Il n’y a guère d’illusion à se faire, les inquiétudes exprimées ces derniers mois se confirment. Par la faute de la classe politique (toute tendance confondue), le pays se trouve aujourd’hui confronté à une impasse, qui ne dit pas son nom. En dépit d’une apparence trompeuse, notre pays est confronté à une crise aux multiples facettes : crise de l’éducation, crise politique depuis les élections communales du 4 février, crise institutionnelle.
Au plan politique la crise de confiance entre les différents acteurs est si profonde, qu’il sera très difficile aujourd’hui de rapprocher les points de vue. Comme par enchantement, les récriminations et antagonismes tant redoutés il y a quelques années ont resurgi.
Le repli identitaire et communautaire
Autrement dit, le repli identitaire et communautaire s’est dangereusement développé. Au vu et au su de tout le monde. Pratiquement rien de concret n’a été entrepris pour éviter cette dangereuse et préoccupante dérive.
Ce qui nous arrive aujourd’hui résulte évidemment d’une très mauvaise évaluation de la situation socio-économique du pays. On ne le répétera jamais assez, nous voici désormais victime du piège démocratique. Un piège posé par la classe politique.
Cet amer constat nous amène à tirer des conclusions dont il faudra tenir compte pour démener les écheveaux de la crise politique qui secoue le pays. La situation que nous vivons aujourd’hui trouve ses origines dans le processus de démocratisation engagé par feu Lansana Conté, dont on a célébré ces jours-ci l’an dix de sa disparition.
Après Ahmed Sékou Touré
A la mort de Ahmed Sékou Touré, premier président de la Guinée le 26 mars 1984, l’objectif défini par le Comité militaire de redressement national fut de mettre en place des institutions viables sur le plan politique et économique, afin de sortir le pays de la situation de sous-développement chronique dans laquelle le PDG l’avait plongé. Il fallait une nouvelle loi fondamentale dans laquelle la majorité des Guinéens se reconnaîtraient. Après la dissolution de toutes les instances du PDG, la rédaction de cette loi devenait un préalable à toute vie politique normale.
Il fallut à la Deuxième République six bonnes années de concertations, de confrontations et d’hésitations pour doter notre pays d’une nouvelle Constitution, par la voie d’un référendum en 1990. De notre point de vue, c’est à partir de cet instant que nos malheurs vont commencer. Feu Lansana Conté, militaire de son état, souhaitait dans le projet initial de la constitution un bipartisme pour le pays.
Du fond de sa tombe
Un projet qui fut l’objet d’un tollé de réaction de la part des partisans du multipartisme intégral. En analysant aujourd’hui le cheminement tortueux de notre démocratisation, l’on peut évaluer les effets pervers du choix opéré en 1990. A proprement parler, quel est le parti politique qui a réellement une assise nationale ? Les principaux partis politiques qui animent aujourd’hui la scène politique nationale sont pratiquement communautaires. Et pire, les discours politiques sont loin de rassembler les Guinéens. Si le projet initial de la Loi Fondamentale avait été adopté, les dérives que nous déplorons maintenant ne seraient pas de mise. Nul n’a conscience de la dangereuse spirale qui risque à terme de mettre le pays dans une regrettable situation. Du fond de sa tombe, Lansana Conté devrait bien se marrer de la classe politique, qui affiche des faiblesses désopilantes.
Au-delà des professions de foi bien théoriques et sans aucune prise sur la réalité ambiante, il revient à tous les acteurs politiques de se ressaisir. Les convictions politiques des uns et des autres ne sont nullement des antagonismes devant nous conduire à l’adversité. Nous sommes tous des Guinéens aspirant au bonheur et à la quiétude.
Thierno Saidou DIAKITE pour JMI
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