’il n’y a pas accord, il n’y a pas de mariage. Donc c’est aussi clair que ça.
JustinMorel.info : Le comité de pilotage du COCAN 2025 a été mis en place. Ne pensez-vous pas que la Guinée ne tombera pas dans le même scénario que celui de 2023 ?
Dr Zalikatou Diallo : Pas du tout, cette fois-ci l’arrêté a été pris par le premier ministre, qui a donné la composition du comité de pilotage et la présidence a été confiée au ministre des sports.
Et pour qui connait Bantama, c’est un ministre d’action aussitôt fait, on s’est réuni, on a élaboré une feuille de route, on est allé, on a visité les locaux du COCAN 2025; et le ministre a pris toutes les dispositions. D’abord, restaurer le siège parce qu’il en a vraiment besoin. Dès que cela sera sur place, c’est terminé, le comité va commencer à travailler à plein temps.
Les études sont en cours. Nous pourrons organiser le COCAN 2025, parce que la volonté politique y est. Nous pouvons compter sur les autorités et puis les membres du comité de pilotage. Pour les mois à venir, vous-même, vous verrez que le comité de pilotage de la CAN 2025 va prendre son envoi.
Interview réalisée par Léon KOLIE pour JMI
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