La République de Guinée a un glorieux passé sportif. Dans les années soixante-dix, un de ses clubs de football, le Hafia Football Club a réalisé le premier triplé continental en remportant définitivement en décembre 1977, la coupe des clubs champions d’Afrique. En 1970, l’équipe nationale de volley-ball a participé aux phases finales de la coupe du monde. Les boxeurs et autres sportifs s’illustrèrent aussi dans diverses compétitions continentales et mondiales.
Aujourd’hui, malgré un formidable potentiel, le pays vit de souvenirs et n’arrive plus à renouer avec les performances d’antan. Pire, après plus de cinquante ans d’indépendance, la situation des infrastructures sportives n’est guère reluisante. Le pays ne dispose à ce jour que d’un seul complexe sportif, le stade omnisport du 28 septembre de Conakry, d’une capacité de 25.000 places assises, construit par le biais de la coopération soviétique dans les années 60. Grâce à un don de la Chine, le Grand stade de Nongo, véritable bijou architectural, censé être fonctionnel en 2010, est encore en chantier au grand dam des férus de football.
ARGUMENTAIRE POUR LA COUPE D’AFRIQUE
La coupe d’Afrique des Nations de football à l’échelle du continent est la plus grande fête sportive qui soit. C’est la plus belle des compétitions africaines. Organiser une telle compétition, engendre pour un pays, des retombées bénéfiques et directes au plan des infrastructures, sans compter les ressources financières engrangées à la fin du tournoi.
En l’état actuel de la situation du sport guinéen, seule une phase finale de coupe des nations senior est à même de résorber le retard que notre pays enregistre au plan des infrastructures diverses. A titre d’exemple, le cas malien est à citer pour nos décideurs. En 1998, ce pays voisin a sollicité de la CAF, l’organisation de la 23 ème édition de la CAN en 2002. Par le biais de cette compétition, ce pays a exécuté en deux ans un plan de développement prévu sur cinq ans.
Estimé à un coût de l’ordre de 120 milliards de CFA, ce programme a été financé par l’Etat sur des ressources du Budget national, le secteur privé, les régions et la coopération bilatérale.
Dans ce cadre, les infrastructures suivantes ont été réalisées :
- Cinq stades de compétition à Bamako, Kayes, Mopti, Ségou et Sikasso. Il est à préciser que le stade du 26 mars de Bamako dispose d’une capacité de 50.000 places, tandis que ceux de l’intérieur du pays offrent chacun 15.000 places.
- Construction de deux aéroports pouvant recevoir des gros porteurs à Kayes et L’aéroport de Bamako-Sénou et celui de Mopti ont été réhabilités.
- Pour les besoins d’entraînement des équipes, trois stades ont été construits notamment à Kayes, Sévaré et Ségou .Quatre autres stades municipaux de l’intérieur du pays ont été réhabilités.
- Construction de cinq villages CAN à Bamako, Kayes, Mopti, Ségou et Sikasso .Ces villages dotés de 42 villas chacun, ont été cédés après la compétition, aux particuliers à des prix très abordables.
- Construction de 3 hôtels CAN, l’hôtel SMH de Bamako avec 120 chambres, l’hôtel Sahara de Mopti-Sévaré (60 chambres) et l’hôtel CAN de Sikasso.
- La réhabilitation des hôpitaux Gabriel Touré et du Point G de Bamako, de l’hôpital de Kati, des hôpitaux régionaux de Kayes, Mopti, Ségou et Sikasso.
- Réhabilitation et équipement des commissariats et casernes de Kayes, Mopti, Ségou et Sikasso.
- Equipement et extension de la couverture télévisuelle à l’ensemble du territoire malien.
Après l’organisation réussie de cette épreuve continentale, le Mali s’est attelé à d’autres chantiers dans ses efforts de développement socio-économique.
