La polémique sur les réseaux sociaux née autour des délégations africaines pléthoriques à la COP23, à Bonn en Allemagne, est plus qu’édifiante. Elle aura permis de mettre en lumière pour une raison ou pour une autre, une certaine frénésie des Africains à participer à la conférence annuelle des Nations unies sur le climat.

Pour preuve, les 5 premières nations sur les 196 nations signataires de la convention-cadre des Nations unies à avoir envoyé plus de délègues sont tous africains.

La Côte d’Ivoire détient la palme d’or avec 492 participants; la Guinée arrive en seconde position avec 355 délégués; la RDC occupe la troisième marche du podium avec 340 déléguésLe top 5 est complété par le Maroc (253) et le Congo (308), alors que dans l’ensemble, la moyenne à cette COP23 est de 45 délégués : les États unis, le Royaume-Uni, la Pologne, l’Union Européenne ont respectivement délégué 48, 45,77 et 76 délégués.

La Guinée, pour la deuxième année consécutive figure au second rang des pays qui envoie plus de délégués à la conférence des parties sur le climat : 398 délégués à la COP21 à Paris, soit plus que le pays organisateur et 355 délègues cette année!

Les demandeurs d’accréditations

Nous nous sommes penchés sur l’analyse de la liste nominative de la délégation guinéenne disponible sur le site de la convention cadre des Nations unies pour les changements climatiques : (http://unfccc.int/resource/docs/2017/cop23/eng/PLOP.pdf)

Au-delà du fait que la délivrance de 355 accréditations représente déjà un scandale dans le contexte d’une COP, ce qui est plus intrigant dans la liste de la délégation guinéenne, c’est la présence de personnes accréditées dont on ne décline pas les  responsabilités, ou l’intérêt pour la COP23, mais aussi d’autres qui n’ont absolument rien à voir avec la chose environnementale.

Extraits de quelques noms : « Mr. Rakotonandrianina Timothée » dont on ne précise ni la structure, ni la fonction, « Mr. Aboubacar Sidiki Nabé,  Administrateur Civil Secrétariat Général de la Ligue Islamique de Guinée » ; « Mr. Ousmane Kaba Artiste ( ?)  Ministère de la Culture Direction Nationale de la Culture » ; « Mr. Thierno Mamadou Diallo 1er Secrétaire Chargé de l’Education et la Formation CNTG Guinée » ; « Mr. Mamadou Lamarana Diallo » aucune précision sur la structure et la fonction ; « Mr. Aboubacar Cissoko Artiste ( ?) Ministère de la Culture Direction Nationale de la Culture » ; « Mr. Amadou Oury Bah Manager » sans plus de précision, etc…

Il figure beaucoup de noms tout au long de cette liste devant lesquels il est simplement mentionné NGO (ONG) sans plus de précision, alors que pour d’autres, les noms des structures et les fonctions des personnes sont clairement identifiés.

Opacité dans la délivrance des accréditations

Les médias guinéens qui s’intéressent plus à la politique qu’à l’environnement, n’ont pas commenté ces informations, n’empêche que le débat lui, il est bien présent sur les réseaux sociaux, les réactions sont unanimes sur le fait qu’envoyer 355 délégués à la COP n’est pas nécessaire!

Comme en Côte d’Ivoire, la Guinée a délivré au minimum 355 accréditations, mais à Bonn, selon le témoignage d’un jeune activiste guinéen, l’effectif présent à Bonn n’a pas atteint 355 (ce qui est difficile à vérifier). Il affirme également qu’il a rencontré des Français qui, n’ayant pas été accrédités par la France voulaient se faire accréditer par la Guinée à Bonn. Selon lui, certains membres de la délégation guinéenne n’ayant pas réussi à se faire accréditer en Guinée ne l’ont été qu’à Bonn, ce qui fait que théoriquement le nombre de 355 délégués accrédités répertoriés par le secrétariat est sous-évalué.

Au regard de certains témoignages concordants et de l’examen de la liste nominative des personnes accréditées, beaucoup de flous entourent la délivrance des accréditations en Guinée. À  l’occasion des préparatifs de cette COP23 en Guinée, Il est même arrivé un moment où des activistes étaient carrément perdus dans le statut quo par rapport aux critères et à l’autorisation de délivrance des accréditations « qui doit délivrer les accréditations » ?

Tantôt c’est le point focal changement climatique de la convention cadre des Nations Unies au ministère guinéen de l’Environnement des Eaux et Forêts, Joseph Sylla, tantôt, il fallait une autorisation de la ministre en personne, Assiatou Baldé, malgré une procédure préétablie qui consistait à en faire la demande écrite. Un véritable imbroglio. Une communication comme en Côte d’Ivoire permettra au moins d’éclairer la lanterne de l’opinion.

Bref, à la lumière des réalités des deux têtes d’affiche du palmarès des grandes délégations à la COP23, en l’occurrence la Côte d’Ivoire et la Guinée, on pourrait dire sans risque de se tromper que les situations sont semblables pour les pays africains qui complètent le top 5 (le Maroc qui fut incroyablement présent lors de ces trois dernières éditions avec le plus gros effectif à la COP21 soit 439 délégués, le Congo et la RDC).

La représentativité des délégations africaines dans les rencontres internationales de haut niveau, au-delà de la COP devrait à l’avenir se faire en terme qualitatif et non quantitatif, comme se félicite la ministre ivoirienne de l’environnement.

La procédure de délivrance des accréditations doit obéir à une certaine transparence, qui tienne compte de l’engagement des personnes en faveur du climat et de l’environnement.

Le laisser-aller et l’opacité qui entourent la délivrance des accréditations en Afrique, justifient en partie la réticence des ambassades allemandes à délivrer des visas cette année.

Mamadou Aliou DIALLO pour JMI

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