Quarante et un ans après sa disparition, l’œuvre musicale de feu El Hadj Sory Kandia Kouyaté demeure toujours présente dans nos esprits. Décédé à l’âge de 44 ans sans avoir épuisé les réserves de son immense talent, feu Sory Kandia Kouyaté a connu un succès précoce. En 1956, à l’âge de 23 ans, il obtient sa première consécration internationale à Paris aux Champs Elysées, où il chanta l’Afrique devant le président de la République française d’alors René Coty.
En cette semaine anniversaire de la disparition de feu El Hadj Sory Kandia Kouyaté, qu’il n’est plus besoin de présenter, nous publions des extraits de l’ouvrage que son fils aîné Dr Mamadou Kouyaté lui a consacré. Il s’agit singulièrement du témoignage de feu Emile Tompapa musicologue et ancien président du Conseil national de la communication.
‘’…Le 24 décembre 1977, à 10 heures, Sory Kandia Kouyaté tout de blanc vêtu arrive en jeep, chez son ami Emile Tompapa pour lui annoncer son voyage à Coyah, à 50 km de Conakry pour une soirée de gala de l’Ensemble instrumental et choral.’’
Citation :
« Ecoute Emile, je vais chanter à Coyah, ce soir, jusqu’à 2 heures du matin. Je sais que c’est ta fête aujourd’hui, c’est noël ; je reviendrai ici continuer la fête avec toi, en famille. Bonne fête !
Tu m’accompagneras à l’orgue et je chanterai pour nos invités. C’est aussi ma fête à moi. Attends-moi » Fin de citation.
Je lui ai souhaité bonne chance et nous nous sommes embrassés. Sa jeep est partie.
El Hadj Sory Kandia Kouyaté ne reviendra pas vivant.
C’est à la morgue que je devais aller pleurer à 6 h30 du matin sur sa dépouille mortelle. Je ne comprenais pas et ne comprends toujours pas…
« Matin de Noël de 1977 »
Si tout le monde a pleuré Sory Kandia Kouyaté, le jour de sa mort, les habitants de la petite ville de Coyah qui l’ont vu chanter et qui l’ont applaudi dans son ultime prestation de gala, dans la nuit du 24 au 25 décembre 1977, l’ont davantage pleuré. Ils n’avaient jamais imaginé qu’ils applaudissaient les derniers instants de gloire d’un artiste dont il ne restait que quelques heures à vivre alors qu’il ne semblait nullement afficher les symptômes du moribond.
Crise cardiaque ? Rupture de veine coronaire due à la tension profonde des cordes vocales de la voix suite aux notes aiguës et prolongées à l’infini comme il aimait à le faire, malgré nos mises en garde ? Personne ne le saura jamais et le mystère de cette mort brutale garde son énigme pour toujours.
J’ai connu le jeune Sory Kandia à Paris, rue de la Faisanderie, chez Keïta Fodéba, au sein des Ballets de l’Afrique noire que celui-ci dirigeait alors.
J’ai connu ce petit monde remuant, primesautier, gouailleur, gai, plein d’enthousiasme dont les spectacles empreints d’un cachet exotique faisaient la Une de tous les journaux de France. C’était en 1956 au printemps.
Le jeune Sory Kandia, nouvellement recruté, évoluait dans la chanson avec une voix mal assurée mais belle, aux côtés de géants de la musique et de la danse traditionnelles africaines tels que : Kanté Facély, Cissoko Bakary, Marof Achkar, Fonséca, Barry Pétit, Lomis Akim, Macauley Jeanne, Italo et Jules Zambo, Sankon, etc.
Les ballets d’Afrique noire, à cette époque, préparaient un nouveau spectacle pour les pays scandinaves, en juillet-août 1956.
Kandia et la musique de son temps
Il était animé d’un souci et d’une volonté farouches de donner à la culture musicale moderne un cachet traditionnel de qualité qu’il croyait compromis chez les jeunes musiciens et mélomanes.
Dans l’Ensemble instrumental, il essayait, dans l’exécution musicale, de mettre en valeur toutes les possibilités sonores des instruments en tant que supports indispensables de la voix.
Dans les pauses, Kandia, pendant les répétitions, imposait aux danseuses des gestes graciles, des contorsions corporelles agréables et fluides pour donner l’image pathétiques d’une identité nationale.
Dans le concert des balafons, des tambours et des sonnailles, il réservait toujours des séquences de choix aux instruments à cordes pincées et frottées (kora, guitare, violon, bolon).
Sory Kandia Kouyaté que j’ai longtemps observé pendant les répétitions de l’Ensemble instrumental insistait souvent pour que ses mélodies chantées soit à l’unisson des instruments et des voix qui devaient en être les supports harmoniques. On le constate dans PDG, Dua, Diandian, Mambi, Djoliba, Sundiata, etc…’’
Une narration pathétique, qui en dit long sur les relations étroites entre ces deux hommes décédés. Quarante ans après sa disparition que reste-t-il de l’œuvre inachevée de cet artiste émérite ? Nous vivons de son impérissable souvenir. Il nous a légué une œuvre musicale majeure éternelle, qui résistera à l’usure du temps. Au regard de son inestimable contribution au rayonnement de notre culture, Kandia mérite un monument à la dimension de son talent.
Thierno Saïdou DIAKITE pour JMI
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