Notre pays est dans une situation où pratiquement tout est à faire et refaire. Faute d’entretenir les investissements réalisés, pour satisfaire au cahier de charges de la CAF, nous devrons retrousser sérieusement les manches et mettre les bouchées doubles. Indéniablement, l’organisation pour nous de cette manifestation présente de multiples avantages qui sont entre autres :
- la réalisation d’infrastructures sportives performantes, qui après la compétition favoriseront la vulgarisation de la pratique sportive ;
- l’accroissement de la capacité d’accueil de nos réceptifs hôteliers. Par ce biais, le secteur du tourisme bénéficiera des retombées de cette compétition.
- de redynamiser la desserte en électricité, la capacité des structures sanitaires et le système de transport urbain et inter urbain, etc.
- une telle compétition suscitera automatiquement l’ouverture de plusieurs chantiers, et favorisera l’absorption de nombreux demandeurs d’emplois, quoique indirects, cela réduira de façon substantielle le taux de chômage en Guinée.
- C’est enfin et surtout le crédit et l’image de marque dont notre pays bénéficiera, qui seront renforcés, étant entendu que sur le plan international, à ce jour, le sport est le meilleur véhicule de l’image d’un pays, grâce à la couverture médiatique des manifestations sportives.
FORMULATION DU PROJET
Le 12 septembre 2007, le Conseil des Ministres en sa session ordinaire a officiellement annoncé la candidature de la Guinée pour l’organisation des phases finales de la CAN. Malheureusement depuis cette date, aucune démarche, ni disposition n’ont été entreprises pour formaliser cette candidature.
Il aura fallu attendre l’avènement de la troisième République et de son premier gouvernement pour voir la candidature de notre pays prendre enfin corps. En effet, le gouvernement a déposé au siège de la CAF, une lettre de garantie, qui confirme la volonté politique de nos décideurs à abriter l’édition de 2019 de la CAN senior de football. On connaît la suite de l’histoire de notre candidature relatée dans le précédent article.
Dans la perspective de la CAN 2023, seule susceptible de doter le pays de diverses infrastructures, une démarche dynamique est à entreprendre.
Puisque nous avons abrité en mai 1999, la CAN des cadets, nous pouvons miser sur la CAN des Juniors en 2019, la catégorie immédiatement supérieure. Pour cette compétition, la CAF n’exige que deux stades de compétition. A cette échéance, nous aurons en plus du stade du 28 septembre de Conakry, le grand stade de Nongo livré. D’ici là, il faudra réhabiliter le stade El Hadj Saïfoulaye Diallo de Labé, qui servira de second stade de compétition.
Des travaux annexes devront être programmés à savoir : la réhabilitation de la nationale Conakry – Labé, ainsi que l’aéroport de Labé, la mise en norme des réceptifs de Conakry et Labé, la réfection des stades de la Mission de Kaloum, de Coléah, du stade annexe du 28 septembre, du stade de Bonfi, qui feront office de terrains d’entraînement pour le groupe qui sera basé à Conakry.
Au-delà de ces aspects socio-économiques présentés ci-haut, l’organisation de la CAN implique des enjeux sportifs pour le pays hôte. Raison pour laquelle, la direction technique de la fédération devrait se pencher maintenant sur la conception d’un plan stratégique de préparation de nos futurs représentants.
A ce titre, l’actuelle équipe nationale des cadets, qui s’est brillamment qualifiée pour la dernière Coupe du monde de la catégorie disputée l’année dernière en Inde, devrait constituer le noyau de la future équipe nationale. Dans quelques années ces jeunes vont changer de catégorie pour être juniors. Et progressivement tout en étant renforcée par les meilleurs du moment, cette génération va être à même de défendre avec brio nos couleurs.
Il revient donc à la fédération d’avoir du recul et une vision dynamique. Si des arguments solides sont présentés au ministère des sports, il n’y a pas de raison que le programme élaboré ne soit pas accompagné par l’Etat. C’est donc dans cette optique prospective que la problématique devrait être appréhendée par tous les Guinéens. En premier lieu nos décideurs.
Thierno Saïdou DIAKITE pour JMI – JMI Copyright © JustinMorel.Info