Ce 15 avril, le Bembeya Jazz National et International célèbre 57 années d’existence. Une exceptionnelle longévité pour cette formation musicale, qui a su résister à l’usure du temps. Constitué peu de temps après notre accession à l’indépendance nationale, à la faveur de la politique de valorisation de la culture nationale, le Bembeya est devenu aujourd’hui par la force des choses, le porte flambeau de la musique moderne du pays. Retour sur l’itinéraire de ce groupe musical.
En 1994, pour le compte du quotidien national Horoya, j’ai couvert les préparatifs du gala anniversaire du Bembeya, que l’agence Conakry Magakhoui organisa sous la direction de feu Aly Badara Diakité. Une opportunité qui me permit de faire l’interview de El Hadj Sékou Legrow Camara administrateur de l’orchestre.
Au cours de cet entretien, Sékou Legrow décrit les conditions dans lesquelles l’orchestre fut créé ‘’…En ce jour mémorable du 15 avril 1961 à Beyla dans une salle remplie d’instruments de musique flambant neufs, le commandant de la région de l’époque feu Emile Condé, nous disait citation ‘’ Au nom du Parti et du gouvernement, je mets ces instruments à votre disposition pour l’accomplissement de la mission la plus difficile : celle de reconvertir les mentalités. Il est vrai que nous sommes indépendants. Mais depuis trois ans nous continuons à danser encore au son des valses, des paso doble et autre tango. Le peuple se moque de nous, car il dit sous cape, ‘’ vous ne voulez pas des blancs et vous continuez à chanter et à danser comme eux’’. A partir de cet instant, nous ne voulons plus entendre de chansons françaises dans les bals. Nous avons nos chants et nos danses, mettez-les en valeur. Dans vos mains considérez ces instruments comme des armes pour imposer notre culture dans notre espace géographique et pourquoi pas, au-delà de nos frontières.’’ Fin de citation.
Avec l’écrivain Alpha Oumar Diallo, il est loisible de remonter le fil du parcours de l’orchestre Bembeya. En 1963, les responsables de Beyla s’activent pour les préparatifs de la quinzaine artistique qui se tiendra au mois de mai à N’Zérékoré, la capitale régionale. Des ensembles comme le Nimba Jazz, le Palm Jazz, le Kébendo Jazz et le Niandan Jazz étaient dynamiques et dominaient la scène musicale.
Le Bembeya débarque un soir du mois de mai à N’Zérékoré. Le groupe, dès ses premières prestations, éblouit le public guerzé. Des chansons comme « démbatigalan » endiablent le public. Le groupe rentre à Beyla avec le second prix ! Emmené par Sékou Bembeya, le groupe ne reste pas longtemps confiné à Beyla.
Rapidement, ils gagnent des concours régionaux et nationaux et à partir de la moitié des années 60, ils obtiennent le statut d’orchestre national. Là, aux côtés de Kélétègui et ses Tambourinis, Balla et ses Baladins et le Horoya Band, le Bembeya joue jusqu’à six jours par semaine. Chaque groupe luttant pour s’attirer les faveurs d’un public fervent. Salifou Kaba, l’un chanteur se rappelle que leur arrivée dans la capitale coïncide avec la volonté de développer un nouveau répertoire excitant. « Chaque semaine, on essayait de nouvelles chansons pour attirer la clientèle. On était obligé de créer, c’était ainsi ».
En effet, c’est sous l’autorité des plus hautes instances du Parti, qu’un concours national fut organisé pour meubler la section vocale de l’orchestre. De sévères critères ont permis au jury de désigner au finish Nagna Mory Kouyaté second chanteur du 22 Band de Kankan, et Moussa Touré candidat volontaire. Avec Salifou Kaba, ces deux nouvelles recrues formèrent le trio Ambiance Bazooka.
Comme l’a souligné Sékou Legrow administrateur de l’orchestre, il s’agit désormais de préparer la relève, afin qu’à l’instar du groupe Aragon, le Bembeya puisse résister à l’usure du temps. Une ambition, qui se passe de tout commentaire. Joyeux anniversaire au Bembeya Jazz National.
Thierno Saïdou DIAKITE pour JMI
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