Le show biz africain et mondial est en deuil. Ramapolo Hugh Masekela le célèbre trompettiste sud-africain s’est éteint ce 23 janvier des suites d’un cancer de la prostate contracté depuis quelque temps.
Hugh Masekela est né le 4 avril 1939 dans un township du Mpumalanga, région riche en or et charbon. Encore tout jeune, au moment où se met en place le «Group Areas Act» qui délimite des zones pour chaque groupe racial, il suit sa grand-mère, qui s’installe à Soweto. Ce sera, par l’un de ces paradoxes qu’offrent certains destins contrariés, la chance de sa vie. Le gamin, déjà initié au piano, monte un groupe de jazz sous l’impulsion d’un père britannique bientôt expulsé vers Etats-Unis pour ses idées trop «émancipatrices». Tenace, l’homme visiblement de foi prêchera pour le jeune Masekela auprès de Louis Armstrong, qui lui aurait envoyé une trompette. Sa renommée en est d’autant plus amplifiée, son chemin tout tracé. Il n’ira néanmoins pas sans embûches.
Alors qu’il vient de s’illustrer dans la comédie musicale King Kong, où il rencontre sa future épouse Miriam Makeba, et alors qu’il vient d’intégrer les Jazz Epistles, où il côtoie le gotha du jazz sud-africain (Dollar Brand, Kippie Moeketsi et Jonas Gwangwa), le précoce talent choisit de fuir le pays. Nous sommes en 1960, au moment même du massacre de Sharpeville, et Masekela bénéficie d’une bourse pour étudier à la London’s Guildhall School Of Music, où il bénéficie, dit la légende, de l’aide de Yehudi Menuhin. C’est le début d’une décennie en or pour le jeune trompettiste. Un an plus tard, il traverse l’Atlantique, cette fois grâce au soutien de Harry Belafonte, et se retrouve à la Manhattan School où il rencontre Stuart Lewin, avec qui il va fonder le label Chisa.
Dans les années 70, le trompettiste devient l’icône de tout un continent. A cette époque, il durcit le ton dans ses prises de position. L’obsession panafricaine ne va plus jamais quitter celui que Manu Dibango confiera un jour être son trompettiste «préféré». Comme le Camerounais d’ailleurs, Masekela incarnera pour les jeunes générations plus une certaine image du crossover que celle d’un virtuose des triolets. Un raccourci qui s’explique par une méconnaissance de l’épaisseur de son œuvre, ainsi que ses choix artistiques à partir des années 80. Il figurera notamment en 1987 sur scène auprès de Paul Simon qui vient de sortir Graceland. La même année, il signe Bring Him Back Home, étonnant mix de nappes synthétiques et de rythmiques sud-africaines, où il exige la libération de Nelson Mandela. Et quand ce dernier prend la présidence, il est l’heure pour celui qui signa le tout aussi emblématique Soweto Blues, autre hymne à la liberté écrit quinze ans plus tôt pour Miriam Makeba, de rentrer à la maison.
Avec la disparition de cette légende du jazz se tourne une page de l’histoire de la musique engagée du pays de Mandéla. Dix ans après la mort tragique de Mama Africa, l’Afrique du Sud est frappée par une perte durement ressentie. Masekela laisse à la postérité le souvenir d’une vie entièrement consacrée à la lutte contre l’odieux système de l’apartheid, par le biais de sa musique.
Thierno Saïdou DIAKITE pour JMI
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