Votre site www.justinmorel.info, a plongé dans ses archives pour ressortir le livre paru en 1991 aux Editions du Seuil, de Michel Albert « Capitalisme contre capitalisme, où il avait tenté de démontrer, exemples à l’appui, les contradictions économiques, quelques fois suicidaires, que le système portait en lui…
Le communisme s’est effondré. Le capitalisme triomphe, sur toute la ligne et sans appel. Lui dont le ressort est la concurrence s’est libéré de tout concurrent. Parvenu à l’hégémonie, il redevient dangereux. Notre avenir se joue désormais entre cette victoire et ce danger. Comment ? C’est le grand débat Capitalisme contre capitalisme. Pas seulement en France et En Europe, mais aussi en Amérique, au Japon. Et demain, dans les pays de l’Est.
Ce débat oppose deux modèles de capitalisme. Pas seulement en France et en Europe, mais aussi en Amérique, au Japon. Et demain, dans les pays de l’Est.
Ce débat oppose deux modèles de capitalisme : le modèle « néo-américain », fondé sur la réussite individuelle, le profit financier à court terme, et leur médiatisation ; le modèle « rhénan », qui se pratique en Allemagne, en Suisse, dans le Bénélux et en Europe du Nord, mais aussi avec des variantes, au Japon. Il valorise la réussite collective, le consensus, le souci de long terme.
Dans ces pages accessibles à tous et qu’enrichissent mille exemples concrets, l’auteur du fameux Pari français offre une magistrale synthèse qui nous met littéralement en face du nouvel enjeu économico-politique de cette fin de siècle.
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Poursuivant ma relecture d’ouvrages connus étudiant, avant d’en débarrasser ma bibliothèque, j’en profite pour en proposer une critique sur le mode « 20 ans après ». L’exercice n’est pas inintéressant : que peut-on en effet tirer en 2017 d’un ouvrage écrit en 1991, riche des actualités de l’époque ?
Principalement que le sens de l’Histoire reste toujours aussi délicat à prévoir, tant pour les décideurs que pour les intellectuels qui analysent (sans parler des commentateurs de l’instant, certainement les moins pertinents…).
Ainsi, en 1991, constatant le triomphe du capitalisme, Michel Albert s’évertuait à distinguer en son sein deux formes concurrentes (anglo-saxon contre rhénan), ainsi que leurs dérives respectives possibles…
Or, si ces modèles subsistent toujours bel et bien, l’un irriguant la caricature Trump, l’autre une Union européenne moribonde, ils sont loin d’être déterminants pour comprendre notre monde actuel , et son économie : le capitalisme d’aujourd’hui se trouve confronté à ses limites fondamentales, tout continent confondu : la montée des inégalités (certes bien mise en évidence par M. Albert), qui a abouti à deux Amériques qui s’affrontent, à chaque nouvelle élection (la moins favorisée et la plus inquiète ayant porté Trump au pouvoir aux dernières), à une Europe sans gouvernail, ballottée par des marchés mondialisés et incapable d’homogénéiser son système social, à une opposition frontale entre pays développés et ceux laissés pour compte, et surtout au sein des Etats eux-mêmes : ce ne sont plus des Etats ni même des régions du globe qui s’affrontent, mais des systèmes de pensées : démocraties et économies de marchés contre révoltes des exclus ou se percevant comme tels… tentés alors par le recours aux pires violences et aux fanatismes les plus archaïques.
Non, Monsieur Albert, le capitalisme, et une certaine idée de la démocratie libérale, n’en est pas réduit à lutter contre lui-même, ces dérives (que vous aviez justement relevées) continuent de nourrir des forces centrifuges anarchiques, des replis identitaires, des réflexes de recours aux conservatismes autocratiques, des mouvements d’indignés… et de populations entières.
Quelque part, heureusement…
Je vous rends cependant hommage, M. Albert, car votre réflexion, si elle donne encore à réfléchir 25 ans plus tard, était certainement de qualité dans son contexte… et il est tellement facile de distribuer de bons et mauvais points 25 ans après…